Les clauses contractuelles de paiement d’intérêt en cas de retard : prudence dans leur utilisation

Il arrive fréquemment dans notre pratique que des clients nous demandent de réviser certaines de leurs modalités de vente ou des contrats types dans lesquels il y a, notamment, des clauses prévoyant une pénalité en cas de retard de paiement.

Nous savons tous que certains ont des pratiques établies ou qu’il y a des tendances dans le marché, mais comment sont vues ces clauses par les tribunaux?

La Cour d’appel, dans l’arrêt André Diamantopoulos c. Construction Dompat inc.1, a abordé la question de façon un peu plus précise. Le caractère abusif d’une clause contractuelle prévoyant un intérêt de 24 % sur toute réclamation impayée, ainsi qu’une pénalité de 20 % en cas de recouvrement par voie judiciaire, était soulevé dans le cadre de cette affaire.

Les parties étaient intervenues à contrat dans lequel il y avait un intérêt de 2 % par mois ou de 24 % par année applicable à des paiements en retard. Par ailleurs, en cas de toute réclamation faite par Construction Dompat inc., il y avait également une pénalité calculée sur le montant total de la réclamation, y compris l’intérêt.

La Cour d’appel se penche plus particulièrement sur l’intérêt de 2 % par mois et la pénalité de 20 %. À l’examen de l’article 1623 du Code civil du Québec et de l’arrêt 9149-5408 Québec inc. c. Groupe Ortam inc.2, la Cour d’appel précise que ce n’est pas dire qu’en lui-même un intérêt de 24 % est intrinsèquement et nécessairement abusif. Dans certains cas, il pourrait être justifié. En l’espèce, c’est la conjugaison des deux clauses qui constitue et crée l’abus, selon la Cour d’appel.

Toutefois, alors que la partie intimée tentait de démontrer que les pratiques de trois fournisseurs étaient similaires, la Cour d’appel considère que les pratiques de trois fournisseurs ne constituent pas un usage, encore moins lorsque deux d’entre eux exigent un taux d’intérêt de 6 % inférieur à celui du troisième, et indique ce qui suit :

« Il n’est par ailleurs pas exclu que les intérêts ainsi réclamés soient eux-mêmes abusifs3. »

Il faudra donc faire preuve de prudence lors de la rédaction de clauses ou lors d’un conseil donné au client qui tente de nous démontrer que c’est soit une pratique établie, soit une pratique courante chez ses concurrents. Dans le cadre de la rédaction de clauses, nous devrons considérer le contexte et la nature du contrat.

Les tribunaux considèrent ce type de clause comme étant une clause pénale et verront, selon le cas, à sa réduction et non à son annulation. Une chose est certaine, c’est qu’il n’y a pas un taux d’intérêt magique ou spécifique, et que chaque cas en est un d’espèce.

Depuis l’arrêt de la Cour d’appel, les tribunaux se sont penchés à quelques reprises sur la question d’effet cumulatif des intérêts et d’une pénalité4 et ont décidé de leur réduction. Force est de constater que nous devons tous faire preuve de prudence lors de la rédaction et de l’utilisation de telles clauses.


1 2013 QCCA 929.
2 2012 QCCA 2275.
3 Supra, note 1, à la p. 26
4 Dubé & Loiselle inc. c. Pâtisserie française Duc de Lorraine 1952 inc., 2014 QCCS 4; Alimplus inc. c. Placements Les Airs inc., 2014 QCCQ 4774.

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