Violence physique et verbale par un enseignant peut entraîner son congédiement

Les enseignants doivent adopter un comportement exemplaire qui représente les valeurs de respect des droits auprès de leurs élèves. Bien que cela soit généralement admis, il demeure difficile pour une Commission scolaire de déterminer si des écarts de comportement peuvent justifier une mesure disciplinaire importante, voire un congédiement. C’est la question qui s’est posée récemment dans l’affaire Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission scolaire Marie-Victorin1. Dans cette sentence, l’arbitre Gilles Ferland rejette le grief du Syndicat de l’enseignement de Champlain (« le Syndicat ») contestant le congédiement d’un enseignant de quatrième année du primaire ayant 30 ans de service. 

Les faits 

Le 3 févier 2014, la Commission scolaire Marie-Victorin (« la Commission ») fait parvenir à l’enseignant un avis de résiliation de son contrat d’engagement. Elle lui reproche son inconduite, son immoralité et sa négligence. En effet, la preuve révèle notamment que l’enseignant a posé les gestes suivants : 

  • Il a pris le bras et serré le bras de certains élèves afin qu’ils se rendent dans le corridor;
  • Il a donné des coups de pied amortis dans le ventre d’un élève pour qu’il se déplace;
  • Il a lancé des chaussures au niveau du ventre d’un élève;
  • Il a jeté le sac d’école d’un élève dans le corridor;
  • Il a appelé un élève « le petit gros » et un autre « le petit roux »;
  • Il a utilisé un ton tellement ferme lors d’une rencontre avec un élève et ses parents lors de la remise du bulletin que l’élève s’est mis à pleurer. 

Ces actes posés par le plaignant ont même, dans certains cas, entraîné le déclenchement d’une enquête de la DPJ ainsi que le dépôt d’accusations criminelles pour lesquelles il a été déclaré coupable à la suite d’un plaidoyer de culpabilité et a été absous inconditionnellement: 

Dans son grief, le Syndicat invoque principalement que les raisons invoquées par l’employeur ne sont pas des causes bien fondées ou suffisantes de congédiement. Le Syndicat fait également valoir que les antécédents judiciaires de l’enseignant ne permettent pas de mettre un terme à l’emploi du plaignant en raison de la protection offerte par l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne. Plus particulièrement, le Syndicat plaide que l’absolution inconditionnelle est l’équivalent d’un pardon et que les antécédents de l’enseignant, bien qu’ils soient en lien avec son emploi, ne peuvent lui être opposés. 

La décision 

Dans un premier temps, l’arbitre Gilles Ferland conclut ce qui suit quant à chacun des incidents prouvés par la Commission. 

D’abord, la force physique « ne constitue pas un moyen approprié pour aider [ses] élèves à comprendre et à respecter les droits de la personne »2. L’Enseignant a agi avec force entre autres à l’égard d’un élève qui lui-même avait démontré des signes de violence en bousculant des camarades de classe. Clairement, l’utilisation de la force physique par l’enseignant à l’encontre de cet élève se trouve aux antipodes du modèle qu’il devrait incarner à cet égard. 

Ensuite, l’enseignant a porté atteinte à la dignité des élèves lorsqu’il les a traités de « petit gros » et de « petit roux ». En fait, constatant l’utilisation de telles expressions par les élèves, l’Enseignant devrait leur expliquer que l’utilisation de telles expressions est inadmissible, plutôt que les utiliser lui-même pour s’adresser à eux. Par ailleurs, en ce qui concerne le « ton ferme » utilisé lors de la remise de bulletin, l’arbitre ne retient pas de faute à cet égard. 

Dans un second temps, l’arbitre Ferland évalue si, en l’espèce, le congédiement était une mesure appropriée. 

Il précise d’emblée qu’en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne3, l’employeur n’aurait pu congédier l’enseignant seulement sur la base des actes pour lesquels il a été absous inconditionnellement à la suite d’accusations criminelles. 

Cependant, la preuve révèle que la décision fut prise en considérant d’autres incidents qui ne sont pas qu’un simple prétexte. 

C’est donc l’accumulation de plusieurs actes de cette nature sur une période de 14 mois qui permet de conclure à un comportement inadéquat généralisé qui justifie le congédiement. 

De plus, l’enseignant refuse de reconnaître la réalité et il n’exprime aucun regret envers ses agissements passés. 

Tout cela conduit au bris irrémédiable du lien de confiance entre l’enseignant et la Commission. 

Commentaire 

Somme toute, cette affaire illustre à nouveau l’importance du « modèle » que doit être tout enseignant ainsi que le caractère inadmissible de l’utilisation de la force ou d’expressions inappropriées par un enseignant. En effet, l’arbitre Ferland indique dans sa sentence que l’occupation du poste d’enseignant est un facteur aggravant puisque « tout enseignant a le devoir d’avoir un comportement qui, règle générale, soit irréprochable sur le plan de la conduite »4. Il convient donc de considérer cet élément lorsque vient le temps d’imposer une sanction à un enseignant qui fait preuve d’inconduite. Rappelons toutefois qu’un incident isolé, même impliquant l’utilisation de force physique, bien que constituant une faute, ne justifierait pas dans tous les cas un congédiement selon l’arbitre Ferland. 

Écrit en collaboration avec Georges Samoisette Fournier, stagiaire


1 Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission scolaire Marie-Victorin, arbitre Gilles Ferland, Tribunal d’arbitrage, dossier SAE 9045.
2 supra note 1, par. 256.
3 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art. 18.2.
4 supra note 1, par. 305.

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