Pourquoi un employeur devrait-il réexaminer ses politiques internes à la lumière du projet de loi C-45?

À l’origine, le présent article a été affiché en anglais sur le site Web The Lawyer’s Daily, publié par LexisNexis Canada Inc. le 11 juin 2018.

L’entrée en vigueur du projet de loi C-45 légalisant l’usage du cannabis récréatif au Canada approche à grands pas. Malgré cela, une publication récente du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) conclut que la majorité des employeurs n’a pas encore abordé ni évalué ses politiques et pratiques internes concernant l’abus de drogues en milieu de travail.

Les employeurs canadiens devront donc assez rapidement examiner et modifier leurs politiques internes. Dans ce contexte, ils doivent dès maintenant prendre en considération les éléments qui suivent.

En tout premier lieu, chaque employeur doit savoir que d’après un arrêt de la Cour suprême du Canada datant de 2013, en l’absence d’une preuve de l’existence d’un problème lié à l’usage de drogues, un employeur n’a pas le droit d’imposer à ses employés des tests aléatoires, même dans les milieux de travail « à grand risque » ou « intrinsèquement dangereux ». Cependant, dans un tel milieu de travail « dangereux », l’employeur aura le droit de faire subir des tests aux personnes occupant des postes à risque dans trois circonstances particulières, soit :

  • Lorsque l’employeur a des motifs raisonnables de croire qu’un employé a eu les capacités affaiblies dans l’exercice de ses fonctions;
  • Lorsqu’un employé a été impliqué directement dans un accident de travail ou un incident grave; ou
  • Lorsqu’un employé reprend du service après avoir subi un traitement pour l’alcoolisme ou la toxicomanie, conformément aux modalités négociées d’un plan d’action de retour au travail.

Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence de directives du gouvernement sur les répercussions probables de la légalisation du cannabis sur les milieux de travail, les employeurs doivent se montrer proactifs et aborder cette question avec l’aide d’experts qui les aideront à réexaminer leurs politiques internes. Il serait donc pertinent que lesdits experts effectuent une évaluation de l’environnement de travail afin de déterminer comment s’assurer que la légalisation du cannabis n’aura pas de répercussions sur la qualité du travail exécuté ni sur la santé et la sécurité des travailleurs. Les recommandations formulées par les experts permettront donc à l’employeur d’aborder à la source les problèmes potentiels et ainsi, de réexaminer les politiques internes à l’aide de tous les outils pertinents, de manière à assurer l’efficacité des modifications proposées.

Outre ces éléments précis, et conformément à l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Stewart c. Elk Valley Coal Corp.1, il serait également pertinent que les employeurs imposent à leurs employés l’obligation de divulguer volontairement l’usage de toute substance, qu’il s’agisse d’alcool, de drogue ou de médicaments sous ordonnance. Une telle obligation de divulgation permettrait à l’employeur d’agir de manière préventive et de gérer les problèmes potentiels en amont plutôt que de manière réactionnelle.

En outre, les employeurs doivent tenir des séances de formation obligatoires pour tous les employés (sans égard au niveau de risque associé à leur poste) et s’assurer que tous les employés signent des formulaires d’engagement clairs qui confirment qu’ils ont compris les modalités de la politique et qu’ils s’engagent à les respecter. En ce sens, la politique révisée doit également contenir une disposition énonçant que l’employeur adopte une approche « tolérance zéro » dans le cas de violation de la politique, et que toute violation peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement motivé.

Pour terminer, outre le fait que la légalisation du cannabis cause déjà des maux de tête à bien des gens, les employeurs canadiens pourraient devoir rapidement réviser leurs politiques sur la drogue et l’alcool à la lumière de la nouvelle jurisprudence. En fait, la décision fort attendue de la Cour suprême dans l’affaire Suncor pourrait changer l’état du droit sur la question des tests aléatoires de dépistage de drogue et d’alcool. Dans ce dossier en particulier, il est question de la mise en place d’une politique de tests aléatoires de dépistage de drogue et d’alcool, au sein d’un milieu de travail à risque élevé où subsistait un problème généralisé d’abus d’alcool et d’autres drogues. Compte tenu des dispositions législatives à venir, la Cour suprême du Canada pourrait modifier les critères d’application des tests aléatoires de dépistage de drogue, ce qui entraînerait le début d’une nouvelle ère pour de nombreux employeurs canadiens.


1 2017 CSC 30.

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