Nous poursuivons notre série de capsules sur l’encadrement contractuel des projets d’implantation de solutions informatiques.
La capacité d’assurer et de mener à terme les projets de déploiement et d’intégration de solutions informatiques sont désormais une nécessité pour toutes les entreprises souhaitant maintenir ou optimiser l’efficacité de leur processus d’affaires. De tels projets requièrent régulièrement de recourir aux services professionnels de l’éditeur de la solution informatique visée ou de consultants familiers avec la technologie visée.
La gestion des risques liés à de tels projets commande notamment un encadrement contractuel adapté aux spécificités des technologies de l’information. Dans ce contexte, la portée et l’intensité des obligations respectives du prestataire de services et du client sont souvent négligées par les parties alors que cette réflexion permet d’assurer une juste appréciation des efforts et le degré de coopération qui doivent être anticipés par chacune des parties.
Une revue de la jurisprudence pertinente permet de constater que la portée et l’intensité des obligations du fournisseur et du client lors d’un projet d’implantation d’une solution informatique peuvent varier significativement selon le type d’entente intervenue.
Dans certains cas, les obligations du fournisseur pourraient se limiter à fournir du personnel qualifié au client durant le projet. Dans d’autres cas, ses obligations pourraient être d’agir à titre de conseiller spécialisé pour le client et de l’assister dans l’évolution du projet. Le client a également sa part de responsabilité dans l’équation. En effet, celui-ci doit sans contredit s’assurer de bien dénoncer ses besoins et ses attentes et mettre à la disposition du prestataire en temps opportun les ressources et les interlocuteurs afin d’assurer une implantation efficace du système souhaité.
Il est donc important, lors de la rédaction du contrat, de bien encadrer et préciser la nature et l’intensité des obligations incombant à chacun des cocontractants. Un contrat bien rédigé permettra de clarifier les attentes des parties l’une envers l’autre en plus d’éviter les incertitudes quant à l’intensité, selon qu’il s’agisse d’une obligation de moyens ou de résultat et quant à la nature et la portée des obligations du prestataire.
Chambre de la sécurité financière c. Open Text Conseil inc.1
Ce jugement est une bonne illustration des responsabilités qui peuvent respectivement incomber au fournisseur et au client dans le cadre d’un projet d’implantation d’une solution informatique. En 2009 et 2010, la Chambre de la sécurité financière (ci-après la « CSF ») signe trois contrats successifs avec un prestataire de services concernant la sélection et l’implantation d’un progiciel de gestion intégrée (PGI/ERP) (ci-après le « Projet »). Les deux parties à l’instance admettaient ici que le prestataire était tenu à une obligation de moyens et non de résultat. Le différend portait sur l’intensité et la portée des obligations de la défenderesse.
La CSF prétendait que l’obligation du prestataire était de la conseiller et de l’accompagner dans la réalisation du Projet alors que celui-ci prétendait que son obligation se limitait à trouver et mettre à la disposition de la CSF des consultants qualifiés et disponibles. En d’autres termes, le prestataire plaidait n’avoir souscrit aucune obligation de conseil ou d’accompagnement dans le cadre du Projet.
La Cour a donné raison à la CSF et souligné que le contrat était clair et exprimait bien l’intention des parties. Les termes utilisés dans les contrats ne souffraient d’aucune ambiguïté selon le tribunal : le prestataire avait l’obligation de conseiller et d’accompagner sa cliente dans l’élaboration du Projet. La Cour s’est notamment fondée sur le fait que les contrats intervenus entre les parties faisaient état de l’obligation d’accompagnement du prestataire.
Le tribunal a également analysé le contexte afin de cerner l’intention des parties lors de la conclusion des ententes. À la lumière de cette analyse le tribunal retient que le contexte entourant l’élaboration des contrats était indicatif de l’intention de stipuler des obligations de conseil et d’accompagnement. Le tribunal s’attarde plus particulièrement aux éléments suivants :
- Les attendus d’un des contrats confirment que le prestataire a assisté la CSF dans les deux premières étapes du Projet et qu’il propose ses services pour l’accompagner dans la troisième phase;
- Les services définis sur les factures sont définis comme des « services de consultation en gestion et en informatique »;
- Le document représentant le résultat des travaux du prestataire contient, à la toute fin, une offre pour « accompagner » la CSF dans les phases subséquentes du projet.
En s’attardant particulièrement au libellé des ententes en cause, la Cour a conclu que les contrats de services en consultation en technologie de l’information intervenus entre les parties, imposaient au prestataire une obligation de conseil et d’accompagnement auprès de la CSF.
Dans cette affaire, bien que les obligations du prestataire étaient des obligations de moyen, le Tribunal est d’avis que celui-ci n’a pas déployé les efforts qui lui incombaient pour atteindre l’objectif visé, soit la réussite du Projet de déploiement d’un nouveau PGI.
Cette décision démontre une fois de plus l’importance de bien qualifier et décrire la portée et l’intensité des obligations de chacune des parties dès le début de la relation contractuelle.
L’équipe de droit des technologies de Langlois Avocats assiste régulièrement ses clients dans la planification et la négociation de l’encadrement contractuel des projets de développement ou de déploiement de solutions informatiques et peut vous conseiller à toutes les étapes de vos projets.
Cet article n’est pas un avis juridique. Il emprunte par ailleurs certaines formulations du jugement précité afin d’être le plus fidèle possible au discours de la cour. Pour plus d’information, nous vous recommandons de consulter le jugement dans l’affaire en question, disponible en ligne.2 |
1 Chambre de la sécurité financière c. Open Text Conseil inc., 2017 QCCS 527 (CanLII).
2 http://canlii.ca/t/gxjz3