La procédure prévue au contrat d’entreprise : une question de vie ou de mort pour vos réclamations

Dans un arrêt du 10 avril 20151, la Cour d’appel du Québec a réitéré un principe trop souvent négligé par les parties au contrat d’entreprise : le défaut de suivre rigoureusement la procédure de réclamation prévue au contrat est susceptible d’entraîner la perte de leurs droits et recours.

Le premier juge avait rejeté la réclamation de l’entrepreneur général pour coûts indirects, bien qu’ayant conclu que la cause des 102,5 jours de prolongation, presque le double de la durée initialement prévue, était attribuable au maître de l’ouvrage.

La Cour d’appel a confirmé le dispositif de ce jugement.

D’entrée de jeu, elle souligne que « le contrat liant les parties encadre de façon rigoureuse les modifications qui peuvent être apportées au marché ».

La Cour d’appel, tout comme le premier juge, reconnaît qu’en raison des diverses prolongations attribuables aux modifications de l’ouvrage requises par le maître de l’ouvrage, les coûts de maintien de chantier aient pu excéder largement le pourcentage prévu au contrat.

Elle conclut, cependant, qu’il appartenait à l’entrepreneur de convenir de ces coûts indirects dès qu’elle soumettait un prix pour réaliser les modifications projetées :

« La règle cardinale en matière de contrat à forfait est donc celle de l’immuabilité des obligations respectives des parties, sous réserve de l’application stricte des clauses permettant les modifications aux travaux et au prix. Or, à mon avis, [l’entrepreneur] a négligé cet aspect crucial du marché, ce qui emporte, pour elle, des conséquences funestes. »

Or, d’une part, l’entrepreneur concède qu’il y a confusion dans le langage employé dans la réserve de ses droits sur ces documents de modification de l’ouvrage.

D’autre part, il fut démontré que l’entrepreneur pouvait évaluer ses frais généraux de chantier lors de chacune des demandes de changement puisqu’ils furent établis lors de sa soumission et que la prolongation liée aux changements fut, elle aussi, négociée lors de leur émission.

Nous ne pouvons nous réjouir d’une telle issue au recours de l’entrepreneur qui, rappelons-le, a fait face à plus de 100 jours de prolongation de chantier en croyant pouvoir réclamer ses frais de maintien de chantier par la suite.

Ce qu’il faut retenir de cette décision :

1.

Si l’entrepreneur est en mesure d’évaluer ses frais généraux de chantier et la prolongation afférente à une modification de l’ouvrage, il devrait idéalement soumettre un prix incluant tous les coûts associés au changement, particulièrement lorsque le contrat force la méthode du coût forfaitaire pour les modifications à l’ouvrage;

2.

À défaut d’une entente sur la modification de l’ouvrage (communément appelée « Avenant de modification »), l’entrepreneur devrait :

 

a. éviter toute confusion dans le langage employé dans sa réserve écrite sur les documents de modification et suivre la procédure de réclamation prévue au contrat afin de conserver ses droits et recours (à cet effet, la portée de l’arrêt pourrait aller jusqu’à exiger que l’entrepreneur enlève son pourcentage d’administration et profits de toute entente partielle sur la modification s’il entend réclamer ces coûts ultérieurement);

 

OU

 

b. refuser tout simplement la signature d’un Avenant de modification et exiger soit 1) la renonciation au changement projeté, 2) sa révision, ou encore 3) l’émission d’une Directive de modification exécutoire afin que les coûts y afférents soient calculés selon la méthode de coût de la main‑d’œuvre, du matériel et de l’équipement (communément appelée « régie contrôlée »).

 


1 Consortium MR Canada Ltée c. Commission scolaire de Laval, 2015 QCCA 598

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