Le financement de stocks assujettis à des droits de propriété intellectuelle – comment réduire le risque du créancier?

Les droits d’un créancier garanti détenant une sûreté sur les stocks d’un débiteur peuvent être limités par certains droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers.

Tel que ceci fut traité dans un de nos bulletins précédents, la Cour suprême de Nouvelle Écosse nous en donne un exemple dans la décision Scanwood Canada Ltd., où la compagnie manufacturière faillie avait conclu un contrat avec IKEA qui prévoyait qu’une fois construits, les meubles ne pouvaient être vendus qu’à IKEA ou à l’un de ses distributeurs autorisés. En cas de faillite, IKEA n’avait pas l’obligation de les acheter. IKEA ayant refusé d’acheter l’ensemble des meubles, le séquestre a demandé au tribunal l’autorisation de vendre les biens afin de réaliser l’actif de la débitrice au profit de la masse des créanciers. Cette demande fut rejetée et le tribunal ordonna la destruction des biens, soulignant alors qu’il ne pouvait outrepasser le contrat intervenu entre le débiteur et IKEA.

Il est cependant possible pour un créancier de se prémunir contre les effets défavorables que peuvent avoir les droits des tiers sur sa sûreté.

Étape cruciale : la vérification diligente

Au moment d’évaluer le dossier d’un débiteur, le créancier se doit de faire preuve de rigueur lors de sa vérification diligente. Il est essentiel de poser les bonnes questions afin de disposer de toute l’information requise pour mettre en place des sûretés qu’il sera possible de réaliser, en cas de besoin, et de prendre toutes le mesures nécessaires pour se protéger. Le créancier devrait, notamment, faire ce qui suit :

  • Obtenir une liste exhaustive de tous les droits de propriété intellectuelle dont le débiteur est propriétaire. Ceci lui permettra de déterminer si, et dans quelle mesure, ces derniers sont essentiels à la vente des stocks du débiteur. Le créancier devrait également procéder aux recherches nécessaires dans les registres publics (tels l’Office de la propriété intellectuelle du Canada ou le Registre des droits personnels et réels mobiliers) pour déterminer si ces derniers sont grevés de sûretés en faveur de tiers.
  • Obtenir une liste exhaustive de tous les droits de propriété intellectuelle que le débiteur détient sous licence d’un tiers. Une vérification détaillée des contrats de licence permettra au créancier d’évaluer l’étendue des droits des tiers et si ces derniers peuvent constituer un obstacle à la réalisation d’une sûreté sur les stocks du débiteur. Le créancier devrait également porter attention aux clauses de résiliation de licence et aux événements qui leur donnent ouverture, car la résiliation d’une telle licence pourrait compromettre la capacité du créancier de vendre les stocks saisis.

Sûretés additionnelles

Lors de la mise en place de la structure du financement, le créancier peut minimiser son risque en exigeant des sûretés additionnelles, en sus de celles grevant les stocks du débiteur. Par exemple, une hypothèque grevant les droits de propriété intellectuelle présents et futurs du débiteur (dans la mesure où ces derniers sont essentiels à la vente des stocks) ou, dans le cas de logiciels, la détention du code source sous écrou en mains tierces.

Engagements du débiteur

Au stade de la rédaction de la documentation relative au financement (offre de financement, contrat de crédit, etc.), le créancier peut réduire son risque en obtenant de son débiteur certains engagements contractuels. À titre d’exemple et sans s’y limiter, le débiteur devrait s’engager à :

  • Dans tous les cas
    • Informer le créancier de manière continue quant à tout nouveau droit de propriété intellectuelle, appartenant au débiteur ou à un tiers, afin que le créancier puisse prendre les mesures appropriées pour préserver sa position, le cas échéant.
  • Dans le cas des droits de propriété intellectuelle dont le débiteur est propriétaire
    • Obtenir le consentement de tout tiers détenant une sûreté sur un droit de propriété intellectuelle du débiteur relativement à l’existence de la sûreté du créancier, ainsi qu’un engagement à consentir au créancier tout droit requis dans le cadre de la réalisation de sa sûreté. L’obtention du consentement et des engagements ci-devant serait une condition préalable au déboursement des crédits.
    • Consentir à l’avenir au créancier les sûretés requises quant à tout droit de propriété intellectuelle acquis par le débiteur dans le futur et ayant un effet sur la vente de ses stocks.
    • Ne pas consentir de sûreté à un tiers sur la propriété intellectuelle du débiteur.
    • Ne pas se départir, laisser expirer ou autrement compromettre le titre du débiteur à l’égard de ses droits de propriété intellectuelle.
  • Dans le cas des droits de propriété intellectuelle que le débiteur détient sous licence
    • Ne pas se mettre en situation de défaut en vertu d’une telle licence.
    • Obtenir le consentement de tout tiers ayant octroyé une licence sur des droits de propriété intellectuelle essentiels à la vente des stocks du débiteur relativement à l’existence de la sûreté du créancier, ainsi que tout autre engagement nécessaire pour permettre au créancier de réaliser sa sûreté, par exemple, ne pas résilier la convention de licence en cas de défaut ou insolvabilité du débiteur ou accepter de transférer à une personne désignée par le créancier les droits du débiteur dans la licence. L’obtention du consentement et des engagements ci-devant serait également une condition préalable au déboursement des crédits.

Opinion juridique

Le créancier pourrait également se prémunir en exigeant une opinion juridique relative à la validité et la force exécutoire de sa sûreté eu égard aux divers droits de propriété intellectuelle identifiés comme étant essentiels à la vente des stocks du débiteur.

Conclusion

Bien que l’efficacité d’une sûreté sur les stocks d’un débiteur puisse être compromise par les droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers, un créancier diligent et bien informé peut limiter leur effet défavorable et le risque qui en découle en procédant à une vérification rigoureuse et en mettant en place les mécanismes et procédures dont nous discutons ci-dessus. 

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