Le fluo et le collaboratif : l’émergence des modes hybrides et de la prochaine génération de modes traditionnels de réalisation des ouvrages

La mode des années 80 fut marquée par la « fluomania ».

Pouvait-on l’adopter de manière intégrale? Absolument : legging, body, t-shirt trop large, grosse ceinture – tous fluo. Les pentes de ski et les gymnases transformés en pistes de danse les samedis soirs s’y prêtaient plutôt bien. Devait-on nécessairement le faire? Certainement pas. Les mariages et les enterrements y étaient sans doute moins propices, sinon qu’avec un accessoire, et idéalement pas sur les champs de bataille.

L’art réside ici dans l’adoption d’un spectre entre la sobriété, l’emploi parcimonieux ou l’emploi intégral.

L’avènement des modes collaboratifs de réalisation des ouvrages constitue une réaction souhaitable face aux désavantages et déséquilibres associés aux premières générations des modèles traditionnels.

Dans le film Skyfall, Q dit à James Bond : « L’âge n’est pas une garantie de succès. »

Bond lui répond : « Et la jeunesse n’est pas une garantie d’innovation. »

Peut-on adopter les modes collaboratifs de manière intégrale? Absolument. Doit-on nécessairement le faire? Certainement pas. On construit également des ouvrages plus modestes vis-à-vis lesquels la gestion des risques présente moins d’enjeux.

Les solutions contractuelles peuvent varier en complexité selon la demande et les besoins d’un projet. L’intégration de certaines valeurs et principes associés aux contrats collaboratifs demeure non seulement possible, mais se retrouvait déjà ou se retrouve désormais à l’intérieur d’autres types de contrats, incluant l’accentuation de la qualité des documents émis pour construction, une meilleure coordination des ressources-clés au stade de la pré-construction, l’emploi d’outils comme le BIM ou SharePoint, des lieux de travail partagés pour diverses activités névralgiques, des processus de pré-approvisionnement, de prévention et de résolution des différends, d’incitatifs tels que le partage des économies et des pertes par rapport aux cibles calendaires et financières, la paramétrisation plus efficace des coûts indirects de chantier, des contre-incitatifs aux excès dans les positions litigieuses tels que la prise en charge des honoraires d’avocats de la partie adverse au prorata des condamnations, etc. 

Ne voyons pas les différents modes de réalisation comme des particules qui ne peuvent être mises en contact l’une avec l’autre. Chacun de ces modèles constitue la résultante de l’ensemble des choix, sur un spectre, vis-à-vis les paramètres fondamentaux d’un projet tels que la coordination et le partage des risques.

Partant du principe qu’un contrat est ce qui résulte d’un accord entre les parties :

  • Priorisons l’intention des parties, au risque de s’éloigner du confort offert par leur catégorisation dans un modèle unique préétabli;
  • Assurons-nous ensuite, face à la résultante de l’ensemble de ces choix :
    • Qu’ils sont cohérents et compatibles, notamment en ce qui concerne les effets collatéraux imposés par le cadre normatif (responsabilité de la maîtrise d’œuvre, détention des licences, modes de rémunération, etc.);
    • Que s’ils peuvent être catégorisés, de les intégrer dans le bon modèle, sujet à l’adoption de conditions supplémentaires (dont le volume et la complexité trahissent parfois le choix du modèle en amont);
    • Que s’ils ne peuvent être catégorisés, de simplement les traiter comme tels par la mise en œuvre d’un modèle hybride sur mesure. Il nous est offert de proposer d’autres solutions qui reflètent l’intérêt commun et respectif des parties. L’intégration, par exemple, d’une plus grande collaboration durant la vie d’un projet peut en être autant bénéfique et elle peut se pratiquer sans dénigrer la nature et les principes avérés du type de contrat conventionnel.

Poser un regard nouveau sur les pratiques contractuelles s’avérera profitable à tous les points de vue, incluant dans l’intérêt supérieur des ouvrages et dans la prévention et la résolution efficace des différends.

Le décloisonnement des modes de réalisation, incluant l’intégration d’outils inspirés des modes alternatifs et le recours aux pratiques modernes d’adjudication des contrats privés et publics, conduira à l’émergence des modes hybrides et à la prochaine génération de modes traditionnels de réalisation des ouvrages.

 

À propos des auteurs

Les auteurs sont membres du groupe de pratique construction et infrastructure chez Langlois Avocats.

Ils sont associés à plusieurs projets de toutes les envergures et de tous les modes de réalisation, incluant les modes collaboratifs.

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