Programmes de fidélisation, crédit à la consommation et publicité : nouvelles règles pour les commerçants québécois

Cet article a d’abord paru dans l’infolettre – janvier 2018 du Conseil québécois du commerce de détail.

I. Introduction

Le 15 novembre 2017, la Loi sur la protection du consommateur (la « Lpc ») a été modifiée par la Loi visant principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation1 (la « Loi ») qui vise notamment, comme son titre l’indique, à instaurer de nouvelles règles et obligations aux commerçants québécois en matière de crédit à la consommation, ainsi qu’un nouvel encadrement des programmes de fidélisation. Aussi, la Loi crée de nouvelles exigences en matière de pratiques de commerce et publicité.

La Loi et les modifications qu’elle apporte à la Lpc sont susceptibles d’interpeller nombre de commerçants québécois, plus particulièrement ceux offrant des programmes de fidélisation et ceux offrant directement ou indirectement du crédit dans la conduite de leurs affaires.

Alors que les modifications apportées à la Lpc entreront vraisemblablement en vigueur au cours des prochaines semaines et qu’un règlement sera adopté pour définir de façon précise la portée des nouvelles exigences créées par la Loi, le commerçant québécois a dès maintenant intérêt à se familiariser avec son contenu compte tenu de l’impact que la Loi peut avoir sur ses opérations.

II. La Loi sur la protection du consommateur : rappel

La Lpc s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur (une personne physique) et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.

La Lpc est dite une loi d’ordre public, en ce que le commerçant ne peut éviter son application et doit obligatoirement s’y soumettre dans le cadre de ses activités, sans pouvoir prévoir des termes et conditions de vente ou de service ou adopter des pratiques qui seraient contraires à son contenu.

De façon générale, la Lpc prévoit de multiples obligations et limites aux termes et conditions de vente ou de service, concernant tant le contenu des clauses contractuelles que la façon de les présenter en certaines circonstances. La Lpc encadre aussi la façon dont un commerçant peut interagir avec le consommateur et la façon dont il lui offre ses biens et ses services.

Parallèlement, la Lpc prévoit différents droits et recours au consommateur contre le commerçant lorsque celui-ci n’aura pas respecté son contenu obligatoire, incluant le droit de demander la nullité d’un contrat ou de réclamer des dommages, sans compter les pénalités et sanctions pénales que peut imposer l’Office de la protection du consommateur.

III. Les programmes de fidélisation

Les programmes de fidélisation ou programmes de récompenses sont désormais largement présents dans l’industrie du commerce de détail. L’existence d’un tel programme chez un commerçant, petit ou gros, est un élément concurrentiel de plus en plus important et peut influencer le choix du consommateur et auprès de qui il choisira ses biens et services. 

Le nouvel encadrement des programmes de fidélisation est une dimension importante de la Loi, alors que ces programmes ne faisaient auparavant l’objet d’aucune règle précise.

Les nouvelles règles concernant les programmes de fidélisation sont susceptibles de s’appliquer à tout type de programme de points, programme de récompenses, programme de remise de produits ou de services gratuits en fonction d’un volume d’achat et autres. Ces programmes peuvent être offerts par une entreprise spécialisée avec qui le commerçant s’associe, ou encore constituer un système créé par le commerçant lui-même au bénéfice de sa propre clientèle.

En fonction de l’information disponible à ce stade, et sans que ces expressions soient consacrées dans la Loi ou la Lpc, des règles différentes s’appliqueront selon que l’on est en présence d’un programme « maison » ou d’un programme « institutionnalisé ».

A. Le programme « maison »

Les nouvelles règles qui encadreront les programmes de fidélisation ne s’appliqueront pas aux situations suivantes :

a) Le programme qui prévoit la remise d’un produit ou d’un service déterminé : Ce type de programme vise les cas où le consommateur peut, après un certain temps ou un nombre déterminé d’achats, obtenir un produit ou un service similaire gratuit. Pensons aux commerçants qui offrent, par exemple, un café gratuit à l’achat de cinq cafés ou un massage gratuit après quatre séances;   

b) Le programme qui prévoit la remise de produits ou services de 50 $ ou moins : Ce type de programme vise les cas où le consommateur peut, après un certain temps ou un nombre déterminé d’achats, obtenir un produit ou un service de son choix auprès du commerçant d’une valeur de 50 $ ou moins. Pensons aux commerçants qui offrent, par exemple, un rabais ou un bon échangeable en magasin, ou une sélection de biens ou services de menue valeur après un certain volume d’achats.

Ces situations visent des programmes créés par des commerçants eux-mêmes dans des marchés de biens et services de valeur modeste, sans nécessiter un contrat complexe ou même aucun contrat.  

De tels programmes pourront être modifiés ou retirés par le commerçant à tout moment, sans enfreindre la Lpc, ainsi qu’ils peuvent prévoir des dates d’expiration pour s’en prévaloir.

Afin d’éviter les règles relatives au programme « institutionnalisé » beaucoup plus lourdes ci‑dessous, le commerçant qui offre un programme « maison » devra être soucieux de s’assurer que son programme prévoit clairement le produit ou le service qui sera offert lorsque les conditions du programme sont rencontrées, ou encore que la valeur du produit ou du service en récompense n’excède pas 50 $.

B. Le programme « institutionnalisé »

Le programme « institutionnalisé » est un programme de fidélisation qui permet l’accumulation de points (la Loi utilise l’expression « unités d’échange ») pouvant être échangés auprès du commerçant chez qui ils ont été accumulés ou auprès d’autres commerçants partenaires, sans limite de valeur.

