COVID-19 et sociétés par actions canadiennes (LCSA) : un premier tribunal canadien statue sur une requête visant à prolonger le délai de tenue de l’assemblée générale annuelle

Le fonctionnement à court et à long terme de nombreuses sociétés a été affecté par la pandémie de la COVID-19. La préparation et la tenue de l’assemblée générale annuelle d’une société (« AGA ») constituent des fonctions importantes considérablement touchées. La Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») prévoit que les sociétés doivent tenir leur AGA au plus tard quinze mois après la tenue de la dernière assemblée annuelle, mais aussi au plus tard six mois après la fin de l’exercice précédent de la société. Cette exigence s’avère difficile à satisfaire pour de nombreuses sociétés en raison des difficultés techniques et logistiques posées par la pandémie de la COVID-19.

Certains gouvernements provinciaux ont répondu à ces difficultés en accordant aux sociétés constituées sous leur législation provinciale une période de grâce pour la tenue de leur AGA. Cependant, aucun allégement de ce genre n’a encore été accordé par le gouvernement fédéral aux sociétés constituées en vertu de la LCSA. De fait, les autorités fédérales ont confirmé dans un document de directives daté du 26 mars 2020 (les « Directives LCSA ») que les entreprises constituées en sociétés selon la loi fédérale devront obtenir l’approbation du tribunal pour retarder une assemblée générale annuelle. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment rendu une décision concernant des demandes de prolongation de délai pour la tenue de l’AGA de deux sociétés constituées en vertu de la LCSA, soit Glacier Media Inc. (« Glacier ») et GVIC Communications Corp. (« GVIC ») (collectivement, les « Sociétés »)1. Il s’agit, à notre connaissance, du premier tribunal au Canada à statuer sur cette question dans le contexte de pandémie actuel.

Glacier et GVIC étaient dans l’obligation de tenir leur AGA pour l’année 2020 au plus tard à la fin de juin 2020. Glacier et GVIC sont des émetteurs assujettis dans la plupart des provinces du Canada et leurs actions sont inscrites à la Bourse de Toronto (le « TSX  »). Bien que le TSX ait déjà autorisé les sociétés à tenir leur AGA de 2020 à n’importe quelle date en 2020 jusqu’au 31 décembre 2020 inclusivement, et ce, quelle que soit la date de fin d’exercice d’une société, elle a également indiqué s’attendre à ce que les sociétés se conforment à la législation applicable concernant la tenue de leurs AGA de 2020.

Ainsi, à la suite de la publication des Directives LCSA, les Sociétés ont présenté une requête à la Cour suprême de la Colombie-Britannique visant à prolonger la tenue de leur AGA de 2020 au moment de leur choix, jusqu’au 31 décembre 2020 inclusivement. Les Sociétés ont soulevé dans leurs requêtes plusieurs motifs au soutien de leur préoccupation concernant la tenue de leur AGA respective de 2020 dans le délai requis.

La Cour a retenu les prétentions des Sociétés et déterminé qu’une prorogation du délai pour la tenue de leur AGA de 2020 respective était appropriée dans les circonstances. La Cour a reconnu que la direction n’était actuellement pas en mesure d’évaluer la manière dont les opérations des Sociétés devraient être menées à l’avenir ni les propositions à soumettre aux actionnaires à cet égard. Elle a également reconnu qu’il y avait des difficultés pratiques à entamer les préparatifs nécessaires en vue de la tenue d’une AGA, y compris la préparation de la circulaire nécessaire, en raison des problèmes d’effectifs liés à la pandémie. La Cour a en outre déclaré que les difficultés à convoquer une telle AGA ont le potentiel réel de priver de nombreux actionnaires de participer de manière importante à l’AGA ainsi qu’aux affaires des Sociétés, y compris leur gouvernance. La Cour a souligné que cette capacité à participer aux affaires de la société est un droit fondamental de l’actionnaire.

De plus, la Cour a identifié comme étant problématique le fait que même si une assemblée virtuelle pouvait avoir lieu, de nombreuses personnes souhaitent assister à des réunions importantes telles qu’une AGA en personne. Ainsi, la tenue de l’AGA par la voie d’un moyen « technologique » pourrait entraîner un niveau de participation moins élevé qu’en temps normal.

Il convient néanmoins de noter que les Directives LCSA confirment que les sociétés constituées en vertu de la LCSA peuvent tenir des assemblées virtuelles des actionnaires tant que les règlements administratifs de la société ne l’interdisent pas. Les Directives LCSA prévoient également que si les règlements administratifs d’une société interdisent les assemblées virtuelles ou sont silencieux quant à leur tenue, le conseil d’administration peut modifier les règlements administratifs, le changement étant en vigueur jusqu’à la prochaine assemblée des actionnaires (auquel moment le changement peut être confirmé ou rejeté).

La décision Glacier-GVIC pourrait constituer un précédent important pour les sociétés constituées en vertu de la LCSA qui estiment qu’il sera difficile de tenir leur AGA au cours des prochains mois et qui ne sont pas prêtes ou ne souhaitent pas tenir des assemblées virtuelles (ou si leurs règlements administratifs les interdisent). Bien que la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique soit la première à être rendue sur le sujet, nous pouvons raisonnablement prévoir qu’elle ne sera pas la dernière.

Si vous êtes administrateur ou actionnaire d’une société constituée en vertu de la LCSA, qu’elle soit inscrite à la TSX ou non, vous devez vous assurer que les exigences légales de la LCSA sont respectées, conformément aux Directives LCSA.


1 Glacier Media Inc. (Re), 2020 BCSC 591 (CanLII).