Le principe général veut qu’une sûreté sur un bien corporel en grève également les accessoires. Il en va différemment lorsque les droits de propriété intellectuelle relatifs à un inventaire appartiennent à une tierce partie1. En effet, ces droits ne sont pas considérés comme des accessoires et ne sont donc pas visés par la sûreté, à moins de faire intervenir le détenteur des droits de propriété intellectuelle.
En cas de faillite du constituant, la réalisation des sûretés qu’il a consenties pourrait donc être compromise en raison de droit de propriété intellectuelle appartenant à une tierce partie.
Brevets
Une attention particulière devra être portée aux contrats liant le constituant au détenteur des droits de propriété intellectuelle, puisqu’ils peuvent contenir d’importantes restrictions sur la cessibilité et la possibilité de réalisation sur des marchandises ou équipements brevetés. L’exécution d’une hypothèque mobilière sur ces marchandises brevetées pourrait être dès lors compromise ou contestée, et ce, en dehors du cadre de l’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
En cas de faillite du constituant, ces restrictions conventionnelles ne sont pas opposables au syndic à moins que le fabricant ou le vendeur n’émette un avis écrit de son opposition avant que les biens ne soient aliénés par le syndic. Celui-ci devra dès lors acquérir les biens à leur prix de facture moins dépréciation.
Droits d’auteur
Un créancier hypothécaire réalisant sa garantie sur des marchandises visées par un droit d’auteur n’aura pas à verser de redevances au titulaire du droit d’auteur2.
Toutefois, dans le cadre d’une faillite, l’article 83 Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoit, dans le cas d’œuvres littéraires, la remise des biens ou le versement de redevances en fonction du fait que le manuscrit ait été ou non publié et mis dans le commerce au moment de la faillite.
Marques de commerce et licences
Lorsque des biens de l’inventaire font l’objet d’une licence d’utilisation, le licencié peut être privé du droit de grever ceux-ci d’une sûreté. En effet, les contrats de licence contiennent parfois une clause d’incessibilité écartant la possibilité de les grever d’une hypothèque.
Dans les cas où la licence n’interdit pas de consentir une sûreté, la réalisation des marchandises visées commande l’examen des conditions de la licence qui encadrent fréquemment les modalités de mise en marché.
La Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne traite étonnamment pas du cas de la réalisation sur des biens distribués sous marque de commerce. Les tribunaux devront donc tenir compte, le cas échéant, des dispositions contractuelles liant le propriétaire des biens et le titulaire de la marque.
Dans la décision Scanwood Canada Ltd.3 la compagnie manufacturière faillie avait conclu un contrat avec IKEA qui prévoyait qu’une fois construits, les meubles ne pouvaient être vendus qu’à IKEA ou à l’un de ses distributeurs autorisés. Le problème est qu’en cas de faillite, IKEA n’avait pas l’obligation de les acheter. IKEA ayant refusé d’acheter l’ensemble des meubles, le séquestre a demandé au tribunal l’autorisation de vendre les biens afin de réaliser l’actif de la débitrice au profit de la masse des créanciers. Cette demande fut rejetée et le tribunal ordonna (à contre cœur) la destruction des biens4! Le tribunal soulignait alors qu’il ne pouvait outrepasser le contrat intervenu entre le débiteur et IKEA.
En l’absence de clauses contractuelles claires, les tribunaux privilégieront toutefois la masse des créanciers. Ainsi, dans la décision 185107 Canada inc. (Groupe de compagnies Bennett Little ltée–Bennett Little Group of Companies) (Syndic de5),la Cour supérieure a autorisé la vente de l’inventaire du failli distribué sous marque de commerce appartenant à une tierce partie. Dans cette affaire particulière, la banque qui détenait une garantie sur les inventaires a requis et obtenu la nomination d’un séquestre. La détentrice de la licence a alors transmis un avis de résiliation de la licence avec effet immédiat et rétroactif alors que le séquestre avait trouvé un acheteur pour les marchandises en inventaire.
Le séquestre a alors requis du tribunal l’autorisation de vendre les marchandises visées. Dans cette affaire, le tribunal a autorisé le séquestre à procéder à la vente, en raison de l’absence de dispositions contractuelles quant au sort des marchandises sous marque de commerce dans l’éventualité d’une résiliation de la licence.
En somme, avant de prendre une sûreté sur des inventaires, il est important de vérifier quels sont les autres droits susceptibles d’influencer la réalisation en cas de résiliation de licence ou d’exécution de garantie.
1 Louis Payette, Les sûretés et la propriété intellectuelle, dans développements récents en droit de la propriété intellectuelle 2002, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2002, p. 14
2 Louis Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2001, p. 570-571
3 2011 NSSC 495
4 Scanwood Canada Ltd. (Re), 2011 NSSC 495 (CanLII)
5 185107 Canada inc. (Groupe de compagnies Bennett Little ltée–Bennett Little Group of Companies) (Syndic de), 2014 QCCS 4066.