Vente internationale de marchandises : appliquez-vous le bon droit?

Une entreprise québécoise vend des marchandises à un acheteur aux États-Unis et le contrat contient une clause rendant le droit québécois applicable. Un litige survient entre les parties, l’acheteur se plaignant de la mauvaise qualité de la marchandise vendue et refusant de payer le prix convenu, au grand mécontentement du vendeur. 

Quelles sont les dispositions législatives applicables? De prime abord, on serait tenté de répondre qu’il faut regarder les articles 1726 et suivants du Code civil du Québec portant sur la garantie de qualité que doit offrir le vendeur à l’acheteur. 

Et, ce faisant, on risque fort de se tromper. En effet, dès qu’il s’agit d’une vente internationale de marchandises, il faut tenir compte de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises qui a force de loi au pays, y compris au Québec1

En principe, cette Convention − qui a été ratifiée par la grande majorité des pays industrialisés (le Royaume-Uni étant l’exception la plus notable) − régit la vente internationale de marchandises intervenant entre des parties ayant leur établissement dans des États différents, lorsque ces derniers sont des États signataires. Ainsi, dans notre exemple, puisque le Canada et les États-Unis ont ratifié la Convention, ce sont en principe les dispositions de la Convention, et non pas celles du Code civil du Québec, qui établiront les règles applicables afin de trancher le litige (art. 1.1.a) de la Convention). 

Les dispositions de la Convention peuvent même être applicables lorsque la vente survient avec un contractant établi dans un État non signataire de la Convention, à la condition, en ce cas, que les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État signataire. Ainsi, pour reprendre notre exemple, si la vente était intervenue entre un vendeur québécois et un acheteur établi au Royaume-Uni, les dispositions de la Convention auraient quand même été applicables puisque, en raison de la clause prévue au contrat, les règles du droit international privé québécois auraient mené à l’application du droit québécois (art. 3111 C.c.Q.), endroit où la Convention est en vigueur (art. 1.1.b) de la Convention). 

Au niveau des transactions visées, soulignons que le champ d’application de la Convention est des plus étendus. La Convention s’applique à toutes les ventes internationales de marchandises, sous réserve de certaines exceptions de portée limitée. Ainsi, elle ne s’applique pas à l’achat de marchandises pour un usage personnel ou domestique, ni aux marchandises achetées à la suite d’une vente aux enchères ou en justice. Plus important, elle ne s’applique pas non plus aux ventes de valeurs mobilières, d’effets de commerces ou de monnaies, ni aux ventes de navires, bateaux ou aéronefs (art. 2 de la Convention). 

Quant à son contenu, la Convention contient plus d’une centaine d’articles qui couvrent la plupart des aspects d’une vente : la formation du contrat (art. 14 à 24); les obligations du vendeur et de l’acheteur (livraison, conformité, paiement du prix), et les recours dont les parties disposent en cas d’inexécution (art. 25 à 65), dont notamment des règles quant aux recours en dommages et en résolution de la vente (art. 74 et s. et art. 81 et s.). La Convention contient également des règles portant sur le transfert des risques (art. 66 et s.) et sur la conservation des marchandises lorsque cela est nécessaire, notamment en cas de litige (art. 85 et s.). 

Les dispositions de la Convention ne sont cependant pas impératives et les parties contractantes peuvent donc exclure son application, déroger à ses dispositions ou encore en modifier les effets (art. 6 de la Convention). Les entreprises qui ont souvent l’occasion d’effectuer des ventes internationales (que ce soit à titre de vendeur ou d’acheteur) devraient donc prendre le temps d’examiner les dispositions de la Convention et déterminer si elles ont intérêt à ce que celles-ci s’appliquent à leurs contrats de vente internationale ou s’il est préférable de les exclure, en tout ou en partie. 

Ce qu’il importe de retenir c’est que la Convention a pour vocation de régir un grand nombre de ventes par lesquelles les entreprises québécoises vendent ou achètent des biens de toutes sortes à l’étranger. Quand on songe à l’importance pratique du contrat de vente et au fait que la plupart des échanges commerciaux des entreprises québécoises surviennent avec des pays qui sont signataires de la Convention (États-Unis, Mexique, France, etc.), on ne peut qu’insister sur la nécessité de développer le réflexe de songer à sa possible application dès lors que survient une vente internationale. Un tel réflexe se révélera utile, en amont, lorsqu’il s’agira de négocier les modalités de la vente (veut-on que les dispositions de la Convention s’appliquent en tout ou en partie?) et aussi, en aval, lorsque, un litige s’élevant entre les parties, il faudra déterminer les règles applicables pour le trancher ou pour le régler. 

En somme, il s’agit de prendre conscience qu’en matière de ventes internationales, il faut appliquer le bon droit et que celui-ci ne se trouve pas nécessairement au Code civil du Québec ou dans les dispositions du droit étranger. On évitera peut-être ainsi de se retrouver dans la situation de ces parties qui plaidaient un appel en se fondant, de part et d’autre, sur les dispositions du Code civil du Québec, ne se rendant pas compte que les dispositions applicables étaient en fait celles de la Convention, comme leur a gentiment rappelé la Cour d’appel dans ses motifs2.


1 Loi concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, RLRQ c. C-67.01.
2 Mazetta Company llc c. Dégust-mer inc., 2011 QCCA 717.

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