L’hypothèque légale de construction : un outil dont la validité repose tant sur la forme que le fond

Deux décisions ont été rendues récemment par la Cour supérieure en matière d’hypothèque légale de la construction. Ces dernières mettent en parallèle l’importance de respecter les conditions de validité de toute demande afférente à cette garantie, que ce soit le véhicule procédural utilisé ou encore les critères y donnant ouverture. 

Un vice procédural fatal 

7162936 Canada inc. et als sont propriétaires d’un immeuble dont la construction est confiée à Magil construction inc. À son tour, cette dernière conclut un contrat de sous-traitance avec Gamma Murs et fenêtres international inc. (« Gamma »), laquelle s’engage à fournir les produits et à exécuter les travaux de murs, rideaux, vitrages et panneaux d’aluminium. 

Impayée, Gamma publie une hypothèque légale de 4 471 463,98 $ sur les lots faisant partie du projet de construction. 

Les propriétaires présentent alors une requête au tribunal afin de faire réduire le montant de l’hypothèque publiée par Gamma, soutenant qu’il est exagéré. Gamma demande quant à elle le rejet de la requête, soulignant notamment un défaut procédural. 

La requête des propriétaires est fondée sur les articles 804 Code de procédure civile (« C.p.c. ») et 2731 Code civil du Québec. Or, dans une période de temps concomitante au dépôt de cette requête, elles ont également intenté une requête introductive d’instance en réduction de l’hypothèque légale, fondée sur les mêmes dispositions législatives. 

Le 9 juillet 20151, la Cour supérieure donne raison à Gamma et conclut à l’irrecevabilité de la requête. En effet, elle confirme une jurisprudence constante voulant que la requête en radiation prévue à l’article 804 C.p.c. prenne la forme d’une requête introductive d’instance. Ainsi, de façon préliminaire et sur simple requête, cet article ne permet pas de s’attaquer à la validité d’une créance ou à l’établissement de son montant. 

Il faut donc retenir que l’article 804 C.p.c. permet la réduction du montant de l’hypothèque légale dans le cadre d’une requête introductive d’instance, et ce, après qu’une preuve sérieuse établie de manière irréfutable soit administrée. Une simple requête sous 804 C.p.c. permet plutôt de s’attaquer à l’enregistrement de l’hypothèque légale qui serait fait en contravention de la loi ou qui ne serait pas valide. 

L’absence d’une licence d’entrepreneur qui coûte cher 

Des propriétaires d’un terrain décident d’acheter un « kit de maison en bois » construite pièce sur pièce provenant d’Estonie. Pour ce faire, ils retiennent les services d’Aménagement Jonathan Tessier inc. (« Aménagement »), qui agit à titre de fournisseur de matériaux pour l’achat du kit de construction de leur maison. Les services de Entrepreneur Général T & T Construction inc. (« T & T ») sont également retenus pour l’érection de la structure sur le terrain acquis. 

Le 8 juillet 20152, le tribunal se prononce sur une requête en radiation d’hypothèques légales de la construction présentée par les propriétaires en réplique à la publication et la signification de deux avis d’hypothèques légales, lesquelles s’élèvent à une somme de 133 550,91 $, représentant le solde dû sur les travaux exécutés à la réquisition et au bénéfice des propriétaires. 

Les conditions de validité de l’hypothèque légale de la construction ont-elles été remplies? 

D’abord, les bénéficiaires. D’entrée de jeu, l’honorable Jacques Babin, j.c.s., se range derrière la jurisprudence qui reconnaît que le fournisseur de maisons préfabriquées peut bénéficier du privilège de fournisseur de matériaux en vertu de l’article 2726 Code civil. Ainsi, bien que la construction de la maison des propriétaires ne soit pas traditionnelle et qu’elle consiste à assembler des pièces de bois préfabriquées, la vente par Aménagement lui donne ouverture à une hypothèque légale. 

Ensuite, la plus-value. Le juge Babin retient que l’ensemble des travaux exécutés par les défenderesses a conféré une plus-value à l’immeuble des propriétaires, s’agissant d’une construction neuve. En obiter, il se permet toutefois de remettre en question le montant de la créance d’Aménagement faisant l’objet de son hypothèque qui, selon lui, est nettement exagérée. 

Ainsi, l’avis d’hypothèque légale est valide vis-à-vis Aménagement. Il en est tout autrement pour T & T qui, pour un manquement technique, voit son hypothèque légale radiée. 

L’absence de licence d’entrepreneur : T & T n’est détentrice que d’une licence « entrepreneur général pour petits bâtiments ». Bien que la maison des propriétaires soit de type assemblage d’un kit de morceaux de bois pièce sur pièce, le tribunal conclut qu’une licence pour petits bâtiments n’est pas suffisante et que T & T doit détenir une licence d’entrepreneur général en bâtiments résidentiels neufs visés à un plan de garantie. 

Sur ce dernier motif, les propriétaires obtiennent la radiation de l’hypothèque légale de T & T, conformément à l’article 50 de la Loi sur le bâtiment.


1 7162936 Canada inc. c. Gamma Murs et fenêtres international inc., 2015 QCCS 3192
2 Gérard c. Aménagement Jonathan Tessier inc., 2015 QCCS 3326

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