Cadeaux et bonis de Noël à vos employés : la générosité de l’employeur peut-elle être plus limitée que celle du Père Noël?

Ils l’attendent avec patience, personne n’en parle, mais tout le monde y pense… quel sera donc le cadeau de Noël de l’employeur cette année?!

Que ce soit à l’égard de cadeaux ou de bonis offerts lors de la période des Fêtes, l’attente des employés peut être grande. Et si, une année, vous décidiez de ne pas en offrir, quelles seraient les conséquences? Est-ce que votre générosité a pu se transformer en obligation?

1. Le boni

a. Les types

Le boni représente un montant versé en sus du salaire régulier d’un employé et peut prendre différentes formes.

Tout d’abord, l’employeur peut offrir, année après année, un boni représentant une somme fixe. L’octroi se veut alors automatique, sans être sujet aux performances de l’entreprise ou encore de l’employé en cause.

Ensuite, un boni peut être octroyé de façon purement discrétionnaire par l’employeur, selon son bon vouloir.

Enfin, les paramètres de l’octroi d’un boni peuvent être prédéterminés selon des critères établis par l’employeur avec ou sans la participation des employés. Ces derniers sont toutefois au fait des critères devant être remplis. Habituellement, ces critères ont trait au niveau de performance de l’entreprise et/ou aux évaluations de la prestation de travail de l’employé.

b. L’encadrement légal

Il n’existe pas de dispositions législatives spécifiques sur l’octroi de tels bonis, quoique ceux-ci puissent, selon les circonstances, faire partie de la rémunération globale d’un employé. Son encadrement est davantage contractuel. Ainsi, les montants, les critères et les périodes de versement d’un boni peuvent constituer des conditions de travail prévues dans un contrat individuel d’emploi ou encore dans une convention collective. Une politique d’entreprise peut également définir cet encadrement pour l’ensemble ou une catégorie d’employés. Enfin, la pratique développée au sein d’une entreprise de façon constante, répétée et bien connue de tous peut aussi être une source d’encadrement. 

c. Modification ou terminaison du boni

Pour une variété de raisons, un employeur peut vouloir mettre fin à l’octroi d’un boni lors de la période des Fêtes. Son droit de ce faire est directement lié à l’encadrement légal régissant un tel octroi.

Ainsi, dans l’éventualité où l’octroi du boni est prévu dans un contrat individuel de travail, ce boni peut être considéré comme une condition essentielle du contrat, selon évidemment l’importance du montant en cause. Si tel est le cas, les principes relatifs au congédiement déguisé pourront être éventuellement soulevés par l’employé en question. Avant de modifier les critères du boni ou encore d’y mettre fin, l’employeur devrait alors en aviser préalablement les employés concernés. Le délai requis pourra varier selon les circonstances, les caractéristiques et le nombre d’années de service des employés en cause.

Ce raisonnement pourrait également prévaloir lorsque le boni est prévu dans une politique de l’employeur. Par contre, un examen minutieux des termes de la politique sera nécessaire considérant que, bien souvent, l’employeur aura déjà prévu la possibilité d’y apporter des modifications de manière unilatérale. Selon l’importance des montants en cause, cette latitude ne saurait toutefois constituer un abus de droit.

Par contre, si le versement et les critères du boni sont prévus dans une convention collective, l’employeur ne pourra y apporter des modifications de façon unilatérale, à moins évidemment d’un libellé flexible prévu par les parties dans ladite convention collective ou d’une entente avec le syndicat.

d. Le boni et la fin d’emploi

Un employé congédié peut-il réclamer son boni de Noël?

La réponse à cette question dépendra du type de boni en cause et du caractère justifié ou non du congédiement. Si le congédiement de l’employé est justifié, celui-ci ne pourra réclamer le versement du boni offert aux autres employés suivant le congédiement. À l’inverse, dans certaines circonstances, l’employé congédié sans cause pourrait y avoir droit. À titre d’exemple, si le boni était clairement prévu dans le contrat de travail et que son octroi était automatique, l’employé pourrait l’intégrer à sa réclamation de délai-congé raisonnable. Par contre, l’employé n’aura normalement aucun droit si le versement du boni se faisait de façon purement discrétionnaire. De manière semblable, l’employé n’aura pas droit à ce chapitre si la preuve ne démontre pas l’atteinte des critères en cause.

