Depuis la rentrée parlementaire, le droit du travail québécois est au cœur de plusieurs initiatives législatives et réglementaires. Dans de récents articles, nous vous faisions part de l’entrée en vigueur du Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement (« Début de l’un des derniers chapitres de l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail »), ainsi que de la Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out (« Début de l’un des derniers chapitres de l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail »).
Depuis, trois autres développements législatifs et réglementaires ont attiré notre attention. Il s’agit de :
- La sanction du projet de loi n° 101, Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail;
- La présentation du projet de loi n° 3, Loi visant à améliorer la transparence, la gouvernance et le processus démocratique de diverses associations en milieu de travail;
- La publication du projet de Règlement concernant les mesures pour prévenir ou faire cesser une situation de violence à caractère sexuel.
Nous en présentons ici les principaux éléments.
Projet de loi n° 101 : Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail
C’est maintenant chose faite : le projet de loi omnibus présenté par le ministre du Travail a été adopté et sanctionné. Certaines de ses dispositions sont en vigueur depuis le 28 octobre 2025. Dans notre article publié en mai dernier, « Québec présente de nouvelles modifications aux lois du travail », nous vous informions des principaux changements proposés par ce projet de loi. Si la plupart des modifications annoncées ont été conservées, quelques amendements notables ont été adoptés lors de l’étude détaillée en commission parlementaire.
Code du travail : nouvelle procédure en matière d’arbitrage de grief
En vigueur depuis le 28 octobre 2025
Les nouvelles règles en matière de divulgation préalable de la preuve sont désormais en vigueur. Ainsi, en plus des pièces ou autres éléments de preuve, les parties à l’arbitrage d’un grief doivent également communiquer la liste des témoins qu’elles entendent convoquer au moins 30 jours avant le début de l’audience, sauf s’il existe des motifs valables pour ne pas divulguer leur identité. Notez que les parties pourraient convenir de délais différents lors d’une conférence préparatoire.
Les règles de divulgation préalable ne s’appliqueront qu’aux griefs déposés à partir du 28 octobre 2025.
En vigueur à compter du 28 octobre 2026
Tel qu’il a été annoncé initialement, l’arbitre de grief devra être désigné dans les 6 mois du dépôt du grief. À défaut, la partie l’ayant déposé sera « présumée » (et non plus « réputée ») s’être désistée. L’emploi du terme « présumée » indique qu’il s’agit d’une présomption simple pouvant être repoussée par une preuve contraire. D’ailleurs, la loi prévoit que le Tribunal administratif du travail pourra prolonger ce délai ou relever une partie du défaut de l’avoir respecté sur démonstration d’un motif raisonnable.
Bien qu’il soit toujours prévu que l’audition du grief doive débuter au plus tard un an suivant son dépôt, un amendement adopté vient préciser que l’arbitre peut en décider autrement si les circonstances et l’intérêt des parties le justifient.
Ces deux nouvelles règles ne s’appliqueront pas aux secteurs public et parapublic.
Normes du travail : congé pour des raisons de santé publique ou de sécurité civile
Ce nouveau congé sans salaire est entré en vigueur le 28 octobre dernier. En vertu d’un amendement adopté, l’employeur ne peut exiger de certificat médical comme document justifiant l’absence du salarié.
Santé et sécurité du travail : aucun report de l’entrée en vigueur des mécanismes de prévention
Tel que nous l’avions annoncé dans notre article intitulé « Début de l’un des derniers chapitres de l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail », les mécanismes de prévention et de participation sont entrés en vigueur le 1er octobre 2025. Le report initialement envisagé lors de la présentation du projet de loi n° 101 a été retiré par amendement.
Autres dispositions en vigueur depuis le 28 octobre 2025
Les modifications relatives aux « travailleurs incorporés », au remboursement de l’employeur pour le salaire versé à la travailleuse enceinte réaffectée, aux mécanismes de prévention propres aux secteurs de la santé et de l’éducation, aux normes de construction établies par la CNESST, ainsi qu’à la hausse des amendes en cas d’infraction, sont également en vigueur depuis le 28 octobre 2025.
Projet de loi n° 3, Loi visant à améliorer la transparence, la gouvernance et le processus démocratique de diverses associations en milieu de travail
Après avoir été l’objet d’une fuite médiatique, ce projet de loi a finalement été présenté à l’Assemblée nationale le 30 octobre dernier. Il s’agit d’une réforme importante du fonctionnement des organisations syndicales.
S’il était adopté, le projet de loi créerait une distinction entre la cotisation syndicale principale et la cotisation syndicale facultative. Les membres de l’unité de négociation devraient autoriser par un vote majoritaire au scrutin secret : 1) le montant de la cotisation principale et 2) le prélèvement de la cotisation facultative. Dans ce dernier cas, un nouveau vote devrait être tenu chaque année. La cotisation facultative servirait à financer certaines activités syndicales, à savoir notamment un recours judiciaire en matière civile portant sur la contestation de la constitutionnalité d’une loi ou d’un règlement, certaines campagnes publicitaires et la participation à certaines manifestations de nature politique ou sur un sujet autre que la défense de droits prévus à une loi ou à une convention collective. Il serait interdit d’utiliser les cotisations principales pour financer ces activités.
Le projet de loi imposerait également que certains votes syndicaux, notamment ceux portant sur les cotisations principale et facultative, une grève ou la ratification d’une convention collective, se déroulent sur une période minimale de 24 heures afin de favoriser une participation élargie.
Des dispositions pénales seraient prévues en cas de non-respect des nouvelles obligations.
De plus, le texte prévoirait de nouvelles obligations de reddition de comptes par les associations syndicales.
Veuillez noter que ce projet de loi n’est pas encore adopté et qu’il pourrait faire l’objet d’amendements. Nous vous tiendrons donc informés de son évolution en temps et lieu.
Dépôt du projet de Règlement concernant les mesures pour prévenir ou faire cesser une situation de violence à caractère sexuel
En vertu de l’article 51 (16) de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’employeur doit prendre des mesures pour protéger un travailleur de la violence physique ou psychologique sur le lieu du travail. Depuis 2024, cette obligation inclut de prendre toute autre mesure déterminée par règlement pour « prévenir ou faire cesser une situation de violence à caractère sexuel ». C’est ce règlement dont le projet a été publié dans la Gazette officielle du Québec le 29 octobre dernier. Parmi les mesures réglementaires qui y sont proposées, on retrouve notamment les suivantes :
- Informer les travailleurs des risques propres au lieu de travail et des mesures pour les éliminer ou les contrôler;
- Former les travailleurs sur la prévention de la violence à caractère sexuel, et ce, de la manière prévue par le règlement;
- Mettre en place une procédure de traitement des plaintes et des signalements et désigner une personne compétente pour les traiter.
Ce projet de règlement n’est pas encore en vigueur. D’ailleurs, toute personne intéressée peut formuler des commentaires dans les 45 jours de sa publication. Nous vous tiendrons informés de son évolution et de son adoption, le cas échéant.
Conclusion
Tel que constaté, l’automne 2025 apporte son lot de nouveautés en droit du travail québécois. Il sera important pour les employeurs et les acteurs du milieu de suivre la mise en œuvre de ces modifications législatives afin d’assurer la conformité de leurs pratiques aux nouvelles exigences.