Propriétaires de marques de commerce : liste de ce qu’il vous faut pour être prêt aux changements à la Charte de la langue française – mise à jour de juin 2024

8 juillet 2024

Le gouvernement du Québec a publié, le 26 juin dernier, la version finale du Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires à la Charte de la langue française (le « Règlement »), qui vient préciser certaines modifications prévues aux exceptions d’affichage d’une marque de commerce dans une autre langue que le français aux fins de la Charte de la langue française (la « Charte »).

La mouture finale du Règlement vient modifier certaines dispositions du projet de règlement qui avait été publié en janvier dernier. Nous profitons donc de l’occasion pour mettre à jour notre article publié en mars dernier concernant le projet de règlement : « Propriétaires de marques de commerce : liste de ce qu’il vous faut pour être prêt aux changements à la Charte de la langue française – mise à jour ». Au moment de la publication du Règlement, le gouvernement du Québec a également donné certains éclaircissements par rapport à l’interprétation à donner aux changements législatifs, ce dont nous traiterons ci-dessous.

D’abord, rappelons que la Charte exige que toute inscription sur un produit ou dans l’affichage commercial au Québec soit en français, sous réserve de certaines exceptions, notamment pour les marques de commerce. Les critères seront cependant resserrés à partir du 1er juin 2025, date d’entrée en vigueur des modifications législatives.

1. Résumé des nouvelles exigences

Pour commencer, nous vous présentons les grandes lignes des nouvelles exigences à venir à partir du 1er juin 2025 :

a. Inscription sur vos produits

Si vous affichez vos marques sur vos produits ou tout matériel y étant lié, sachez qu’à partir du 1er juin 2025 :

  • Si un générique ou un descriptif du produit est compris dans la marque, celui-ci devra être affiché en français sur le produit de manière permanente.

b. Affichage commercial extérieur

Si votre entreprise affiche sa marque de commerce dans une autre langue que le français 1) qui est visible de l’extérieur d’un local, y compris sur un immeuble ou à l’intérieur d’un centre commercial, 2) sur une borne ou une autre structure indépendante, sachez qu’à partir du 1er juin 2025 :

  • l’espace consacré au texte rédigé en français sur l’affichage devra être au moins deux fois plus grand que l’espace consacré au texte rédigé dans une autre langue dans le même champ visuel.

2. Descriptif français dans l’affichage

Les modifications à la Charte concernant l’affichage commercial extérieur viennent renforcer l’exigence d’avoir un descriptif ou un générique en français ou d’autre texte en français qui accompagne une marque de commerce dans une autre langue. L’exigence visant à assurer une « présence suffisante du français » actuellement en vigueur sera remplacée par une exigence rehaussée qui assurera une « nette prédominance » du français.

Avant l’entrée en vigueur du nouveau règlement, il était suffisant que la marque de commerce dans une autre langue soit accompagnée d’un descriptif, d’un générique ou d’un slogan en français dans le même champ visuel que la marque, sans exigence spécifique relativement à la taille des textes.

Or, quel est l’impact du nouveau critère de la « nette prédominance » du français? Votre marque de commerce dans une autre langue que le français apparaissant sur votre affichage commercial devra être dorénavant d’une importance visuelle moindre que les éléments descriptifs français l’accompagnant. Et de beaucoup.

Avec le projet de règlement daté de janvier, il était anticipé que la nouvelle exigence à partir du 1er juin 2025 impose que le texte du descriptif ou le générique en français accompagnant la marque soit deux fois plus gros que le texte de cette dernière.

Toutefois, le Règlement publié le 26 juin a ajouté la précision que c’est l’espace consacré au texte en français qui doit être deux fois plus gros que celui consacré au texte dans une autre langue et non pas le texte lui-même, comme c’était le cas dans le projet de règlement. La nuance est subtile, mais il appert que le gouvernement souhaite ainsi convaincre les commerçants d’inclure davantage de texte en français dans l’affichage commercial.

Tel qu’il appert de l’exemple fourni par le gouvernement au moment de la publication du Règlement, il sera possible d’ajouter du texte en français autour de la marque dans une autre langue pour se conformer à la nouvelle exigence, tant que le texte se retrouve dans le même champ visuel que la marque et que l’exigence de nette prédominance est respectée.

Parions que l’application risque d’être difficile à mettre en pratique pour certains commerçants ayant des devantures à espace restreint. Sortez vos galons à mesurer!

Force est de constater que le paysage commercial québécois sera radicalement transformé à partir du 1er juin 2025.

3. Statut de la marque

Ensuite, les modifications initialement apportées à la Charte prévoient qu’à partir du 1er juin 2025, l’exception d’affichage dans une autre langue que le français s’appliquera uniquement pour une « marque déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce1 ». Or, en vertu de cette dernière, une marque « déposée » est une marque enregistrée. Cette exigence s’avère donc difficilement conciliable avec la pratique étant donné que les délais avant d’obtenir un enregistrement sont particulièrement longs en ce moment, jusqu’à quatre ans dans certains cas. Les entreprises n’ayant pas fait de demandes d’enregistrement pour leurs marques de commerce ou les entreprises qui lancent de nouvelles marques auraient potentiellement fait face à des sanctions sans aménagements sur la question.

Le projet de règlement de janvier était venu préciser qu’une « marque déposée » au sens de la Charte doit être assimilée à une « marque de commerce qui est en cours d’enregistrement2 ». Il aurait donc été suffisant d’avoir produit une demande d’enregistrement pour la marque sans nécessairement avoir obtenu l’enregistrement.

La mouture finale du Règlement prévoit finalement un retour aux exigences qui sont déjà en vigueur, soit d’avoir une « marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce. » Une marque reconnue peut être simplement une marque utilisée sans détenir une demande d’enregistrement. Le critère est donc assoupli par rapport à ce qui était prévu au départ. Cette exigence s’applique tant à l’article 51.1 de la Charte concernant l’exception pour le texte sur les produits qu’à l’article 58.1 de la Charte concernant l’affichage commercial extérieur.

L’obtention d’une demande d’enregistrement pour votre marque dans une autre langue que le français demeure tout de même une bonne manière de démontrer à l’Office de la langue française que vous pouvez bénéficier de l’exception.

4. Inscriptions sur les produits

Le Règlement vient introduire une nouvelle obligation d’inclure une version française de tout générique ou descriptif compris dans une marque affichée dans une autre langue que le français.

Le Règlement vient préciser à son article 27.2 qu’un descriptif réfère à « un ou plusieurs mots décrivant les caractéristiques du produit » et qu’un générique réfère à « un ou plusieurs mots décrivant la nature du produit ».

Le même article prévoit qu’un descriptif ou un générique exclut le nom de l’entreprise ou le nom du produit tel qu’il est commercialisé. Finalement, les appellations d’origine et les « noms distinctifs à caractère culturel » sont également exclus en vertu de l’article 27.2 du Règlement.


1 Charte de la langue française, RLRQ c C-11, art. 51.1 et 58.1.
2 Art. 27.4, Projet de règlement, Gazette no 2 du 10-01-2024, page 217. Langue du commerce et des affaires.