COVID-19 : reprise de la computation des délais de prescription, de déchéance et de procédure à compter du 1er septembre 2020

Le 15 mars 2020, la juge en chef du Québec et la ministre de la Justice émettaient l’arrêté 2020-4251 en application de l’article 27 du Code de procédure civile1 en raison de la déclaration d’urgence sanitaire du 13 mars 20202 (la « Déclaration d’urgence sanitaire ») découlant de la crise du coronavirus et de la maladie COVID-19 (l’« Arrêté de suspension ») qui prévoyait la suspension des délais de prescription extinctive et de déchéance en matière civile, de même que la suspension des délais de procédure civile3.

Conformément à ce qu’il prévoit, l’Arrêté de suspension s’est renouvelé pour des périodes équivalentes à la durée de la Déclaration d’urgence sanitaire, laquelle s’est renouvelée à de multiples reprises depuis.

Développement d’intérêt s’il en est un, le 13 juillet 2020, le ministre de la Justice et procureur général du Québec et la juge en chef du Québec ont annoncé la levée de la suspension des délais en matière civile et en matière pénale à compter du 1er septembre 20204.

Bien que pouvant éventuellement être assortie de conditions ou de clarifications par décret, l’annonce de la levée de la suspension des délais en matière civile et en matière pénale emportera la cessation des effets de l’Arrêté de suspension à compter de ce moment et les délais de prescription extinctive, de déchéance et de procédure recommencent à courir par le même laps de temps qu’il demeurait à accomplir avant l’échéance en cause.

En date du 1er septembre 2020, 169 jours se seront écoulés depuis l’Arrêté de suspension5, emportant les conséquences suivantes :

a) Pour les délais qui venaient à échéance pendant la durée de la Déclaration d’urgence sanitaire : autant de jours que ceux écoulés entre le 15 mars et la date d’échéance qui tombait pendant la période de suspension des délais doivent être ajoutés à compter de la fin de la période de suspension.

  • À titre d’exemple, pour un délai qui devait venir à échéance le 25 mars 2020, 10 jours demeuraient à courir, n’eût été l’Arrêté de suspension. Ces 10 jours recommencent à courir dès la fin de la période de suspension le 1er septembre 2020, emportant le report de l’échéance du délai en cause au 11 septembre 2020;

b) Pour les délais qui venaient à échéance après la fin de la Déclaration d’urgence sanitaire : 169 jours doivent être ajoutés au délai en cause, reportant d’autant la date d’échéance du délai.

  • À titre d’exemple, pour un délai venant à échéance le 3 janvier 2021, 169 jours doivent être ajoutés au délai en cause, reportant son échéance au 21 juin 2021.

Par ailleurs, l’annonce de la levée de la suspension des délais prévoit aussi une prolongation automatique des protocoles d’instance en matière civile en vigueur lors de l’Arrêté de suspension de 45 jours, sans avoir à réaliser quelque démarche pour en bénéficier.

Des directives sont aussi à prévoir des cours et tribunaux administratifs pour la réorganisation des instances en cours et la mise en œuvre de l’ajustement des protocoles et autres ententes sur le déroulement d’instance.

La computation et le respect des délais de prescription, de déchéances et de procédures peuvent avoir des conséquences majeures, irréversibles ou fatales sur les droits substantifs et procéduraux de justiciables. Les praticiens et justiciables devraient porter une attention particulièrement sérieuse au calcul des délais leur étant applicables pour la préservation de leurs droits et recours ou, inversement, pour l’opposition de moyens ou leur libération d’obligations du fait de l’écoulement du temps, sans négliger tout autre motif de suspension ou d’interruption de la computation de délai pouvant se superposer à l’Arrêté de suspension.

Il est par ailleurs à anticiper que les effets de l’Arrêté de suspension pourront être ressentis pendant plusieurs années et que maints débats pourraient être tenus sur la computation de délais dans le futur, en outre du fondement des droits en présence.


1 27. Le juge en chef du Québec et le ministre de la Justice peuvent, de concert, lorsqu’un état d’urgence est déclaré par le gouvernement ou qu’une situation rend impossible, en fait, le respect des règles du Code ou l’utilisation d’un moyen de communication, suspendre ou prolonger pour la période qu’ils indiquent l’application d’un délai de prescription ou de procédure ou autoriser l’utilisation d’un autre moyen de communication selon les modalités qu’ils fixent.
Leur décision prend effet immédiatement; elle est publiée sans délai à la Gazette officielle du Québec.
2 Décret 177-2020.

3 COVID-19 : l’arrêté 2020-4251 et la suspension des délais de prescription extinctive, de déchéance et de procédure en matière civile.
4 https://www.newswire.ca/fr/news-releases/levee-de-la-suspension-des-delais-en-matiere-civile-et-en-matiere-penale-a-compter-du-1er-septembre-899689181.html.
5 Conformément à l’article 2879 du Code civil du Québec, la prescription se compte par jour entier et le jour à partir duquel court la prescription n’est pas compté dans le calcul du délai. L’annonce de la levée de la suspension des délais fait référence à une suspension totale de cinq mois et demi, s’agissant toutefois d’une durée offrant peu de clarté et difficilement mise en œuvre aux fins du calcul des délais.