Les régimes de retraite dans le secteur municipal – Le projet de Loi 3

C’est le 12 juin dernier que le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Pierre Moreau, a présenté le nouveau Projet de loi no 3 : Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal.

Faisant suite au Projet de loi no 79 : Loi concernant la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal et d’autres modifications à ces régimes, qui est mort au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections, le Projet de loi no 3 en reprend les principales idées tout en modifiant et ajoutant certains éléments.

L’impact de la restructuration

Ce nouveau projet de loi, qui touche 170 régimes comptant 50 000 retraités et 122 000 participants, prévoit que les régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal doivent être restructurés en vue d’en assainir la santé financière et d’en assurer la pérennité. Bien que le Projet de loi no 79 n’obligeait la restructuration que de certains régimes de retraite à prestations déterminées (ceux dont le taux de capitalisation était de moins de 85 % au 31 décembre 2013 et ceux qui offraient des subventions pour retraites anticipées avant l’âge de 55 ans), le Projet de loi no 3 oblige la modification de tout régime de retraite à prestations déterminées constitué en vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite1 établi par un organisme municipal.

Les régimes de retraite devront ainsi être modifiés, selon ce nouveau projet de loi, afin d’y prévoir qu’à compter du 1er janvier 2014, la cotisation d’exercice soit partagée à parts égales entre l’organisme municipal et les participants actifs, que le déficit afférent soit assumé à parts égales entre l’organisme municipal et les participants actifs et qu’un fonds de stabilisation alimenté par une cotisation de stabilisation soit constitué. La somme de la cotisation d’exercice et de la cotisation de stabilisation ne devra pas excéder 18 % de la masse salariale des participants actifs au régime (cette somme sera de 20 % pour les policiers et les pompiers).

Toujours selon le nouveau Projet de loi no 3, une évaluation actuarielle complète établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2013 devra être préparée. Le conseil de l’organisme municipal devra ensuite tenir, au plus tard le 19 janvier 2015, une séance au cours de laquelle il présentera un rapport de la situation financière de chacun des régimes qu’il a établis, fondé sur les conclusions de cette évaluation actuarielle.

En cas de déficits d’un régime de retraite au 31 décembre 2013, l’indexation des rentes des retraités pourra être suspendue si l’organisme municipal le décide, et les participants actifs et l’organisme municipal assumeront, à parts égales (sauf s’ils conviennent d’un partage de déficit 60 %/40 % si d’autres éléments de la rémunération globale sont modifiés), les déficits qui leur seront imputables pour le service accumulé avant le 1er janvier 2014. Tout nouveau déficit imputable aux participants actifs, afférent au service antérieur au 1er janvier 2014 et constaté dans une évaluation actuarielle postérieure au 31 décembre 2013, sera cependant à la charge unique de l’organisme municipal.

Les conditions de réalisation

Bien qu’aucun régime de retraite ne doive prévoir l’indexation automatique de la rente (sous réserve de l’indexation des rentes des retraités au 31 décembre 2013), une indexation ponctuelle pourra être prévue lorsqu’un excédent sera constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle du 31 décembre 2013. De plus, les régimes pourront prévoir, à l’égard des participants actifs, la modification, la suspension, l’abolition ou le rétablissement de toute prestation à compter du 1er janvier 2014 (autre que la rente normale et la rente de conjoint survivant).

Le régime devra cependant prévoir que tout engagement supplémentaire résultant d’une modification au régime doit être payé en entier dès le jour qui suit la date de l’évaluation actuarielle établissant la valeur de cet engagement. En ce qui concerne les excédents d’actif des régimes, ceux-ci pourront être imputés au paiement des engagements supplémentaires, mais ne pourront être affectés à l’acquittement des cotisations, sauf si une règle fiscale l’oblige.

Le processus de restructuration

Les négociations entre les organismes municipaux et les participants actifs en vue de convenir d’une entente pour modifier les régimes de retraite devront être entreprises au plus tard le 1er février 2015, sauf exception.

Préalablement aux négociations et au plus tard le 15 janvier 2015, l’organisme municipal devra transmettre à toute association représentant des participants actifs concernés par le régime un avis écrit d’au moins 8 jours et d’au plus 15 jours mentionnant la date, l’heure et le lieu où ses représentants rencontreront ceux de l’association. Une copie de cet avis devra être transmise au ministre. À défaut d’envoi d’un tel avis, les négociations seront réputées avoir débuté le 1er février 2015.

Contrairement au Projet de loi no 79 qui prévoyait qu’une entente devait être conclue dans les six mois suivant le début des négociations, le Projet de loi no 3 prévoit qu’une entente devra être conclue dans les douze mois suivant celles-ci, avec une possibilité de prolongation de trois mois. Bien que, dans le Projet de loi no 79, la conciliation était prévue pour une durée de six mois suivant la période de négociation, les parties pourront maintenant recourir à la conciliation à tout moment durant la période de négociation, avec le Projet de loi no 3.

Sous le Projet de loi no 79, la Commission des relations du travail tranchait tout différend. Le Projet de loi no 3 prévoit, quant à lui, qu’un arbitre sera nommé par les parties pour régler le différend si aucune entente n’est intervenue à l’expiration de la période de négociation. Il sera assisté par des assesseurs désignés par les parties. L’arbitre devra rendre sa décision dans les six mois suivant la date où il a été saisi du différend.

Les conventions collectives

Il est important de noter que l’existence d’une convention collective ou de toute autre entente n’empêchera pas l’application de la future Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal. Une entente ou une décision de l’arbitre aura l’effet d’une modification de la convention collective.

De vives contestations

Bien que l’Union des municipalités du Québec (UMQ) salue le nouveau Projet de loi no 3 le qualifiant de « réaliste, responsable et durable », les syndicats critiquent fortement ce projet de législation qui, selon eux, « s’attaque aux droits acquis des retraités »2 et rend caduque la notion de négociation et affirment qu’ils le contesteront devant les tribunaux s’il est adopté. Avec les récentes manifestations des employés syndiqués de plusieurs grandes villes dont Montréal, Québec, Laval, Sherbrooke, Saguenay et Gatineau, il est à prévoir que le Projet de loi no 3 n’a pas fini de faire parler de lui.


1 RLRQ c R-15.1.
2 Paroles de Marc Ranger, porte-parole de la Coalition syndicale pour la libre négociation. 

Flèche vers le haut Montez