Le gouvernement du Québec a publié, le 10 janvier dernier, un projet de règlement à la Charte de la langue française (la « Charte ») qui vient clarifier certaines modifications prévues aux exceptions d’affichage d’une marque de commerce dans une autre langue que le français. Le présent article vient préciser certains points abordés dans deux de nos articles précédents sur le sujet : « Propriétaires de marques de commerce : liste de ce qu’il vous faut pour être prêt aux changements à la Charte de la langue française » et « Charte de la langue française et affichage commercial de vos marques de commerce : changements majeurs à venir ».
D’abord, rappelons que la Charte exige que toute inscription sur un produit ou dans l’affichage commercial au Québec soit en français, sous réserve de certaines exceptions, notamment pour les marques de commerce. Les critères seront cependant drastiquement resserrés à partir du 1er juin 2025, date d’entrée en vigueur des modifications législatives.
L’entrée en vigueur arrivant à grands pas, le projet de règlement tombe à point, compte tenu des incertitudes qui planent au-dessus des entreprises faisant affaire au Québec.
Résumé des nouvelles exigences
Pour commencer, nous vous présentons les grandes lignes des nouvelles exigences à venir à partir du 1er juin 2025 :
1. Inscription sur vos produits
Si vous affichez vos marques sur vos produits ou tout matériel y étant lié, sachez qu’à partir du 1er juin 2025 :
a. Vos marques devront faire l’objet d’une demande d’enregistrement en instance au registre des marques de commerce pour éviter d’avoir à d’inclure une version de la marque en langue française sur toute inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou objet accompagnant ce produit, y compris le mode d’emploi et les certificats de garantie.
b. Si un générique ou un descriptif du produit est compris dans la marque, celui-ci devra être affiché en français sur le produit de manière permanente. Le projet de règlement vient préciser que :
i. Un descriptif réfère à « un ou plusieurs mots décrivant les caractéristiques du produit »;
ii. Un générique réfère à « un ou plusieurs mots décrivant la nature du produit1».
2. Affichage commercial extérieur
Si votre entreprise affiche sa marque de commerce dans une autre langue que le français 1) qui est visible de l’extérieur d’un local, y compris un immeuble ou à l’intérieur d’un centre commercial, 2) sur une borne ou une autre structure indépendante, sachez qu’à partir du 1er juin 2025 :
a. Votre marque devra faire l’objet d’une demande d’enregistrement en instance au registre des marques de commerce pour éviter d’avoir à inclure une version de la marque en langue française sur l’affichage;
b. Vous devrez également inclure un descriptif ou un générique français (café, magasin, outils, logiciels, etc.) qui est au moins deux fois plus gros que la marque dans le même champ visuel que la marque.
Descriptif français dans l’affichage
Les modifications à la Charte concernant l’affichage commercial extérieur viennent renforcer l’exigence d’avoir un descriptif ou un générique en français qui accompagne une marque de commerce dans une autre langue. L’exigence visant à assurer une « présence suffisante du français » actuellement en vigueur sera remplacée par une exigence rehaussée qui assurera une « nette prédominance » du français.
Qu’est-ce que cela signifie pour votre entreprise? Votre marque de commerce dans une autre langue que le français apparaissant sur votre affichage commercial devra être dorénavant d’une importance visuelle moindre que le descriptif français l’accompagnant. Et de beaucoup.
Il était anticipé que la nouvelle exigence à partir du 1er juin 2025 impose que le descriptif ou le générique en français accompagnant la marque soit deux fois plus gros que cette dernière. Le projet de règlement est venu confirmer cette hypothèse. Le projet de règlement précise également que la visibilité permanente du texte en français accompagnant la marque de commerce doit être au moins équivalente à celle de la marque2.
Force est de constater que le paysage commercial québécois sera radicalement transformé à partir du 1er juin 2025, tel qu’il appert d’un exemple d’affichage fourni par le gouvernement, reproduit ci-dessous.
Statut de la marque
Ensuite, la Charte prévoit qu’à partir du 1er juin 2025, l’exception d’affichage dans une autre langue que le français s’appliquera uniquement pour une « marque déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce3 ». Or, en vertu de cette dernière, une marque « déposée » est une marque enregistrée. Cette exigence s’avère donc difficilement conciliable avec la pratique étant donné que les délais avant d’obtenir un enregistrement sont particulièrement longs en ce moment, jusqu’à quatre ans dans certains cas. Les entreprises n’ayant pas fait de demandes d’enregistrement pour leurs marques de commerce ou les entreprises qui lancent de nouvelles marques auraient potentiellement fait face à des sanctions sans aménagements sur la question.
Le projet de règlement vient heureusement préciser qu’une « marque déposée » au sens de la Charte doit être assimilée à une « marque de commerce qui est en cours d’enregistrement4 ». Ainsi, à partir du 1er juin 2025, il sera suffisant d’avoir une demande d’enregistrement en instance au registre des marques de commerce pour respecter cette nouvelle exigence.
Dans sa forme actuelle, cette précision s’applique uniquement à l’article 51.1 de la Charte, soit les inscriptions sur les produits vendus au Québec, et non à l’article 58.1, qui prévoit l’affichage commercial extérieur. Il nous appert qu’il s’agit probablement d’une omission et qu’une correction devrait venir étendre l’application à l’affichage commercial pour éviter une incongruité évidente.
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1 Art. 27.3, Projet de règlement, Gazette no 2 du 10-01-2024, page 217. Langue du commerce et des affaires.
2 Art. 27.9, Projet de règlement, Gazette no 2 du 10-01-2024, page 217. Langue du commerce et des affaires.
3 Charte de la langue française, RLRQ c C-11, art. 51.1 et 58.1.
4 Art. 27.4, Projet de règlement, Gazette no 2 du 10-01-2024, page 217. Langue du commerce et des affaires.