De nombreuses personnes voient leur capacité d’exécuter leurs obligations contractuelles sérieusement compromise depuis l’éclosion de la pandémie de la COVID-19. Dans certaines circonstances, une personne qui n’exécuterait pas son contrat pour des motifs liés à la pandémie (ou aux mesures prises par les pouvoirs publics pour la contenir) pourrait échapper à leur responsabilité civile contractuelle au motif de force majeure. Ce ne sera toutefois pas toujours le cas.
Un cas potentiel de force majeure
Le Code civil du Québec prévoit que la force majeure libère les parties de leurs obligations et qu’une partie qui n’exécute pas ses obligations contractuelles en raison d’une force majeure n’engage donc pas sa responsabilité, sauf convention contraire (art. 1470 et 1693 C.c.Q.).
En droit civil, la force majeure désigne tout événement qui est à la fois imprévisible et irrésistible, c’est-à-dire un événement qui est hors du contrôle des parties, qui ne pouvait être prévu ou évité et qui a pour effet d’empêcher l’une d’elles d’exécuter ses obligations.
La pandémie de la COVID-19 est un événement d’une telle ampleur et d’une telle rareté qu’il pourrait être qualifié d’imprévisible. Notons toutefois que pour qu’il y ait force majeure, l’événement devait être imprévisible au moment de la formation du contrat. En conséquence, la pandémie ou les mesures prises par les pouvoirs publics pour la contenir ne seraient pas imprévisibles pour les parties à des contrats conclus depuis le début de la crise.
Par ailleurs, une analyse individuelle est requise afin de déterminer si, dans une situation donnée, la pandémie est un événement irrésistible, c’est-à-dire un événement : (1) qui ne pouvait pas être évité; et (2) qui a rendu l’exécution du contrat absolument impossible.
Pour que la pandémie de la COVID-19 constitue une force majeure, il faut que la partie n’ait pas pu en éviter les conséquences, même en agissant avec toute la prudence et la diligence requises. Or, ce ne sera pas toujours le cas. En effet, dans certaines circonstances les conséquences de la pandémie de la COVID-19 sur la capacité d’une partie à exécuter son contrat auraient pu être évitées. On peut penser, par exemple, à la personne qui a choisi de se rendre en vacances en Italie, à une époque où le gouvernement avait déjà fortement déconseillé d’y séjourner et qui se serait retrouvée en quarantaine à son retour. Pour cette personne, la pandémie, et la mise en quarantaine qui en découle, ne constitueraient probablement pas une force majeure.
Ensuite, la pandémie de la COVID-19 constituera une force majeure si elle a rendu l’exécution du contrat absolument impossible. Il ne suffit pas démontrer que l’exécution du contrat est devenue beaucoup plus difficile ou plus onéreuse. S’il demeure possible, quoique beaucoup plus difficile pour la partie d’exécuter le contrat, elle ne pourra pas échapper à sa responsabilité civile au motif de force majeure.
En effet, la survenance d’un changement de circonstances imprévu ayant pour effet de rendre l’exécution du contrat plus onéreuse, mais non impossible, ne relève pas de la force majeure, mais plutôt de la théorie de l’imprévision. Or, rappelons que cette théorie n’est pas admise en droit québécois1.
En somme, seule une analyse des circonstances particulières de chaque cas permettra de déterminer si la pandémie de la COVID-19 ou les mesures prises par le gouvernement pour la contenir constituent un cas de force majeure qui libère les parties de leurs obligations contractuelles.
Dans tous les cas, une lecture du contrat s’impose puisque celui-ci peut prévoir des dispositions applicables en cas de force majeure.
La clause de force majeure
Les parties à un contrat peuvent définir quels événements constitueront, ou non, un cas de force majeure et/ou quelles seront les conséquences de la force majeure sur leurs responsabilités respectives. Les clauses de ce type portent le vocable de « clauses de force majeure ».
Ces clauses comportent généralement une énumération (limitative ou non) des événements qui constitueront (ou non) des cas de force majeure (conflits de travail, guerres, attentats terroristes, épidémies, etc.). Ces clauses peuvent étendre ou restreindre la notion de force majeure, telle que définie en droit civil.
Les clauses de force majeure peuvent aussi modifier les effets d’un événement de force majeure (qu’il s’agisse d’un terme défini ou non) sur leur responsabilité respective. Par exemple, les parties peuvent convenir qu’une partie sera tenue d’indemniser l’autre pour toute inexécution de ses obligations, même celle qui résulte d’une force majeure. Ou encore, elles peuvent avoir convenu que la force majeure ne libère pas la partie de ses obligations, mais qu’elle en suspend l’exigibilité.
Notons en outre que les clauses de force majeure prévoient souvent une procédure d’avis qui doit être suivie afin de permettre au débiteur d’en invoquer le bénéfice.
Une analyse de chaque contrat s’impose afin de déterminer s’il permet à une partie de soutenir que la pandémie de la COVID-19 constitue un événement de force majeure qui a pour effet de la libérer de ses obligations.
La gestion du risque par l’inclusion d’une clause de force majeure
Dans le contexte qui prévaut actuellement, les parties à un contrat devront réviser attentivement les clauses qu’il contient en regard de la force majeure afin de déterminer l’étendue de leurs droits, obligations et responsabilités malgré le contexte actuel et toute croyance populaire quant aux conséquences des événements en présence.
Dans le futur et dans le cadre de la conclusion de nouvelles ententes, il serait prudent de prévoir de nouvelles clauses de force majeure adaptées à la nouvelle réalité, pouvant aller jusqu’à déterminer contractuellement qui assumera le risque d’inexécution d’un contrat lié à la pandémie de la COVID-19 (ou des mesures que pourraient prendre les autorités publiques pour la contenir).
1 Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, [2018] 3 R.C.S. 101.