La Cour suprême du Canada décidera si l’article 240 du Code canadien du travail permet les congédiements sans cause

Accueillant la demande d’autorisation du salarié congédié1, la Cour suprême du Canada décide de mettre définitivement un terme au débat jurisprudentiel persistant opposant deux écoles de pensée. Ainsi, le jugement de la Cour déterminera si l’article 240 du Code canadien du travail2 (ci-après « Code ») autorise les congédiements sans cause lorsqu’ils ne sont pas injustes pour les employés visés.

Ce litige sur lequel la plus haute instance judiciaire du pays se penchera est né du refus d’un des salariés d’Énergie atomique du Canada Limitée (ci-après « Énergie atomique ») de signer une quittance en échange du versement d’une indemnité tenant lieu de préavis. En effet, Énergie atomique a mis fin à l’emploi de M. Joseph Wilson (ci‑après « Wilson ») sans alléguer de motif et en lui offrant six mois de salaire à titre d’indemnité de départ (alors que l’application des articles 230 et 235 du Code lui aurait donné droit à 18 jours de salaire). Wilson a cependant refusé l’offre de son employeur et plutôt que de signer une quittance, il a déposé une plainte pour congédiement injuste en vertu de l’article 240 du Code.

L’arbitre saisi de cette plainte a retenu sa prétention. Selon cet arbitre, un congédiement sans motif doit être assimilable à un congédiement injuste. En d’autres termes, le Code permet uniquement aux employeurs de congédier un employé s’ils peuvent prouver un motif valable de le faire.

La Cour fédérale a ensuite renversé ce jugement et accueilli la demande de révision judiciaire d’Énergie atomique. Selon le Tribunal, un congédiement sans cause n’est pas nécessairement injuste, puisque le Code permet, de prime abord, les congédiements sans motif (articles 230, 235, 240 et 242 du Code). Par conséquent, le Tribunal renvoie l’affaire à l’arbitre saisi de la plainte afin qu’il détermine si les circonstances du congédiement de Wilson peuvent être qualifiées comme étant injustes.

Ce jugement fut enfin confirmé par la Cour d’appel fédérale après qu’elle ait conclu que la demande de révision judiciaire n’était pas prématurée et qu’elle se soit livrée à une analyse complémentaire en raison des deux courants jurisprudentiels divergents. Selon la Cour d’appel fédérale, un congédiement sans motif ne peut automatiquement être qualifié d’injuste. En revanche, il fait partie du rôle de l’arbitre saisi de la plainte d’analyser les faits entourant le congédiement afin de déterminer s’il s’agit d’un congédiement injuste.

Le cœur de l’analyse de la Cour d’appel fédérale se fonde essentiellement sur deux concepts juridiques.

En premier lieu, la Cour est d’avis que la jurisprudence de common law, laquelle permet les congédiements sans motif lorsqu’un préavis raisonnable a été accordé ou lorsqu’une indemnité en tenant lieu a été versée, doit continuer à coexister avec le Code. La common law n’ayant pas été écartée par le législateur, elle est présumée continuer à produire ses effets et le Code ne peut que la compléter. Autrement dit, les arbitres doivent considérer que la notion de préavis raisonnable fait partie du Code et doivent l’inclure dans leur analyse.

En second lieu, la Cour détermine qu’il n’existe aucun « droit à l’emploi » pour les employés non syndiqués prévu au Code. Par conséquent, les arbitres ne peuvent les traiter comme des employés syndiqués en les protégeant des congédiements sans motif. En effet, le Code ne limite pas les prérogatives de l’employeur aux congédiements pour cause des employés non syndiqués.

Par ailleurs, la Cour rejette les prétentions de Wilson et conclut que les affaires Sheikholeslami et Boisvert ne peuvent être interprétées comme interdisant les congédiements sans cause ou comme garantissant le droit à l’emploi pour les employés non syndiqués.

Qui plus est, le Tribunal écarte la prétention de Wilson et refuse de voir un risque de disparition du recours en vertu de l’article 240 du Code. Même si un employeur choisit de congédier un employé sans motif en lui versant une compensation pécuniaire, l’employé pourra toujours saisir un arbitre afin qu’il évalue la justesse des circonstances entourant le congédiement.

La Cour suprême du Canada mettra donc prochainement un terme à cette bataille jurisprudentielle. En plus de connaître le choix d’école de pensée de la Cour suprême, il sera d’autant plus intéressant d’observer les effets du jugement de la Cour sur l’interprétation du Code par la jurisprudence.


1 Le 9 juillet dernier, la Cour suprême du Canada accueillait la demande d’autorisation d’appel présentée par M. Joseph Wilson (ex-employé d’Énergie atomique)
2 L.R.C. (1985) ch. L-2

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