2. Les cadeaux de Noël

Que ce soit sous la forme plus classique d’une carte-cadeau ou de l’étonnante remise d’une dinde à Noël, les cadeaux offerts par un employeur durant la période des Fêtes peuvent prendre autant de formes que son imagination le permet.

Que cette générosité de l’employeur soit relativement nouvelle ou qu’elle soit bien ancrée dans les traditions de l’entreprise, l’employeur peut-il un jour ou l’autre se montrer moins généreux?

Dans un contexte non syndiqué, de façon générale, un cadeau de Noël de la part d’un employeur devrait constituer un geste de gratitude, offert de façon discrétionnaire, sans engendrer d’obligation pour l’employeur.

La jurisprudence arbitrale est toutefois divisée sur la question de déterminer si un cadeau de Noël constitue une condition de travail et si cette dernière peut être protégée par une clause de droit acquis prévue à une convention collective.

À titre d’illustration, dans l’affaire Société des alcools du Québec1, le grief contestant la décision de l’employeur de ne plus offrir de cadeaux de Noël a été rejeté. L’arbitre Foisy a conclu que le cadeau de Noël annuel offert par l’employeur, soit une carte-cadeau de cinquante dollars (50 $), ne pouvait constituer un droit acquis, puisque celui-ci avait toujours été traité comme une « gratification discrétionnaire ».

L’arbitre Foisy expliquait ainsi que le cadeau de Noël en cause constituait un avantage et non un droit acquis pour les motifs qui suivent :

Dans ces circonstances je ne peux conclure que l’employeur a reconnu un avantage, un droit acquis à ses employés de recevoir un cadeau de Noël. À mon avis l’employeur à chaque année exerçait une discrétion découlant de ses droits de gérance. Il pouvait à chaque année modifier le montant, la forme et l’éligibilité des récipiendaires. Il aurait pu décider de ne pas l’accorder comme il l’a fait pour 2010 ou encore en 2004. On ne peut donc, comme le prétend le syndicat parler d’un avantage ou privilège reconnu. En fait l’avantage était limité dans le temps. Il naissait dans la résolution du comité de direction et il s’éteignait à la remise du cadeau2. [Nos soulignés]

À l’inverse, dans les affaires Caisse populaire de Verdun3 et Croustilles Yum Yum Inc.4, les tribunaux d’arbitrage ont déterminé qu’un boni ou cadeau de Noël constituait une condition de travail protégée par une clause de droits acquis prévue à la convention collective. Le libellé et la portée de la clause de droits acquis de même que la preuve déposée deviennent alors des éléments incontournables à la solution du litige.

À titre d’exemple, dans l’affaire Caisse populaire de Verdun, l’arbitre Lussier a rejeté le grief contestant le non-octroi d’un boni de Noël par l’employeur malgré qu’il soit d’avis qu’il s’agisse d’une condition de travail protégée. La convention collective permettant la modification de toute condition de travail pour un motif raisonnable, l’arbitre Lussier a conclu que les difficultés financières de la caisse populaire constituaient un tel motif5.

3. Conclusion

L’octroi de bonis ou de cadeaux durant le temps des Fêtes est certes un geste délicat de la part d’un employeur et fortement apprécié des employés. Il permet bien souvent de créer un certain sentiment d’appartenance et un effet rassembleur en ce temps spécial de l’année. Ses effets bénéfiques ne sont pas négligeables au niveau de la gestion des ressources humaines. Toutefois, une attention particulière doit être apportée afin que cette générosité ne devienne pas un engagement irrévocable de la part d’un employeur et que le geste demeure une gratitude et non une obligation.


1 Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec c. Société des alcools du Québec, SA 12-11003 (Claude H. Foisy, arbitre.
2 Précité note 1, au par. 40.
3 Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 57 c. Caisse populaire de Verdun, D.T.E. 95T-1419 (Jean-Pierre Lussier, arbitre).
4 Syndicat des travailleurs de Yum Yum c. Croustilles Yum Yum Inc., D.T.E. 88T-210 (Gaston Brazeau, arbitre).
5 Précité note 3, aux p. 7 et ss.

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