AECG : date de ratification incertaine… mais soyez prêts!

Depuis un certain temps, l’Accord économique et commercial général (« AECG ») entre le Canada et l’Union européenne (« UE ») semble être un mirage : une source rafraîchissante de stimulation économique dans un environnement difficile, s’élevant à l’horizon, presque à notre portée, mais qui s’estompe au fur et à mesure qu’on tente de l’approcher.

Cette initiative commerciale a été lancée en 2008 par le gouvernement canadien en réponse à l’encouragement de la province de Québec et rapidement appuyée par d’autres provinces et territoires. L’AECG vise à permettre au Canada et à l’UE de développer des liens économiques plus étroits, donnant ainsi suite aux négociations commerciales suspendues lors du cycle de Doha de l’Organisation mondiale du commerce. Les résultats d’une première étude de faisabilité1 publiés en 2008 étaient très encourageants : une augmentation de 20 % des échanges bilatéraux était projetée, soit une injection de quelque 12 milliards de dollars par année dans l’économie canadienne. Cette information a été bien accueillie par la communauté du monde des affaires, puisque les échanges commerciaux représentent, en valeur, plus de 60 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada et qu’un emploi sur cinq au pays est lié aux exportations.

Ces nouvelles étaient d’autant plus réjouissantes qu’à ce moment-là le Canada s’intéresserait à une plus grande diversité au niveau du commerce international. Alors que la Chine commençait à s’imposer sur le marché américain au détriment du Canada, l’UE quant à elle était devenue la plus grande économie mondiale avec près de 500 millions de personnes et 27 états membres. En outre, l’UE représentait son deuxième partenaire commercial de marchandises en importance et son deuxième partenaire d’investissement, et tout nouvel accord conclu avec l’UE constituerait un complément séduisant à l’ALENA, devant même dépasser l’ALENA dans ses dispositions et dans son champ d’application.

En dépit des difficultés auxquelles a été confrontée l’UE à la suite de la crise financière de 2008, l’objectif conservait son attrait malgré quelques défis redoutables. Entre autres, l’UE a fait savoir qu’un élément fondamental à la conclusion d’un accord serait de pouvoir jouir d’un accès acceptable à tous les marchés canadiens du secteur public (fédéral, provincial ou territorial). Cette demande exigerait nécessairement la participation provinciale et territoriale dans un accord commercial négocié par le fédéral, et en conséquence la mise en œuvre de la dynamique parfois complexe entourant notre système fédéral. À cette complexité s’ajoutaient des inquiétudes au sujet de la perte d’autonomie provinciale (y compris municipale) et territoriale reliée à la stimulation économique locale qui résulterait d’un tel accès. D’autres secteurs de l’AECG présentaient des défis semblables. Grâce au dévouement et aux efforts déployés par les négociateurs responsables des deux parties (et en dépit d’un certain dérapage dans ce qui était néanmoins un calendrier très ambitieux), le libellé d’un accord a finalement été élaboré et annoncé en août 2014.

Comme annoncé, l’AECG était en effet un accord général et abordait les thèmes suivants :

  • commerce des biens;
  • investissement, services et questions connexes;
  • marchés publics;
  • propriété intellectuelle;
  • règlement des différends;
  • développement durable, travail et environnement;
  • dispositions institutionnelles et horizontales.

Il reste maintenant certaines questions techniques à régler concernant la révision juridique du texte et la traduction du traité dans les 23 langues communautaires et, encore et surtout, il devient primordial de s’assurer et d’achever le processus de ratification de l’accord par les 28 états membres de l’UE. Dans la mobilisation pour la conclusion de l’AECG, un examen plus approfondi de la part de l’UE a toutefois causé quelques soucis au sujet des dispositions permettant aux investisseurs privés d’engager des poursuites contre les gouvernements qui leur ont causé préjudice en ne respectant pas les dispositions de l’Accord. Ces types de dispositions, bien connues au Canada depuis l’adoption de l’ALENA, ont soulevé des inquiétudes dans l’UE quant à la forme de résolution des différends et surtout quant à la menace réelle à la souveraineté économique nationale qu’elles impliquent. Il n’était pas clair, notamment pour certains observateurs allemands, que par exemple, un investisseur canadien qui injecte des sommes importantes dans un projet dans l’UE conformément aux droits octroyés par l’AECG devrait disposer d’un droit d’action si ces droits n’étaient pas respectés2. Il convient également de souligner qu’une autre difficulté à laquelle se heurte la ratification rapide par l’UE est l’absence d’un homme (ou femme) d’État européen qui pourrait agir comme « champion » de l’AECG3, alors que d’autres priorités, comme la récente crise financière en Grèce et les mesures urgentes liées à l’immigration et aux réfugiés, exigent une intervention immédiate de la part des différents dirigeants de l’UE.

Alors que le paysage économique du Canada s’obscurcit avec la récente annonce d’une récession, il n’y a jamais eu autant d’intérêt à mettre en œuvre l’AECG et à tirer profit de ses avantages. L’étape la plus difficile a été franchie — l’accès aux fournisseurs de l’UE aux marchés publics canadiens a été accordé en quasi-totalité tel que demandé avec un appui massif des provinces, territoires et municipalités; d’autres questions ont aussi été réglées avec des solutions et des compromis pragmatiques. Bien qu’il soit difficile de dire quand l’AECG sera enfin ratifié, dans l’intérêt évident des parties, la ratification doit maintenant intervenir.

C’est dans cette perspective que Langlois Kronström Desjardins présente une analyse de deux éléments importants de l’AECG : dans cette édition de notre Infolettre, les dispositions concernant la propriété intellectuelle sont abordées et dans la prochaine édition, nous traiterons des dispositions concernant les marchés publics. Des opportunités d’affaires et des changements importants se retrouvent dans chacun de ces deux éléments et il n’est jamais trop tôt pour commencer à s’y préparer.


1 Évaluation des coûts et avantages d’un partenariat économique plus étroit entre l’Union européenne et le Canada : http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/eu-ue/study-etude.aspx?lang=fra
2 La possibilité de telles revendications, lorsque justifiées, est reconnue en général en Amérique du Nord comme étant une protection nécessaire qui sous-tend la décision de procéder à de tels investissements. Il est utile aux fins de comparaison de consulter le nombre limité de revendications actuelles et réglées (ainsi que celles retirées ou inactives) en vertu du Chapitre 11 de l’ALENA – vous reporter à : http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/topics-domaines/disp-diff/gov.aspx?lang=fra

3 À titre de comparaison, l’adoption de l’ALENA a tiré profit du solide appui de Ronald Reagan. Il est vrai, cependant, que le montant du commerce impliqué était sensiblement plus élevé : le montant du commerce Canada — UE se chiffre approximativement à 85 milliards de $ par année, comparativement à environ 2 milliards de $ par jour entre le Canada et les États-Unis. 

Flèche vers le haut Montez