Service aux élèves handicapés

La Cour suprême considère discriminatoire la fermeture d’un service aux élèves handicapés dans une commission scolaire de la Colombie-Britannique.

Le 9 novembre 2012, la Cour suprême du Canada rendait jugement dans l’affaire Moore c. Colombie-Britannique (Éducation)1, reconnaissant que l’élève Jeffrey Moore avait été victime de discrimination de la part de sa commission scolaire (Board of Education) en raison de son handicap (dyslexie).

Il ne s’agissait pas ici d’un litige concernant la décision d’intégrer ou non un élève handicapé en classe régulière, mais plutôt de la décision d’une commission scolaire de cesser d’offrir l’un de ses services spécialisés en raison de contraintes budgétaires affectant l’ensemble de l’organisation.

Tout comme le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, le plus haut tribunal du pays considère que la Commission scolaire n’a pas fait la démonstration de la nécessité de fermer le « Centre de diagnostic » qui lui permettait d’offrir au jeune Moore les services lui assurant une place au sein de la commission scolaire. Selon le jugement rédigé par la juge Abella (auquel souscrivent l’ensemble des huit autres juges de la Cour), les compressions identifiées par la commission scolaire ont visé de manière disproportionnée les programmes destinés aux élèves ayant des besoins spéciaux et l’organisation aurait dû au moins se demander quelles auraient pu être les autres avenues à envisager, notamment les autres programmes qui auraient pu être abandonnés, pour pouvoir maintenir les services aux élèves handicapés.

Après avoir observé que la commission scolaire avait réussi, à travers les compressions budgétaires, à maintenir des programmes discrétionnaires comme « l’école en plein air », un centre où les élèves recevaient de l’enseignement sur la collectivité et l’environnement dans un contexte de plein air, malgré que l’exploitation d’un tel centre engendrait des coûts similaires au programme aboli et dont bénéficiait auparavant Moore, la Cour reprend les propos suivants de la juge du Tribunal des droits de la personne :

« Sans minimiser la valeur pédagogique de l’école en plein air, de tels projets spécialisés et discrétionnaires ne peuvent être comparés aux mesures d’adaptation nécessaires pour rendre le programme de base accessible aux élèves ayant des trouble d’apprentissage sévères. »2

La juge Abella note également que la commission scolaire n’avait procédé à aucune évaluation, financière ou autre, des solutions de rechange qui existaient ou « auraient pu raisonnablement être trouvées pour répondre aux besoins des élèves ayant des besoins spéciaux si la décision de fermer le Centre de diagnostic était prise ».3

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Cour refuse de considérer que la province de la Colombie-Britannique soit responsable de la conduite discriminatoire de la commission scolaire. Il faut en comprendre que si la commission scolaire avait réussi à démontrer qu’il n’existait pas d’autres possibilités pour elle que de couper dans les services dont le jeune Moore avait tant besoin, et qu’elle n’avait pas le choix vu le sous-financement accordé par l’état provincial, la responsabilité aurait pu en incomber à ce gouvernement.

En conclusion, le tribunal a accordé à la famille Moore le remboursement des frais de scolarité versés pour que leur enfant fréquente une école privée jusqu’à la fin de son secondaire, la moitié des frais de transport engagés pour le conduire à cette école ainsi qu’une somme de 10 000 $ pour dommages moraux.

Il s’agit évidemment d’une décision d’une importance significative pour les commissions scolaires à travers l’ensemble du pays dans le cadre des analyses financières qu’elles doivent inévitablement faire chaque année pour respecter les contraintes budgétaires qui leur sont de plus en plus souvent imposées.


1 2012 CSC 61
2 Paragr. 51 de l’arrêt
3 Paragr. 52 de l’arrêt