Les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation

Démystification d’une mesure de protection qui requiert une certaine retenue

Les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation constituent une mesure de protection largement utilisée par les entreprises de toute taille.

Si celles-ci se révèlent utiles pendant la détention d’actions, celles-ci prennent tout leur sens au lendemain d’une transaction ou lorsqu’un différend survient.

En effet, qu’il s’agisse de protéger les intérêts financiers d’un acheteur des éléments d’actif ou des actions d’une société, d’un employeur ou de ceux des actionnaires qui demeurent après le départ de l’un d’eux, la rédaction de celles-ci doit être précédée d’une analyse rigoureuse de la réalité de la société visée et des besoins de leur bénéficiaire.

À défaut, ces clauses limitatives pourraient ne s’avérer qu’un simple moyen de dissuasion ne pouvant faire l’objet de mesures coercitives prononcées par un tribunal à l’encontre de celui qui la transgresse. Un coup d’épée dans l’eau qui pourrait être lourd de conséquences.

L’ABC des principes applicables aux clauses limitatives

D’emblée, il convient de distinguer l’analyse de la validité des clauses limitatives consenties par un actionnaire de celles consenties par un employé. En raison du rapport de force existant en faveur de l’employeur, les limites à la liberté de concurrencer d’un ancien employé seront soumises à un examen plus rigoureux et devront être plus limitées.

D’une façon tout à fait cohérente, l’actionnaire minoritaire bénéficiera de la même protection législative que l’employé. En effet, on peut alors difficilement prétendre à des forces égales de négociation…

Ainsi, en présence d’un actionnaire minoritaire, le rédacteur d’une clause de non-concurrence et de non-sollicitation devra faire preuve d’un degré de retenue plus élevé lors de l’établissement de la portée territoriale, de la durée et des activités visées par la limitation. Cette protection particulière visant les actionnaires minoritaires se perçoit, particulièrement en ce qui a trait à la durée des interdictions prévues, celles-ci variant alors généralement de quelques mois à deux années.

En présence de parties négociant sur un même pied d’égalité, la clause limitative sera valide si elle est raisonnable pour protéger les intérêts légitimes de son bénéficiaire1.

La consignation de l’engagement de non-concurrence et de non-sollicitation dans les conventions plutôt que dans un engagement distinct peut permettre de mieux refléter la réalité des parties. Une pratique qui pourrait faire la différence lorsque la légalité d’une telle clause est mise en doute.

Il est utile de mentionner que sur le plan fiscal, l’existence d’un engagement distinct pourrait représenter un désavantage pour son bénéficiaire.

La clé de voûte : la recherche de l’équilibre

La raisonnabilité des clauses de limitation dépendra du résultat d’un examen global visant  la recherche de l’équilibre entre le droit de chacun de gagner sa vie et la protection des intérêts légitimes de l’entité au bénéfice de qui elles sont consenties.

La question : quels sont les intérêts légitimes du bénéficiaire de la limite de commerce?

Cette question, au cœur de l’analyse de la raisonnabilité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation, déterminera le sort de celles-ci.

De façon générale, on peut retenir les éléments suivants en ce qui concerne les intérêts légitimes du bénéficiaire :

  •  Les activités de la société visée correspondent à ce qu’elle exploite comme entreprise, c’est-à-dire ce qui lui permet de percevoir des revenus. Ainsi, les projets ou opportunités d’affaires ne peuvent être pris en compte.
  • Le territoire est généralement limité aux endroits où la société visée exerce ses activités.
  • La durée varie usuellement entre deux et cinq ans.

L’analyse étant globale, les tribunaux considèrent que plus les activités prohibées sont nombreuses et le territoire couvert est grand, moins la durée devrait être importante et vice-versa2.

Une rédaction plus prudente vaut mieux qu’une clause déraisonnable

En effet, en matière de clauses de limitation de commerce, les pouvoirs des tribunaux sont limités à déterminer si celles-ci sont raisonnables ou non. Ainsi, si la clause analysée est jugée déraisonnable, elle est invalide et inexécutoire, sans possibilité de la réduire ou de la corriger.

L’analyse en amont de la réalité de la société visée et des intérêts légitimes du bénéficiaire de la limitation de commerce revêt donc une importance capitale.

La clause pénale : dissuasion et sanction

L’un des outils dissuasifs accompagnant fréquemment les clauses limitatives de commerce est la clause pénale. Celle-ci prévoit généralement que celui qui s’astreint au respect de la clause de non-concurrence et de non-sollicitation s’engage également à verser au bénéficiaire de celle-ci une somme forfaitaire à titre de pénalité, sans préjudice à tout autre recours que ce dernier pourrait avoir en vertu de la loi.

Le but de ce type de clause est d’éviter au bénéficiaire de la limite de commerce de devoir faire la preuve des dommages qu’il a subis en raison de la concurrence ou de la sollicitation illégale.

Attention, cela ne signifie toutefois pas pour autant une condamnation sans effort… En effet, la preuve de la violation de l’engagement de non-concurrence ou de non-sollicitation sera nécessaire dans tous les cas.

En plus de contester la violation, il sera loisible au débiteur fautif de la limite de commerce de démontrer l’absence de préjudice. S’il parvient à convaincre que le bénéficiaire de la clause de non-concurrence ou de non-sollicitation n’a subi aucun préjudice découlant de la violation de cette dernière, celle-ci sera alors inapplicable.

Ainsi, si le bénéficiaire est dispensé de faire la preuve du préjudice subi, il demeure qu’il doit effectivement en avoir subi un.

Il convient de souligner qu’il demeure une certaine ouverture en jurisprudence face à l’application d’une clause pénale prévoyant explicitement son application même à défaut pour le bénéficiaire d’avoir subi un préjudice3.

La peine ne constitue pas l’exception à la règle, la disproportion est à éviter

Les tribunaux pourront également s’assurer de la raisonnabilité de la peine stipulée à la clause pénale. En effet, contrairement à ce qui prévaut pour les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation, le montant de la peine pourra être réduit si la clause est considérée abusive.

Il ressort de la jurisprudence qu’une clause pénale pourrait être déclarée abusive, notamment lorsqu’il existe une disproportion entre la pénalité prévue et l’importance de l’obligation qu’elle vise à sanctionner et lorsque la pénalité est disproportionnée par rapport au préjudice réellement subi.

Aussi, si la pénalité en argent est la plus commune, des pénalités additionnelles, dont l’offre automatique des actions au bénéfice des autres actionnaires par exemple, pourraient être jointes à cette dernière.

Encore une fois, la disproportion est à éviter et la clé demeure la connaissance approfondie des besoins à protéger.

La présence d’une clause pénale raisonnable s’avérera être un élément dissuasif permettant au bénéficiaire de la limite de commerce d’éviter d’utiliser l’arsenal judiciaire dans la plupart des cas. Toutefois, la retenue bénéficiera à celui qui devra en faire usage pour faire respecter ses droits.

En étroite collaboration avec les personnes ressources de votre entreprise, notre équipe de droit des affaires s’assure de maîtriser votre réalité et de pourvoir à vos besoins, notamment en matière de limite de commerce.

Si des renseignements additionnels étaient nécessaires sur les aspects traités dans la présente capsule juridique ou sur tout autre aspect juridique relatif à votre entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre secteur droit des affaires.


1 Gagnon c. St-Pierre, 2012 QCCA 976.
2 Robitaille c. Gestion L. Jalbert inc., 2007 QCCA 1052.
3 Gestess Plus (9088-0964 Québec inc.) c. Harvey, 2008 QCCA 314.

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