De l’idée vers sa réalisation : la planification d’un projet de construction du point de vue juridique

Cet article a d’abord paru en novembre 2021 sur le site Web de Propulsion.

Nous avons tous, un jour ou l’autre, assisté à la mauvaise exécution d’une excellente idée.

La première adaptation cinématographique du chef d’œuvre Dune de Frank Herbert, par David Lynch, en 1984, illustre bien ce concept auquel n’échappent pas les projets de construction.

Comment peut-on en favoriser la réussite?

Voici quelques éléments qui, sans être exhaustifs, pourront contribuer à limiter les risques d’échec.

 

L’importance du stade de la pré-construction

S’il existe un consensus au sein de la communauté des intervenants de l’industrie de la construction, c’est bien au regard de l’importance de consacrer suffisamment de ressources qualifiées, autant humaines que matérielles, au stade de la pré-construction.

Cette étape, qui assure notamment une meilleure qualité des documents (énoncé des exigences conceptuelles, plans et devis, études préalables, budgets et calendriers prévisionnels, etc.), se trouve trop souvent négligée pour des raisons budgétaires et calendaires.

Or, le degré d’attention qui y sera consacré s’avérera inversement proportionnel à celui qui devra l’être aux modifications, au stade de l’appel d’offres ou, pire encore, celui de la construction.

En principe, les modifications en cours d’exécution :

  • coûteront plus cher, en ce que,
    • elles échapperont au processus de concurrence;
    • elles nécessiteront de modifier la planification et la coordination déjà entamées avec l’entrepreneur, les sous-traitants et les fournisseurs;
    • elles seront assujetties aux conditions du marché prévalant alors, par opposition à celles qui prévalaient lors de l’appel d’offres, incluant l’indexation du marché, de la main-d’œuvre, de l’équipement et des matériaux;
  • nécessiteront plus de temps (incluant des va-et-vient entre le maître de l’ouvrage, les professionnels, l’entrepreneur, les sous-traitants et les fournisseurs) alors que des frais généraux de chantier affecteront chaque jour critique prolongeant l’empreinte des intervenants au chantier;
  • donneront lieu, incidemment, à plus de différends entre les intervenants, occasionnant ainsi des impacts relationnels, d’autres délais et d’autres coûts.

Dans un marché où les meilleurs intervenants n’éprouvent aucune difficulté à obtenir des contrats, il devient de plus en plus difficile de les attirer en présence de telles circonstances.

 

L’importance des modes de réalisation et de rémunération 

L’identification du mode de réalisation demeure essentielle, mais on y accorde rarement toute l’importance qu’elle nécessite.

L’entreprise générale, la gérance pour services, la gérance pour services et construction, le design-construction, la réalisation intégrée et les modes hybrides (design-construction partiel ou progressif, pré-approvisionnement et construction par lots avec ou sans cession, etc.) comportent chacun leurs avantages et leurs inconvénients avec un effet papillon au niveau du risque.

Il en va de même pour les modes de rémunération où les risques liés aux erreurs d’estimation, à l’indexation du marché et des taux de main-d’œuvre, de l’équipement et des matériaux, à l’insolvabilité des sous-traitants et autres risques économiques seront répartis différemment, selon que l’on opte pour le prix forfaitaire, unitaire, coûtant majoré ou le prix cible, avec ou sans prix maximum garanti et/ou partage des économies et des dépassements.

Les divers risques seront adressés, à leur tour, notamment au moyen de l’assurance, du cautionnement, de la sous-traitance, des réserves de risques et de contingences, etc., mais ils devront être traités de manière cohérente selon le principe : plus de risque = plus de rémunération.

Pour identifier le mode le mieux adapté à ses besoins, le maître de l’ouvrage pourra, entre autres, déterminer :

  • le cadre normatif applicable, notamment pour les donneurs d’ouvrage publics;
  • le rôle qu’il est disposé à assumer (maîtrise d’œuvre, détention des licences, etc.);
  • le degré de contrôle qu’il souhaite avoir sur la conception, au-delà de l’énoncé de ses exigences conceptuelles, voire le désir d’obtenir plusieurs concepts préliminaires différents répondant, en principe, à ces exigences;
  • le degré d’appel à la concurrence qu’il désire contrôler (ensemble de la conception et des travaux, ensemble des travaux, fractionnement par lots, etc.);
  • la place occupée par l’équipement technologique et les délais y afférents, incluant s’il souhaite faire appel à diverses alternatives telles que le pré-approvisionnement avec ou sans cession ultérieure;
  • le rapport coût-bénéfice de la coordination de certains intervenants au stade de la pré-construction;
  • La possibilité, ou non, d’entreprendre les travaux sans que la conception ait été finalisée et que les estimations budgétaires et calendaires de classe A aient été obtenues (fast track);
  • etc.

Dans le doute, il demeure généralement recommandé d’opter pour un mode favorisant la coordination des intervenants au stade de la pré-construction, ce qui permet de bénéficier de leur expertise respective et d’améliorer la qualité des documents conceptuels avant que les délais et les coûts de chaque modification ne soient multipliés par la réalité d’un chantier en pleine opération.

Nous espérons que ces quelques conseils vous éclaireront et vous permettront un meilleur succès dans l’exécution de vos projets.

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