It’s the end of the work as we know it (and I feel fine)1 – ou l’importance du concept de fin des travaux

Le parachèvement des travaux, la correction des défaillances et des non-conformités, la remise des documents de fin de chantier et la prise de possession de l’ouvrage représentent une étape importante d’un projet de construction.

En revanche, la compréhension des effets juridiques de la fin des travaux ainsi que l’adoption de pratiques contractuelles efficaces demeurent souvent incomprises ou négligées.

Voici quelques éléments à considérer à ce sujet.

La fin des travaux2 correspond en principe à la date à laquelle l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine.

Le parachèvement des activités définies aux documents contractuels, dont les plans et les devis sont des parties intégrantes, correspond généralement à cette date. En d’autres termes, la fin des travaux survient lorsque l’ensemble des travaux prévus aux documents contractuels ont été accomplis.

Soulignons que dans cette optique, la date de correction d’activités défaillantes ou non conformes3, les visites des professionnels ou l’émission par ceux-ci du certificat de fin des travaux ainsi que la réception de l’ouvrage par le client ne sont pas déterminantes. D’ailleurs, les listes de déficiences émises par les professionnels incluent fréquemment des activités qui n’ont pas encore été parachevées, entraînant en principe le report de la date de fin des travaux.

Mais pourquoi la date de fin des travaux est-elle si importante?

Parce qu’elle marque, entre autres, le début des comptes à rebours :

  • du délai de paiement de l’acompte final et de la libération de la retenue contractuelle4;

  • du délai de trente (30) jours pour la conservation du droit à l’hypothèque légale de la construction dont peuvent bénéficier les entrepreneurs, professionnels et fournisseurs de matériaux;

    (Il ne faut toutefois pas confondre ce deuxième cas avec le déclenchement du délai, généralement de cent vingt (120) jours, à l’intérieur duquel un avis formel de paiement est requis aux fins d’application du cautionnement pour gages, services et matériaux5, dont la date de computation est d’ailleurs établie distinctement pour chaque bénéficiaire, alors que dans le cas de l’hypothèque légale, une date unique de fin des travaux est généralement établie pour tous les intervenants, sauf exception6.)

  • de l’application de la garantie solidaire des entrepreneurs et des professionnels contre la perte de l’ouvrage (ou des défauts majeurs assimilés comme tels) découverte dans les cinq (5) ans7.

Nous arrivons ici à l’encadrement contractuel qui l’entoure.

Puisque l’exigibilité du paiement de l’acompte final ou de la libération de la retenue contractuelle8 dépasse généralement le délai de trente (30) jours de la fin des travaux requis pour inscrire un avis de conservation d’hypothèque légale de la construction, les intervenants pourraient devoir opter pour l’inscription « préventive » de cet avis.

Ces avis, à leur tour, donneront lieu (bien que souvent à tort, juridiquement) à des retenues ou à des paiements contrôlés du maître de l’ouvrage dans l’attente de leurs radiations totales9.

Pire encore, la quotité du paiement final dû par le maître de l’ouvrage pourra non seulement faire l’objet d’un avis pour ce montant par l’entrepreneur général (ou design-constructeur ou gérant de construction pour services et construction), mais également d’un avis pour chacune des sommes correspondantes de ce montant dues aux différents niveaux de sous-traitants et de fournisseurs (de premiers niveaux à tout le moins), de sorte que, à titre d’illustration, une dette de 1 $ pourra donner lieu à des avis d’hypothèques totalisant 3 $.

Or, il est possible d’éviter ce mauvais spectacle en encadrant plus efficacement cette étape du projet, notamment :

  • en clarifiant le rôle des professionnels (en matière d’inspection, d’émission de listes et de certificats, d’établissement des délais de garanties, etc.) et en s’assurant de la compatibilité des termes de leur mission avec le contrat de l’entrepreneur et avec les lois applicables;

  • en prédéterminant contractuellement la substitution de la garantie offerte par l’hypothèque légale de la construction que ce soit par le cautionnement ou de toute autre manière commercialement satisfaisante afin d’en assurer le consentement, la quotité et les modalités;

  • en effectuant cette substitution en faveur de tous les potentiels bénéficiaires du droit à l’hypothèque, notamment afin d’éviter la multiplication des sommes requises en raison de leur dédoublement mentionné précédemment.

Bonne fin de chantier!

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1 Le titre en anglais de cet article vous aura peut-être surpris. Nous avons, en écrivant au sujet de la fin des travaux, été inspirés par le succès du groupe rock R.E.M., It’s the end of the world as we know it (and I feel fine). Voilà, nos goûts musicaux sont ainsi révélés!
2 L’abandon des travaux, la notion de travaux par phases successives et la mauvaise foi sont au nombre des principales exceptions pouvant être soulevées à ce principe.
3 Ces activités défaillantes ou non conformes sont généralement énumérées dans les « listes de déficiences » émises par les professionnels.
4 Son exigibilité, du moins dans son entièreté, sera toutefois généralement rattachée à la remise des documents de fin de chantier et à la correction des défaillances et des non-conformités.
5 À ce sujet, soulignons que l’avis de dénonciation requis pour certains bénéficiaires de ce cautionnement (ceux n’ayant pas contracté directement avec le débiteur principal) n’est pas l’avis de dénonciation requis aux fins de conservation du droit à l’hypothèque légale de la construction (pour ceux n’ayant pas contracté directement avec le propriétaire).
6 On pourrait arguer qu’une date de fin des travaux serait établie pour chaque co-contractant d’un propriétaire dans le cadre d’un projet en gérance pour services seulement.
7 La réception de l’ouvrage, et non la fin des travaux, marque quant à elle l’application de la garantie conjointe contre les malfaçons existantes découvertes dans l’année. Quant aux garanties contractuelles (ou garanties conventionnelles), ce sont les termes des documents contractuels qui devront en déterminer les périodes de couverture, du moins théoriquement puisque cette rédaction est souvent fragmentaire, incertaine et imprécise.
8 Il variera généralement de trente (30) jours de la correction des défaillances et des non-conformités à un (1) et même deux (2) ans suivant l’émission du certificat d’achèvement substantiel de l’ouvrage.
9 Ces « radiations totales » entraîneront évidemment des délais et des frais. Les délais pourront être amenuisés, pour davantage de frais, par un processus tel que le dépôt en fidéicommis suivi d’une preuve de dépôt des actes de radiation, suivi de la libération du paiement. Une autre option, toujours pour davantage de frais, consistera à proposer la substitution des hypothèques par une autre garantie suffisante. Cette dernière donnera lieu, au mieux, à des négociations ou, au pire, à une contestation, mais toujours à des frais et à des délais dont toutes les parties se seraient passées.

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