Contrats publics : les derniers développements concernant l’autorisation de l’AMF

La Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics, sanctionnée le 7 décembre 2012, a notamment modifié la Loi sur les contrats des organismes publics afin de prévoir, désormais, l’obligation d’obtenir une autorisation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour les entreprises qui souhaitent conclure un contrat public ou un sous-contrat public, et ce, selon que le contrat comporte une dépense égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement. Cette autorisation atteste que son titulaire satisfait aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre. L’ensemble du secteur public est visé, notamment les sociétés d’État et les municipalités. 

Les entreprises concernées étant nombreuses, les nouvelles dispositions s’appliqueront graduellement. À terme, tous les contrats publics de plus de 100 000 $ devraient requérir l’autorisation de l’AMF. 

Le mois de septembre 2014 marque un autre point tournant de ce régime d’autorisation. 

En effet, le 10 septembre dernier, le gouvernement a adopté les décrets 793‑2014 et 796-2014 afin que le seuil pour les contrats de services, de construction et de partenariat public-privé soit abaissé de 10 M$ à 5 M$. Cet abaissement du seuil entrera en vigueur le 24 octobre 2014 et permettra d’assujettir environ 850 entreprises de plus. Le 10 septembre, le gouvernement a également adopté le décret 795-2014 afin d’élargir la liste des contrats octroyés par la Ville de Montréal qui sont visés par l’autorisation de l’AMF. Cette dernière modification est entrée en vigueur le 24 septembre. 

Le 11 septembre, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié un bulletin d’interprétation portant sur la notion de sous-contrat afin de déterminer si un sous-traitant dans un contrat public doit être titulaire ou non de l’autorisation de l’AMF. 

Puis, le 17 septembre, le gouvernement a adopté le décret 815-2014 et a utilisé le pouvoir conféré par l’article 87 de la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics en obligeant l’entreprise Informatique EBR Inc. à demander l’autorisation de l’AMF dans un délai de 21 jours afin qu’elle puisse poursuivre l’exécution de certains contrats d’approvisionnement conclus avec le Centre de services partagés du Québec. 

Enfin, le 25 septembre, la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction a entendu des représentants de l’AMF, de l’Unité permanente anticorruption et du Secrétariat du Conseil du Trésor. Au cours de cette journée d’audience, le commissaire Renaud Lachance a fait remarquer aux intervenants que les entreprises québécoises sont « plus contrôlées » que les entreprises étrangères, parce que les activités fiscales hors Québec de ces dernières ne sont pas vérifiées dans le cadre d’une demande d’autorisation. Le commissaire Lachance s’est également inquiété de l’importance accordée au critère de la conformité fiscale pour obtenir l’autorisation de l’AMF, puisqu’un désaccord avec Revenu Québec ne se rattache pas nécessairement à l’intégrité d’une entreprise. 

Le régime d’autorisation de l’AMF sera de plus en plus sous les projecteurs. Présentement, plusieurs entreprises choisissent d’obtenir de manière préventive leur autorisation de l’AMF. Les délais administratifs inhérents au traitement d’une demande d’autorisation peuvent expliquer cette approche. En effet, une entreprise doit être autorisée à la date du dépôt de sa soumission, sauf si l’appel d’offres prévoit une date différente qui doit être antérieure à celle de la conclusion du contrat. Toutefois, un refus de l’AMF comporte des conséquences importantes pour une entreprise : elle devient inadmissible pour les contrats en cours d’exécution et pour les prochains contrats publics, même ceux inférieurs aux seuils établis pour l’autorisation de l’AMF. 

Par ailleurs, le 15 mai 2014, la Cour supérieure a rendu une première décision concernant la légalité du refus de l’AMF de délivrer à une entreprise l’autorisation de conclure des contrats publics (9129-2201 Québec inc. c. Autorité des marchés financiers, 2014 QCCS 2070, requête pour permission d’appeler rejetée dans 2014 QCCA 1383). Cette décision enseigne, notamment : 

  • que la notion d’« intégrité élevée » doit recevoir une interprétation large;
  • qu’une entreprise doit fournir tous les éléments pertinents avant la décision de l’AMF;
  • que le recours en révision judiciaire n’est pas l’occasion de bonifier son dossier;
  • qu’un lourd fardeau incombe à l’entreprise pour obtenir gain de cause devant la Cour supérieure.

Bref, l’autorisation de l’AMF deviendra progressivement un passage obligé. Ce faisant, la conclusion d’un contrat public tend à devenir un privilège plutôt qu’un droit. Le processus d’autorisation est rigoureux et commande un dossier bien préparé et complet, même si, à court terme, votre entreprise n’y est pas assujettie. Il peut cependant être dans l’intérêt de votre entreprise de se préparer au prochain élargissement des contrats visés par l’autorisation de l’AMF.

Flèche vers le haut Montez