Dénonciation de harcèlement : Top 5 des conseils pour l’employeur

26 octobre 2017

Les dernières dénonciations publiques tant dans les médias québécois que du côté de nos voisins américains font fortement réagir. L’invitation de l’actrice Alyssa Milano à inscrire les mots clics #MeToo #MoiAussi sur les réseaux sociaux a déclenché un réel engouement. On parle ici de millions de personnes qui ont accepté de briser le silence. Facebook a en effet confirmé qu’en moins de 24 heures, 4,7 millions de personnes avaient publié ces mots clics générant 12 millions de commentaires et réactions en lien1. Ce phénomène social inédit pourra certainement avoir un impact sur les milieux de travail puisque la Loi sur les normes du travail2 impose aux employeurs des obligations importantes relativement au harcèlement psychologique et sexuel.

Voici nos cinq conseils à retenir en la matière :

1. Connaître ses obligations légales comme employeur  

La Loi impose à l’employeur une double obligation : prendre tout moyen raisonnable pour prévenir le harcèlement psychologique et faire cesser toute situation dès qu’elle est portée à sa connaissance. Cette double obligation incombant à tout employeur s’applique également à toute situation de harcèlement sexuel puisque celle-ci est comprise dans la définition du harcèlement psychologique3.

Ajoutons que l’employeur doit protéger ses employés contre toute situation constitutive de harcèlement psychologique provoquée ou créée non seulement pour un autre salarié ou gestionnaire, mais aussi par une personne qui n’est pas à son emploi. Par exemple, si un client ou encore un fournisseur de l’employeur se livre à du harcèlement sur un employé ou une employée, l’employeur devra pouvoir démontrer s’être acquitté de sa double obligation.

2. Redoubler de vigilance lors d’activités tenues à l’extérieur du milieu de travail

L’obligation de l’employeur ne cesse pas dès que les employés quittent les lieux physiques de l’entreprise. Au contraire, l’employeur doit également s’assurer que ses employés ne sont pas l’objet de harcèlement lorsqu’ils participent à des rassemblements ou activités à l’extérieur du travail organisés par l’employeur. La période de party de bureau de Noël approchant, un courriel ou un aide-mémoire transmis aux employés en guise de rappel des comportements attendus lors des prochaines festivités pourrait notamment être une façon de prévenir toute situation malencontreuse.

3. S’assurer d’avoir une politique pour contrer le harcèlement dans le milieu de travail qui soit efficace : la politique doit être un outil permettant à l’employeur de remplir ses obligations et non un carcan de règles qui le freine

Les entreprises possèdent déjà, pour la grande majorité, une politique visant à contrer le harcèlement psychologique. Cela étant dit, ce n’est pas l’existence d’une telle politique, mais plutôt la rapidité de sa mise en œuvre lors du dépôt d’une plainte qui permettra d’éviter le déclenchement d’un recours devant la Commission des normes du travail, de l’équité et de la santé et sécurité au travail (la « CNESST »). Il est, en effet, essentiel que toute plainte reçue soit traitée rapidement par l’employeur. Rappelons que tout plaignant désirant dénoncer avoir été l’objet de harcèlement psychologique au travail doit le faire dans les 90 jours auprès de la CNESST, suivant la dernière manifestation de la conduite reprochée4.

L’employeur doit s’assurer que les étapes de traitement d’une plainte prévues à sa politique peuvent être réalisées. À titre d’exemple, si la politique prévoit la constitution d’une liste de personnes pouvant à un comité d’enquête, cette liste doit être à jour.

4. Choisir avec doigté la personne habileté à recevoir toute plainte ou dénonciation

Le choix de la bonne personne à qui les plaintes sont déférées est primordial. Bien qu’il soit habituellement souhaitable de choisir une personne d’un niveau hiérarchique élevé, chaque milieu de travail demeurant unique, il pourrait, par exemple, être préférable de nommer deux personnes, soit un homme et une femme. Le choix d’une personne occupant un poste moins élevé dans la hiérarchie, mais plus accessible, peut être également un choix judicieux afin de faciliter les dénonciations de situations problématiques.

5. Mettre en place des mesures préventives dès la réception d’une plainte ou dénonciation si la situation le requiert

La seule existence d’une politique et la mise en place d’une enquête ne suffisent pas pour prétendre qu’un employeur a rempli ses obligations légales à l’endroit d’un employé. Dans la plupart des cas, l’employeur devra considérer l’implantation de mesures préventives dès le dépôt d’une plainte puisque l’enquête qui s’ensuit peut parfois prendre plusieurs semaines avant d’être conclue. De plus, ces mesures préventives ont pour objectif de permettre à l’employé-plaignant de continuer à livrer sa prestation de travail pendant la durée de l’enquête. À titre d’exemple, l’employeur pourrait modifier les tâches du présumé harceleur ou de l’employé-plaignant afin d’éviter qu’ils soient en contact. Ou encore, demander au présumé harceleur de ne pas communiquer avec l’employé-plaignant.5

Ajoutons qu’un employeur qui n’est pas en mesure de démontrer au tribunal qu’il a pris des mesures pour prévenir ou faire cesser du harcèlement pourrait notamment être condamné au versement de dommages, au remboursement des dépenses occasionnées par la tenue des audiences, à la mise en place d’activités de sensibilisation et de formation sur le harcèlement psychologique, etc.

Il est primordial de souligner que l’employeur est tenu d’agir dès qu’il a connaissance d’une conduite inadéquate de la part d’un employé ou encore d’un tiers. Il ne doit en effet pas attendre le dépôt d’une plainte officielle ni se cacher derrière sa politique s’il suspecte une situation problématique. En matière de harcèlement, la prévention a toujours meilleur goût.


https://www.theguardian.com/world/2017/oct/20/women-worldwide-use-hashtag-metoo-against-sexual-harassment.
2 RLRQ, c. N-1.1 (ci-après la « Loi »).
3 Le harcèlement psychologique est défini par la Loi comme étant une conduite vexatoire, répétitive ou suffisamment grave, pouvant être qualifiée comme étant hostile ou non désirée, portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité de l’employé(e)-plaignant(e) et entraînant pour celui-ci (ou celle-ci) un milieu de travail néfaste.
4 Article 123.7 de la Loi.
5 Voir notamment l’affaire Syndicat de la fonction publique du Québec – unité ouvriers c. Québec (gouvernement du) (Ministère des transports), D.T.E. 2012T-50 (T.A.) (Claudette Ross, arbitre).