Un nouveau projet de loi du gouvernement du Québec visant à améliorer l’accessibilité de la justice en matière civile (et changements à la procédure civile)

Le 1er février 2023, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi no 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec (le « projet de loi »), avec l’objectif déclaré par le ministre de la Justice d’offrir des services de justice efficaces, accessibles, plus rapides et moins coûteux.

Le projet de loi propose notamment des modifications significatives au Code de procédure civile (le « C.p.c. ») pour lesquelles les praticiens et justiciables auront intérêt à se familiariser rapidement, incluant les suivantes :

  • Modification du seuil de la compétence de la Cour du Québec à 75 000 $ (et compétence concurrente avec la Cour supérieure au choix du demandeur dans les dossiers dont la valeur se situe entre 75 000 $ et 100 000 $);
  • Le seuil monétaire donnant le droit d’interroger une partie adverse au préalable passe de 30 000 $ à 50 000 $;
  • Introduction de nouvelles règles pour les litiges dont la valeur est inférieure à 100 000 $, incluant (sauf autorisation de la Cour) :
    • Aucune nécessité d’un protocole de l’instance,
    • Demande introductive d’instance limitée à cinq pages,
    • Les moyens préliminaires doivent être déposés dans les 45 jours de la demande;
    • La défense doit être divulguée dans les 85 jours de la demande;
    • L’origine et l’intégrité de la preuve sont présumées reconnues, sauf si opposition de la partie adverse;
    • Tenue d’une CRA automatique après la mise en état (peut être transformé en conférence préparatoire au procès);
  • Recours à l’expertise commune automatique si le litige est de 50 000 $ ou moins.

Le projet de loi vise également à répondre à la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35 rendu le 30 juin 2021 (le « renvoi »).

À titre de rappel, le renvoi concerne une demande introduite par les juges de la Cour supérieure du Québec pour faire déclarer inconstitutionnel l’article 35 (1) C.p.c., article prévoyant une compétence exclusive pour tout litige en matière civile dont la valeur de l’objet ou la somme réclamée est inférieure à 85 000 $.

Selon la demande, le seuil monétaire de la Cour du Québec était incompatible avec l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, puisqu’il avait pour effet de nier aux justiciables québécois le droit de s’adresser à la Cour supérieure pour toute demande en matière civile dont la valeur est de moins de 85 000 $, empêchant ainsi la Cour supérieure d’énoncer et de faire évoluer le droit à l’égard de ces réclamations.

Par le renvoi, la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 35 (1) C.p.c. était inconstitutionnel, considérant qu’il empiète de façon inacceptable sur le rôle que la Constitution réserve à la cour supérieure de juridiction générale. Dans sa décision, la Cour a notamment déterminé que le seuil pécuniaire acceptable en regard des limites imposées à l’époque de l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 se situerait aujourd’hui à un montant de 63 698 $ et 66 008 $1.

La Cour suprême avait alors accordé un délai au gouvernement du Québec pour modifier l’article 35 (1) C.p.c. afin de mettre en place de nouvelles mesures législatives permettant de le rendre constitutionnel2.

Le gouvernement du Québec présente les modifications découlant du projet de loi comme visant à répondre à un objectif social important, soit l’accessibilité à la justice. Il s’agit de l’un des critères dont la Cour suprême a tenu compte dans l’évaluation de l’article 35 (1) C.p.c., en outre d’autres tout aussi importants.

Reste à savoir si les modifications proposées répondent adéquatement aux préoccupations antérieures quant au seuil de la compétence monétaire de la Cour du Québec.

Autrement, et sous réserve des travaux des parlementaires à surveiller, la mouture actuelle du projet de loi prévoit l’entrée en vigueur de ses dispositions et des modifications corrélatives au Code de procédure civile le 30 juin 2023.

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1 Paragraphe 118.
2 Paragraphes 151 à 159.

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