La Loi sur le bâtiment renforcée : l’émission et le maintien de licence d’entrepreneur encore plus corsée

Personne-ressource : Jean Patrick Dallaire

Le 4 septembre dernier, la Loi sur le bâtiment est devenue encore plus exigeante dans ses conditions d’obtention et de maintien de licences d’entrepreneurs. Elle accorde désormais de vastes pouvoirs à la Régie du bâtiment (RBQ), forçant les intervenants de l’industrie de la construction à être plus blancs que blancs. 

La Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d’autres dispositions législatives afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau (« la Loi ») est entrée en vigueur le 4 septembre. Faisant directement écho aux recommandations de la Commission Charbonneau, cette Loi vise à accroître les pouvoirs de surveillance de la RBQ et à enrayer la collusion et la corruption dans l’industrie de la construction. 

Cette Loi prévoit une augmentation significative des pouvoirs de la RBQ en matière d’enquête, de vérification et de contrôle. Celle-ci exerce désormais son contrôle dans l’évaluation et la supervision de l’intégrité des entrepreneurs. Un examen plus attentionné des modifications permet de mieux comprendre l’étendue des nouvelles exigences et des nouveaux pouvoirs de contrôle la RBQ. 

Le « répondant » – la personne physique qui fait la demande de licence pour le compte de l’entreprise et qui qualifie celle-ci par la réussite des examens de la RBQ – devient désormais responsable aux yeux de la RBQ de la gestion des activités pour lesquelles il qualifie la licence. Plus spécifiquement, la Loi mentionne désormais que le répondant doit « participer activement et de manière continue » à la « gestion des activités dans le domaine pour lequel ses connaissances ou son expérience ont été reconnues par la Régie ». Cette disposition laisse perplexe : qu’est-ce qui sera considéré comme activement et continuellement? Passe encore pour la petite entreprise de construction, mais qu’en est-il de la grande? Le répondant SST, par exemple, doit-il être personnellement impliqué sur tous les chantiers? Dans un tel cas, il est difficile d’imaginer qu’un répondant puisse participer activement et de manière continue aux activités liées à son domaine de connaissance sur tout le territoire desservi par l’entreprise… 

De plus, la Loi élargit la notion de « dirigeant » de façon à inclure tout actionnaire détenant 10 % ou plus des droits de vote rattachés aux actions de l’entreprise. Le seuil était jadis établi à 20 %. Ce nouveau seuil de 10 % permet donc à la RBQ de scruter à la loupe plus d’actionnaires lorsqu’elle évalue si les « dirigeants » satisfont aux critères d’intégrité prévus par la Loi. 

Sur ce volet de la probité, la Loi ajoute des motifs de refus de délivrance de licence, qui dans plusieurs cas, n’ont rien à voir avec l’exploitation d’une entreprise de construction. Par exemple, le fait d’avoir commis une infraction liée au trafic, la production ou l’importation de drogues1 permet à la RBQ de refuser la délivrance d’une licence ou d’en annuler une déjà émise. Sans être contre la vertu, cette exigence de probité apparaît poussée au-delà du nécessaire. Pensons par exemple au cas d’un jeune adulte de 21 ans déclaré coupable de trafic de quelques grammes de cannabis, une erreur de parcours qui aura comme conséquence qu’avant ses 26 ans, la RBQ refusera de lui délivrer une licence. Nous comprenons que l’objectif est d’éviter que le crime organisé utilise les activités légales de la construction pour blanchir l’argent du trafic de la drogue. La nouvelle disposition nous semble aller beaucoup plus loin que cela, peut-être trop. 

Autre nouveauté importante : la RBQ a désormais le pouvoir de retirer une licence si elle estime que la structure de l’entreprise permet au titulaire de la licence ou à toute autre personne de se soustraire à l’application de la Loi sur le bâtiment2. Elle peut aussi refuser une licence à un demandeur qui est lié à une autre personne physique qui ne se qualifierait pas pour l’obtention d’une licence3

En bref, ces nouvelles exigences de la Loi sur le bâtiment et les pouvoirs plus vastes de la RBQ vont certainement faire l’objet de débats devant les tribunaux, notamment sur la validité constitutionnelle de certains articles. Le législateur semble vouloir limiter l’accès à l’industrie de la construction à des individus sans reproche. À la lumière de ces récentes modifications législatives, il devient d’autant plus important de consulter vos avocats lorsque vous faites face à un constat d’infraction ou une accusation, que ce soit de la CNESST, de la CCQ et de la RBQ, ou encore de la police, de tout organisme public tel l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou la Régie des alcools, des courses et des jeux. C’est simple : pour la RBQ, tout sera considéré pour les fins de délivrance ou de maintien d’une licence d’entrepreneur.


1 Article 8 de la Loi modifiant la Loi sur le bâtiment.
2 Article 13 de la Loi modifiant la Loi sur le bâtiment.

3 Article 15 de la Loi modifiant la Loi sur le bâtiment.

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