L’exercice fautif de l’autorité parentale peut-il être générateur de responsabilité civile? Oui, mais…

26 novembre 2024

Le présent article constitue une version modifiée d’un commentaire initialement paru aux Éditions Yvon Blais en septembre 2024 (EYB2024REP3787).

Le législateur québécois n’a pas, à ce jour, écarté le recours en responsabilité civile en matière d’exercice de l’autorité parentale. Le récent arrêt Droit de la famille – 24915 dresse un portrait détaillé de la nature et des limites de ce recours, tout en explorant la notion d’« aliénation parentale ».

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Dans cette affaire, une mère a saisi la Cour supérieure d’une demande-intérêts, soutenant que la rupture définitive du lien avec son fils était due aux comportements aliénants du père.

La juge de première instance a retenu la responsabilité du père, jugeant qu’il avait exercé l’autorité parentale unilatéralement, renforçant l’opposition du fils envers sa mère, et a conclu à l’existence d’aliénation parentale.

La Cour d’appel (la « Cour ») souligne l’importance de placer l’intérêt de l’enfant au centre de l’analyse, affirmant que la réparation d’un préjudice ne doit pas compromettre la dynamique familiale. Elle a conclu que la juge de première instance avait erré en attribuant au père la dégradation des liens entre la mère et l’enfant, alors que celle-ci était en réalité le fruit d’une dynamique familiale complexe et nuancée.

Bien qu’elle ait reconnu l’existence du recours en responsabilité civile en matière d’aliénation parentale, la Cour a conclu que la situation des parties ne rencontrait pas le seuil constitutif de la faute dans ce cadre.

La Cour est d’avis que la faute doit être établie par une preuve claire de comportements répétés et systématiques visant à altérer la perception de l’enfant envers l’autre parent sans justification, menant à une rupture définitive de la relation.

Une condamnation devra être réservée à des cas clairs et exceptionnels, où la rupture de la relation parent-enfant résulte directement et exclusivement des actions délibérées du parent « aliénant », visant à nuire à l’intérêt de l’enfant. Cet imposant fardeau de preuve vise à éviter que la responsabilité civile ne devienne un moyen de réguler la parentalité.

Commentaire : L’exercice de l’autorité parentale requiert énormément de dévotion, de bienveillance et de collaboration. Ce concept juridique réfère à une notion campée dans la sphère privée et intime qu’est la famille. Dans certaines situations, l’autorité parentale revêt un caractère d’intérêt public lorsqu’il devient nécessaire d’intervenir pour le bien de l’enfant.

La décision à l’étude explore et reconnaît la notion d’« aliénation parentale », qui est déjà largement utilisée dans le langage des tribunaux. En effet, plusieurs milliers de décisions y font référence, dans des contextes variés. Cette pratique est toutefois remise en question par divers intervenants du milieu de la justice et du soutien aux femmes. Parmi les préoccupations soulevées, on mentionne quun parent (généralement la mère) pourrait sabstenir de dénoncer une situation de violence par crainte dêtre qualifié d« aliénant » par lautre parent. L’usage de ce concept, bien que répandu, demeure donc controversé.

La Cour d’appel ne s’inscrit pas en faux contre l’usage de la notion d’aliénation parentale en droit québécois. Cette notion possède des assises juridiques et permet de nommer une pratique familiale malsaine, voire toxique. La Cour précise que le contexte d’une action en responsabilité civile n’est pas l’occasion de débattre du rôle, des limites et de l’application de cette notion, qui relève plutôt des tribunaux québécois en droit familial.