Gestion de crise et risque accru de délits d’initiés et de communication d’informations privilégiées

A. Intégrité du marché pendant la crise actuelle : un contrôle réglementaire accru est attendu 

Les circonstances résultant de la pandémie de la COVID-19 entraînent des conséquences sans précédent sur les marchés boursiers mondiaux. La crise actuelle aura probablement des répercussions importantes sur les activités commerciales de nombreux émetteurs publics. Étant donné que les opérations internes de gestion de crise mises en place par les émetteurs publics évoluent rapidement, cela pourrait entraîner une diffusion accrue et un accès élargi à des informations non publiques importantes et matérielles par leurs employés ainsi que leurs conseillers internes et externes. Il est donc d’autant plus important d’établir et de mettre en œuvre des contrôles et procédures internes robustes. 

En effet, il est raisonnable d’anticiper une surveillance accrue ainsi qu’une plus grande vigilance de la part des autorités réglementaires à cet égard. À titre d’exemple, le 23 mars dernier, la division de l’application du cadre réglementaire de la Securities Exchange Commission (SEC) des États-Unis a publié un communiqué concernant l’intégrité des marchés et l’importance de suivre les procédures de contrôle corporatif mises en place1

La SEC a émis un avertissement général quant aux délits d’initiés et autres comportements frauduleux, déclarant que dans ces circonstances dynamiques, les initiés apprennent régulièrement de nouvelles informations non publiques matérielles qui peuvent avoir une valeur encore plus grande que dans des circonstances normales. La SEC met également en garde les entreprises publiques — ainsi que les courtiers indépendants, les conseillers en placement et les autres personnes inscrites — quant à l’importance d’établir de façon adéquate et/ou de renforcer des contrôles et procédures de divulgation, ainsi que des codes d’éthique, des règlements internes et des interdictions de transiger afin d’augmenter la protection à l’endroit de la diffusion et de l’utilisation inappropriée d’informations non publiques matérielles.

 

B. Impact de la COVID-19 sur un émetteur public : informations importantes? 

Il est important que les émetteurs assujettis à travers le Canada respectent leurs obligations et exigences de divulgation continue qui sont contenues dans le Règlement 51-102. En effet, les émetteurs publics, en vertu des lois sur les valeurs mobilières, doivent immédiatement publier et déposer un communiqué de presse divulguant tout changement important, et doivent, dans les dix jours suivant la date du changement important, déposer une Déclaration de changement important appropriée. 

Ceci inclut généralement : un changement dans les activités, les opérations ou le capital de l’émetteur public qui devrait raisonnablement être susceptible d’avoir un effet significatif sur le prix ou la valeur de marché de l’un des titres de l’émetteur; ou un changement important susceptible d’avoir une incidence significative sur le prix ou la valeur de marché des titres d’un émetteur assujetti et qui n’est généralement pas connu du marché. 

La crise actuelle de la COVID-19 et les interventions sans précédent des gouvernements fédéral et provincial pourraient avoir des répercussions importantes sur les activités commerciales et les opérations de nombreux émetteurs publics. Les émetteurs publics doivent être vigilants et examiner l’impact de la crise de la COVID-19 sur leurs opérations et activités commerciales spécifiques à la lumière de leur secteur d’activité et des informations qui ont déjà été divulguées et fournies aux investisseurs ainsi qu’au marché dans son ensemble.

 

C. Vigilance accrue des émetteurs et des initiés – délits d’initiés et communication d’informations privilégiées 

Dans le contexte de cette crise, les initiés tels que les dirigeants, les administrateurs et les actionnaires principaux doivent être particulièrement soucieux de leurs obligations en vertu des lois sur les valeurs mobilières en matière de délits d’initiés et de communication d’informations privilégiées. De plus, en vertu de la plupart des lois sur les valeurs mobilières au Canada, une personne qui (a) a acquis des informations non publiques confidentielles au cours de ses relations avec un émetteur public, (b) a acquis des informations non publiques confidentielles qu’elle sait être d’une telle nature, ou (c) a acquis ces informations d’un initié, pourrait également être considérée comme un initié. 

La volatilité des conditions actuelles du marché peut offrir des opportunités d’achat de titres à des prix inférieurs. En période de crise, cette volatilité est souvent indépendante des opérations, des activités commerciales, des projets et des perspectives de l’émetteur public. Cette volatilité n’est souvent pas non plus liée aux informations communiquées au marché par les émetteurs publics eux-mêmes. 

Néanmoins, les initiés devraient prendre des mesures raisonnables pour s’assurer qu’ils ne sont pas en possession d’informations non publiques matérielles avant de transiger des titres de l’émetteur public et avant de discuter, d’encourager ou de recommander que d’autres personnes achètent ou vendent des titres de l’émetteur. 

Les émetteurs devraient envisager d’offrir une formation virtuelle aux employés qui ne sont généralement pas en possession d’informations non publiques matérielles, mais qui pourraient le devenir en raison de leur rôle et de leur implication dans les activités de gestion de crise. En outre, il est également recommandé de rappeler régulièrement l’importance de protéger les informations confidentielles et de ne pas transiger sur des titres lorsqu’on est en possession d’informations confidentielles. 

Les émetteurs devraient également surveiller et envisager d’imposer de nouvelles restrictions quant à la négociation de titres par des initiés qui pourraient avoir en leur possession des informations non publiques matérielles en ce qui concerne la façon dont la COVID-19 affecte ou affectera l’émetteur.