Le programme « institutionnalisé » peut être un programme externe d’une entreprise spécialisée avec qui un commerçant s’est associé (par exemple les programmes de voyages), ou encore un programme interne du commerçant lui-même permettant l’obtention de remise, rabais, produits ou services sans limite de valeur (par exemple les programmes de grands épiciers ou de cartes de crédit).  

Le cœur des nouvelles règles est l’interdiction de faire expirer les points accumulés dans un programme de fidélisation, bien qu’il sera possible d’éliminer des points en cas d’inactivité prolongée du compte.

Le programme « institutionnalisé » est ainsi sujet aux conditions et restriction suivantes :

a) Un contrat pour participer au programme est conclu avec le consommateur incluant les conditions pour obtenir une récompense, les modalités d’obtention d’une récompense et le facteur de conversion des unités d’échange (ex. : 1 000 points correspondent à 10 $);

b) Les unités d’échange (les points) ne peuvent venir à expiration à une date déterminée ou par l’écoulement du temps, sauf si le contrat prévoit le contraire et qu’aucune unité d’échange n’a été accumulée ou échangée pendant au moins un an, et après avis écrit de 30 jours au consommateur.

Aussi, un programme de fidélisation ne pourra jamais modifier le nombre d’unités ou points accumulés par le consommateur ou leur valeur, ou encore le facteur de conversion des unités ou points déjà accumulés.

Toutefois, le commerçant pourra modifier son programme de fidélisation pour les éléments suivants :

a) Le nombre d’unités ou points requis ou le facteur de conversion des unités ou points pour obtenir un produit, un service ou une valeur monétaire pour le futur;

b) Les partenaires ou détaillants associés au programme de fidélisation;

c) La politique d’inactivité du compte;

Dans tous les cas, deux avis devront être transmis au consommateur, le premier entre quatre et trois mois avant l’entrée en vigueur de la modification, et le second 30 jours avant l’entrée en vigueur de la modification.

Ainsi, les commerçants offrant ou désireux d’offrir au Québec un programme de fidélisation devront ajuster ou prévoir leurs pratiques pour tenir compte de cette nouvelle réalité.

IV. Le crédit à la consommation

La Loi instaure également de nouvelles dispositions à la Lpc en matière de contrats de crédit. Est un contrat de crédit, tout contrat avec un consommateur qui prévoit la faculté de payer avec un terme ou un contrat assorti d’un prêt d’argent. Les contrats de crédit incluent les ventes à tempérament où le commerçant se réserve la propriété du bien jusqu’à parfait paiement, ou encore les ventes avec paiement échelonné dans le temps.

Principalement, les nouvelles dispositions de la Loi visent le contrat pour l’usage d’une carte de crédit ou d’une marge de crédit, avec de nouvelles obligations relatives au calcul du taux de crédit (l’intérêt), l’établissement d’un paiement minimum de 5 % du solde dû, l’interdiction d’augmenter unilatéralement la limite de crédit et l’imposition du contenu obligatoire au contrat.

Par ailleurs, tout nouveau contrat de crédit ou augmentation d’une limite de crédit sera sujet à une évaluation de la capacité du consommateur de rembourser. Le défaut de procéder à cette évaluation emportera la perte du droit de réclamer des frais de crédit, principalement l’intérêt.

Les modalités à respecter pour évaluer la capacité du consommateur de rembourser seront connues prochainement et devront faire l’objet d’une attention particulière par les commerçants offrant du crédit sous une forme ou une autre.

Enfin, la Loi encadre avec rigidité les contrats de crédit à coût élevé par des commerçants qui prêtent de l’argent sans être des institutions financières conventionnelles, notamment le respect de ratio d’endettement et l’imposition de contenu obligatoire au contrat.

V. Nouvelles règles pour la publicité

La Lpc encadre déjà rigoureusement les règles relatives à la publicité et aux pratiques de commerce en prévoyant différentes obligations et interdictions dont l’objet est de s’assurer de l’absence de fausses représentations aux consommateurs et faire en sorte qu’on leur communique un message clair, intelligible et honnête.

La Loi ajoute à la liste d’obligations et d’interdictions dans les communications avec les consommateurs, notamment les éléments suivants :

a) Un commerçant doit toujours dans un message publicitaire concernant un bien ou un service présenter l’information diffusée de façon claire, lisible et compréhensible;

b) Un commerçant ne peut utiliser l’expression « prix coûtant » ou autre expression analogue que s’il offre réellement un bien au coût qu’il a lui-même payé pour acquérir le bien;

c) Un commerçant ne peut dans une publicité divulguer seulement le montant des versements ou mensualités à payer pour acquérir ou louer un bien sans divulguer également le prix total du bien de façon plus évidente;

d) Un commerçant ne peut dans une publicité utiliser une illustration d’un bien ou d’un service qui ne représente pas fidèlement ce bien ou ce service.

Finalement, la Loi impose un nouveau cadre relatif à la publicité du crédit, incluant les effets que peut avoir le crédit pour un consommateur ou sa situation financière.

VI. Conclusion

De façon générale, les nouvelles dispositions de la Lpc ne s’appliquent pas aux contrats déjà conclus, et ne devront être respectées que pour les nouveaux contrats lorsque les règles concernées entreront en vigueur au cours des prochaines semaines.

Tous les commerçants québécois auraient avantage à se sensibiliser avec la Loi et les nouvelles obligations qu’elle leur impose, et principalement ceux ayant quelque programme de fidélisation et ceux offrant du crédit à la consommation sous toutes ses formes.


1 L.Q. 2017, chapitre 24.

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