L’imposition d’un stage de perfectionnement : l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Comité exécutif de l’ordre professionnel

Le 21 décembre 2017, dans l’affaire Neumann c. Collège des médecins du Québec1, la Cour supérieure a rendu une décision d’intérêt en ce qui a trait au pouvoir du Comité exécutif d’un ordre professionnel d’imposer un stage de perfectionnement à un de ses membres.

Les faits à l’origine du pourvoi en contrôle judiciaire sont relativement simples.

Faits

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code des professions2 en regard de la surveillance de la profession et de l’enquête sur la compétence professionnelle de ses membres, le Comité d’inspection professionnelle (le « CIP ») du Collège des médecins (le « Collège ») procède à une visite d’inspection au domicile professionnel du Dr Neumann, un pédiatre de 85 ans qui pratique depuis plus de 57 ans. À la suite de cette visite d’inspection, le CIP recommande l’imposition d’un stage de perfectionnement en pédiatrie ambulatoire de quarante (40) jours, avec une limitation du droit d’exercice du Dr Neumann aux seuls actes nécessaires à la poursuite du stage.

En raison de l’âge et de l’état de santé du Dr Neumann, le Comité exécutif choisit de s’écarter de la recommandation formulée par le CIP et lui impose de compléter un stage de perfectionnement de vingt (20) demi-journées en pédiatrie ambulatoire, sans limitation de son droit d’exercice.

Quelques mois après le début du stage, la superviseure du Dr Neumann l’informe qu’elle refuse de poursuivre le stage compte tenu de son attitude et du fait que les objectifs poursuivis ne sont pas rencontrés. Son rapport est déposé auprès du Comité exécutif qui l’entérine et évalue la possibilité d’imposer au Dr Neumann un nouveau stage en pédiatrie ambulatoire de quarante (40) jours.

Dr Neumann soumet ses observations au Comité exécutif qui, le 23 mars 2017, décide alors de lui imposer de réussir un stage en pédiatrie ambulatoire de quarante (40) jours, ou jusqu’à l’atteinte des objectifs fixés, avec limitation de l’exercice aux seuls actes nécessaires à la poursuite du stage, comme recommandé au départ par le CIP.

Prétentions des parties

Dr Neumann se pourvoit en contrôle judiciaire de cette décision au motif que le Comité exécutif n’a pas le pouvoir de lui imposer d’office un nouveau stage de perfectionnement sur la base du rapport d’une superviseure, sans une nouvelle recommandation du CIP suite à une autre visite d’inspection professionnelle.

Quant au Collège des médecins et son Comité exécutif, ils plaident qu’il appartient à ce dernier de constater l’échec ou la réussite du stage imposé à la suite d’une recommandation du CIP et de déterminer, le cas échéant, les mesures à imposer au professionnel visé. Par l’imposition d’un second stage, il a déterminé la suite des choses, ce qu’il pouvait faire sans une nouvelle recommandation du CIP qui lui, avait déjà exercé sa compétence dans le dossier.

Analyse du tribunal

Dans son analyse des articles 55 et 113 du Code des professions, le tribunal examine attentivement les termes utilisés pour conclure que le Comité exécutif n’a pas le pouvoir d’intervenir et d’imposer à un professionnel de compléter avec succès un stage de perfectionnement, sans une recommandation préalable du CIP. En l’espèce, ce Comité n’avait pas le pouvoir d’imposer au Dr Neumann un deuxième stage de perfectionnement en pédiatrie ambulatoire, dont la durée était augmentée à quarante (40) jours avec une limitation de pratique, sans que le CIP n’ait revisité le Dr Neumann et n’ait émis une nouvelle recommandation.

Le tribunal accueille donc le pourvoi en contrôle judiciaire et annule la décision du Comité exécutif imposant au Dr Neumann un nouveau stage de quarante (40) jours et une limitation d’exercice.

Le juge ne retient pas les prétentions du Collège à l’effet que le Comité exécutif demeure saisi du dossier jusqu’à la fin du processus d’imposition du premier stage de perfectionnement, et ce, malgré l’échec de ce stage. Ainsi, si le Comité exécutif d’un ordre professionnel impose à un de ses membres un nouveau stage qui ne constitue pas la prolongation d’un stage déjà en cours, il doit le faire après l’émission d’une recommandation du CIP.

La mission de protection du public des ordres professionnels exige de pouvoir contrôler notamment la compétence de ses membres. À ce titre, le CIP remplit un rôle fondamental. Nous croyons donc que les recommandations du CIP devraient être suffisamment détaillées et prévoir les conséquences de l’échec d’un stage ou d’un cours imposé. Enfin, à la lumière de cette décision, il pourrait être approprié de revoir l’approche du Comité exécutif et les mécanismes entre les instances afin de s’assurer que la finalité du processus soit menée à bien.


1 2017 QCCS 5886.
2 Article 112 du Code des professions, R.L.R.Q. c. C.-26.

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