Survol de la récente décision impliquant Gaspé Énergies

Récemment, dans une volumineuse décision élaborée en 87 pages, la Cour du Québec a infirmé une décision de révision de la part du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (ci-après le Ministre). Elle lui a retourné le dossier afin qu’il décide de la demande d’autorisation de forage exploratoire de Gaspé Énergies, ceci en tenant compte des motifs du jugement qui déclare inopérant l’article 23 du Règlement sur les activités d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures en milieu terrestre (ci-après le Règlement). La décision constate également l’insuffisance des motifs de la décision de révision du Ministre.

 

Contexte

Cette décision s’inscrit dans le cadre du projet Galt : un projet de production de pétrole léger se trouvant sur un territoire forestier situé à environ 20 kilomètres de la Ville de Gaspé. Le 7 octobre 2020, Gaspé Énergies obtenait d’une société sœur une licence de recherche de pétrole et de gaz naturel par cession autorisée par le Ministre. Le 25 février 2020, Gaspé Énergies déposait auprès du Ministre une demande de forage exploratoire en milieu terrestre conformément au Règlement. Entre les mois de mai et juillet 2020, Gaspé Énergies déposait, au soutien de sa demande d’autorisation adressée au Ministre, plusieurs documents dont une étude technico-environnementale analysant entre autres les contraintes environnementales, les mesures d’atténuation proposées et les risques résiduels faibles identifiés. Il est important de souligner qu’il s’agit de la première demande de ce type en vertu de la nouvelle Loi sur les hydrocarbures.

Au regard de l’étude technico-environnementale jugée complète et satisfaisante, deux notes sous-ministérielles ont recommandé d’accorder l’autorisation. Au surplus, les ingénieurs, les conseillers et la directrice du Bureau des hydrocarbures, de même que la Direction générale des hydrocarbures et des biocombustibles, ont recommandé unanimement d’accorder l’autorisation. Toutefois, des considérations politiques ont émergé du cabinet du Ministre à l’aube de rendre la décision. En effet, à ce moment, le gouvernement se positionnait pour faire du Québec une référence dans le domaine des énergies renouvelables et de l’électrification en se dotant d’un Plan pour une économie verte.

Le 13 octobre 2020, dans une courte lettre, le Ministre a refusé d’accorder l’autorisation à Gaspé Énergies sur le fondement de l’article 23 du Règlement, pour le motif qu’il demeure des risques quant à l’intégrité et la conservation du milieu hydrique. Le 20 octobre 2020, dans une autre correspondance, le Ministre a rejeté la demande de révision de Gaspé Énergies en se contentant de réitérer les motifs énoncés dans la première lettre. Le 29 octobre, une demande introductive d’instance en contestation de la décision en révision rendue par le Ministre était déposée à la Cour du Québec.

 

Décision

Il s’agit de la première occasion pour un tribunal de se prononcer sur le processus suivi par le Ministre dans la mise en œuvre de la Loi sur les hydrocarbures. Alors que nous pouvions penser que la Cour du Québec statuerait sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre, le tribunal a plutôt invalidé la décision du Ministre car le Règlement n’a pas été édicté selon les prescriptions de la Loi sur les règlements. En effet, le Règlement n’a pas été publié à la Gazette officielle du Québec préalablement à son adoption, ce qui le rend inopérant et inopposable. Par conséquent, la décision du Ministre est invalide étant donné qu’elle s’appuie sur un article inopérant.

Cette décision est, par ailleurs, intéressante en ce qui concerne l’obligation de motivation qui incombe au Ministre lorsqu’il rend une décision défavorable à un administré. Dans un contexte où, notamment, des notions techniques et scientifiques complexes sont en jeu et où l’administré a engagé des efforts et des frais substantiels dans le processus, le Ministre se doit d’exposer clairement les motifs de sa décision. En l’occurrence, la Cour du Québec juge que le Ministre n’a pas suffisamment motivé sa décision. Tel que mentionné ci-haut, le Ministre s’est contenté de refuser la demande en indiquant qu’il subsiste des risques quant à l’intégrité et la conservation du milieu hydrique. Or, l’administré pouvait s’attendre à ce que le Ministre réfute le contenu de son étude technico-environnementale en précisant notamment les risques subsistants, leur importance, la façon d’y suppléer et les normes qui ont été appliquées dans la prise de décision. À tout événement, le libellé de la décision ne permet pas à Gaspé Énergies de comprendre pourquoi la demande a été refusée, ni quelles modifications ou vérifications supplémentaires pourraient être effectuées afin d’obtenir l’autorisation convoitée.

Puisqu’elle conclut que la décision du Ministre est basée sur un article inopérant et qu’elle n’est pas suffisamment motivée, la Cour du Québec juge impertinent d’analyser les autres arguments soumis par Gaspé Énergies.

 

Conclusion

Il sera très intéressant de garder un œil sur la réponse du gouvernement concernant cette décision qui lui est défavorable. En septembre dernier, le gouvernement a déclaré qu’il étudiait l’option de mettre définitivement fin à l’exploration et l’exploitation gazière et pétrolière au Québec. Qu’adviendra-t-il de la demande de Gaspé Énergies? Aussi, est-ce qu’une modification législative ou réglementaire surviendra prochainement? Beaucoup de questions restent sans réponse pour l’instant.

Pour conclure, rappelons que Ressources Québec inc., une filiale d’Investissement Québec, a acquis en 2017, et possède toujours, 17 % des intérêts dans le projet Galt.

Pour consulter l’ensemble de la décision : Gaspé Énergies inc. c. Ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, 2021 QCCQ 11747.

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