La vaccination obligatoire contre la COVID-19 est-elle envisageable pour un employeur au Québec?

Depuis le début de la pandémie, nombreux sont ceux qui attendent avec impatience qu’un vaccin sécuritaire et efficace soit rendu disponible pour entamer un retour à la normale. Avec l’arrivée imminente des premières doses au Québec, une question revient souvent : un employeur peut-il exiger que ses employés se fassent vacciner avant de revenir au travail?

Les grands principes

La situation actuelle étant inédite, il n’existe malheureusement pas de précédent utile pouvant nous fournir des balises claires quant à la meilleure manière de gérer la problématique. Cependant, des principes juridiques reconnus comme le consentement aux soins1 ou encore le droit à l’intégrité de la personne2, nous indiquent qu’à la base, l’idée d’imposer à un employé de se faire vacciner avant de retourner au travail ne passera pas le test des tribunaux.

Il existe bien une exception à ces principes, mais celle-ci sera, à notre avis, rarement (voire jamais) applicable : la Loi sur la santé publique prévoit effectivement que le gouvernement peut, en cas d’urgence sanitaire, ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d’une certaine partie de celle-ci3. Dans une telle éventualité, le gouvernement devrait s’assurer que des quantités suffisantes de doses soient disponibles, en plus de s’assurer que les services de santé requis soient offerts – le tout, à ses frais4. Pour l’instant, à moins que le gouvernement n’adopte une telle ordonnance, cette disposition ne sera d’aucun secours à un employeur qui souhaite exiger que ses employés se fassent vacciner avant de retourner au travail.

L’autre option qui s’offre aux employeurs, plus réaliste cette fois, consiste à démontrer que la vaccination des employés constitue une exigence professionnelle justifiée (EPJ) en raison de contacts fréquents et répétés avec une clientèle vulnérable, par exemple. Nous pouvons penser ici à certaines catégories de travailleurs des secteurs de la santé, des services sociaux ou encore dans le domaine scolaire. Il importe toutefois de noter que dans un tel contexte, la vaccination d’un employé récalcitrant ne pourrait pas lui être imposée : cependant, l’employeur aurait alors la possibilité de retirer, potentiellement sans solde, ledit employé du milieu à risque et de mettre en œuvre une solution de rechange5.

Il est en effet permis de penser qu’un employé qui refuse de se faire vacciner alors qu’il est démontré que la vaccination constitue une EPJ pourra être l’objet de mesures administratives, allant du déplacement dans un département où il ne mettra pas la sécurité d’autres personnes en jeu jusqu’à un éventuel congédiement dans les cas où une nouvelle affectation ne serait pas possible.

Maintenant, que faire?

Nous comprenons maintenant qu’un employeur qui souhaite que ses employés se fassent vacciner avant de retourner au travail n’aura pas la possibilité d’imposer sa volonté, par l’application d’une politique de vaccination obligatoire ou par tout autre moyen. Cependant, dans l’éventualité où il était démontré que la vaccination constitue une EPJ, d’autres options de nature administrative s’offriront à l’employeur.

En conséquence, nous recommandons plutôt de s’en tenir à réitérer l’engagement de l’employeur à offrir un milieu de travail sécuritaire par l’adoption de toutes les mesures recommandées par les autorités de santé publique (distanciation, port du couvre-visage, etc.).

Du coup, un rappel de l’employeur à savoir que chacun a un rôle à jouer pour mettre un terme à la pandémie et que la vaccination peut être un outil efficace pour enfin envisager un retour à la normale pourrait s’avérer un moyen intéressant pour mobiliser les employés et les encourager à se faire vacciner. N’hésitez pas à contacter un membre de notre équipe pour toute question en lien avec les sujets abordés dans ce bulletin.

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1 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 11
2 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art. 1
3 Loi sur la santé publique, RLRQ c S-2.2, art. 123 (1º)
4 Id., art. 125
5 Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. CSSS Rimouski-Neigette, 2008 CanLII 19577 (QC SAT) (Requête en révision judiciaire rejetée : 2009 QCCS 2833)