RENA : l’AMP ne peut pas jeter les entreprises réhabilitables avec l’eau du bain

23 septembre 2025

Dans une rare décision défavorable à l’Autorité des marchés publics (l’« AMP »), la Cour supérieure du Québec a récemment annulé l’inscription d’un entrepreneur général au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (le « RENA »). Selon la Cour, l’AMP n’avait pas suffisamment évalué l’opportunité d’imposer des mesures correctives avant de recourir à la sanction ultime, soit l’inadmissibilité aux contrats publics. L’AMP aurait même écarté d’emblée le plan de mesures correctives soumis par l’entrepreneur général, sans expliquer pourquoi ce plan était inadéquat.

Or, l’analyse par la Cour des débats législatifs démontre que le législateur entendait privilégier la réhabilitation avant d’envisager l’exclusion. L’objectif est d’accompagner les entreprises et de maintenir un équilibre entre deux impératifs : faire de l’intégrité une condition incontournable des contrats publics tout en évitant d’écarter systématiquement des entreprises susceptibles de se réhabiliter.

Voici trois enseignements clés que les entreprises doivent tirer de cette décision :

  1. La réhabilitation est la règle, alors que la révocation de l’autorisation constitue l’exception.
  2. L’AMP a l’obligation de donner une chance au coureur, sauf si elle peut démontrer que des mesures correctives seraient vouées à l’échec.
  3. Les entreprises qui se trouvent dans la mire de l’AMP ont intérêt à être proactives et à présenter un plan crédible de mesures correctives. En l’occurrence, le plan proposé par l’entreprise prévoyait : « a) une surveillance documentaire régulière des échanges électroniques; b) un audit mensuel des engagements contractuels; et c) un mécanisme structuré de séparation fonctionnelle entre [l’entreprise] et toute entité externe » (para. 140).

Cette décision est bienvenue pour les entreprises dont la capacité à conclure des contrats publics est essentielle à la continuité de leurs activités, voire à leur survie. Elle pourrait même avoir des répercussions au-delà du régime d’intégrité des contrats publics. En effet, toute autorité investie du pouvoir discrétionnaire d’imposer des correctifs pourrait se voir obligée d’épuiser l’option de la réhabilitation avant de considérer des sanctions plus sévères, comme le retrait d’un permis ou d’une autorisation. Autrement dit, une véritable chance de redressement devrait être offerte avant de faire tomber le couperet.

Au moment de la publication du présent article, la décision faisait l’objet d’une requête pour permission d’en appeler à la Cour d’appel du Québec.