Saisir les occasions d’affaires dans le Plan Nord : une route parsemée d’embûches?

Encore au moment d’écrire ces lignes, tout n’est pas complètement ficelé pour la mise en œuvre de ce plan audacieux. La Société du Plan Nord, un acteur clé dans le choix des priorités en infrastructure, n’est toujours pas constituée et toutes les forces politiques en présence ne donnent pas leur adhésion au projet du Plan Nord. Au fil des mois qui passent, les règles se précisent et se complexifient aussi. « Foncez! », diront certains, mais il s’agit là d’une décision qui comporte son lot de risques. Seuls ceux qui sauront identifier ces risques et prendre les précautions qui s’imposent sauront tirer leur épingle du jeu.

Les appels d’offres à la sauce boréale

D’emblée, les particularités des appels d’offres lancés dans le contexte du Plan Nord doivent être considérées. Elles mettent bien en exergue la réalité à laquelle ces projets sont confrontés.

Le cas de la prolongation de la route 167 vers les Monts Otish et la contestation qu’il a soulevée relativement au droit des entreprises appartenant à des intérêts d’origine autochtone d’obtenir les contrats d’infrastructure sans appel d’offres illustrent qu’un projet dans le nord du Québec ne comporte pas les mêmes difficultés qu’au sud du 49e parallèle. Dans ce dossier, le gouvernement du Québec adoptait, le 14 décembre 2011, en réponse aux préoccupations des communautés autochtones, un décret afin d’approuver une entente entre le ministre des Transports et la communauté des Cris de Mistassini, laquelle visait à confier à la communauté la charge de construire une partie de la route 167 vers les Monts Otish.

Il ne s’agit là que d’un exemple, mais ces particularités se traduiront de diverses autres façons. L’hébergement sur le site visé, la participation d’entreprises privées dans le financement du projet et leurs exigences techniques liées à la structure des ouvrages routiers, l’obligation pour l’entrepreneur de favoriser les retombées économiques locales et l’intégration de main-d’œuvre d’origine autochtone en application des ententes conclues par les donneurs d’ordres avec les communautés en présence en sont quelques autres exemples.

Sur le plan technique, un seul coup d’œil à la carte de ce territoire permet de constater l’absence d’un réseau interconnecté de routes ou d’infrastructures ferroviaires, et ce, malgré la présence de plusieurs communautés sur le territoire. S’il existe environ 51 000 km de chemins forestiers et quelques centaines de kilomètres de routes officielles, la réfection et l’intégration en réseau de ces routes présenteront un défi important.

Les défis techniques résultant des distances, du climat, de l’accès à la main d’œuvre et aux ressources commanderont également une plus grande planification, notamment quant au mode de transport et à l’entreposage de l’équipement, des matériaux et des carburants.

Les défis nordiques en matière d’environnement, de relations de travail, de gouvernance et de relations avec les peuples autochtones

Les entreprises devront composer avec des règles en matière d’environnement qui sont propres aux projets se déroulant autour du 55e parallèle, en application de la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois et de la Loi sur la qualité de l’environnement, mais aussi, en certaines matières, de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.

Les relations de travail et de santé et sécurité propres à la réalité géographique et climatique de cette portion du territoire du Québec devront également être prises en compte.

Sur le plan de la gouvernance et de la gestion des projets, les entreprises devront composer avec des juridictions multiples (municipale, régionale, provinciale et fédérale).

Enfin, et par-dessus tout, les communautés autochtones doivent être des alliées dans la réalisation de tout projet. Tout ne sera pas réglé par le donneur d’ordres et il appartiendra assurément aux entreprises retenues de connaître les communautés touchées par les travaux, leurs droits, leurs revendications et leur réalité politique et sociale. L’objectif premier de ces démarches préalables doit viser à établir de saines relations avec les instances gouvernementales autochtones.

Ces dimensions humaines sont bien plus que de simples souhaits destinés à assurer le bon déroulement du projet, mais découlent aussi des obligations constitutionnelles des gouvernements envers les nations autochtones.

Nul doute que tous ces défis peuvent être relevés, mais il faudra bien s’outiller pour y arriver.

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