La troisième semaine de vacances depuis les modifications à la Loi sur les normes du travail : dénouement d’une saga jurisprudentielle

16 mars 2021

En début d’année 2021, l’arbitre Me Nathalie Massicotte rend une décision1 qui se positionne avec fermeté dans le débat jurisprudentiel entourant le paiement des vacances à la suite de la plus récente modification de la Loi sur les normes du travail (la « LNT »).

En effet, le 12 juin 2018, l’Assemblée nationale du Québec adopte le projet de loi 176 modifiant la LNT qui instaure de nombreux changements à cette loi, notamment à son article 69, et qui a réduit à trois (3) plutôt que cinq (5) le nombre d’années de service requis pour avoir droit à une troisième (3e) semaine de vacances. Ce changement législatif est entré en vigueur à compter du 1er janvier 2019.

Ainsi, après les modifications, le libellé de l’article 69 de la LNT prévoit ce qui suit :

69. Un salarié qui, à la fin d’une année de référence, justifie de trois ans de service continu chez le même employeur, a droit à un congé annuel d’une durée minimale de trois semaines continues.

Depuis cette modification à la LNT, un débat subsiste concernant l’application des modifications apportées à l’article 69 et celui-ci fait d’ailleurs l’objet d’une jurisprudence arbitrale divisée. À cet égard, les positions dans ce débat se résument à celles soutenues par chacune des parties.

La position du syndicat2

Par son grief, le syndicat est d’avis que la modification législative qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 est d’application « immédiate » et fait en sorte que les salariés qui comptaient trois (3) ans de service continu en date du 1er janvier 2019 ont droit à une troisième (3e) semaine de vacances immédiatement, dès le 1er janvier 2019, sans devoir attendre la fin de l’année de référence.

La position de l’employeur3

L’employeur est plutôt d’avis que la modification apportée à l’article 69 de la LNT se rapporte à l’année de référence qui prend fin après le 1er janvier 2019. Si l’année de référence est du 1er mai au 30 avril, le droit à la troisième (3e) semaine de vacances pour les salariés justifiant trois (3) années de service continu au 30 avril 2019 est acquis uniquement à compter du 1er mai 2019, soit à la fin de l’année de référence.

La décision de l’arbitre Nathalie Massicotte

Dans son analyse, l’arbitre Massicotte revient d’abord sur le concept d’« année de référence », lequel permet d’établir le droit aux vacances d’un salarié. L’arbitre précise qu’il s’agit d’une notion fondamentale dans la détermination du moment où ce droit à de telles vacances se concrétise.

L’arbitre poursuit son analyse en indiquant que les articles 68 et 69 de la LNT confirment que ce n’est qu’une fois l’année de référence complétée que le salarié a droit à deux (2) ou trois (3) semaines de vacances selon qu’il justifie d’un an ou de trois ans de service continu.

L’arbitre abonde en faveur des arguments soulevés par l’employeur et conclut que la modification à la LNT a effectivement étendu le droit au congé annuel, mais sans pour autant modifier la mécanique d’acquisition du droit aux vacances découlant de la notion de l’année de référence ni préciser, de quelque façon que ce soit, que la méthode de calcul doit être modifiée pour réévaluer le nombre de semaines de vacances d’un salarié.

Espérons que cette décision va mettre fin à la controverse jurisprudentielle qui subsiste depuis l’entrée en vigueur de cette modification.

Notre équipe de droit du travail et de l’emploi s’efforce de suivre régulièrement les modifications aux différentes lois applicables afin de mettre à jour sa clientèle sur ses obligations.

N’hésitez pas à nous contacter afin de recevoir nos conseils sur l’effet de telles modifications sur votre personnel.

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1 Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, tabac et meunerie (SITTBCTM), section locale 350-T c. Hershey’s Canada inc., arbitre Nathalie Massicotte, 2021 QCTA 10.
2 Le syndicat appuie ses prétentions sur le courant jurisprudentiel suivant : Emballages Mitchell-Lincoln inc. et Syndicat international des travailleuses et travailleurs de la boulangerie, confiserie, tabac et meunière, section local 55, arbitre Pierre Georges Roy,2019 QCTA 536; Teamsters Québec, local 1999 et Services sanitaires Rodrigue Bonneau inc., arbitre Carol Girard,2020 QCTA 260.
3 L’employeur appuie ses prétentions sur le courant jurisprudentiel suivant : Unifor, section locale 2022 c. Viterra inc., arbitre Andrée St-Georges, 2021 QCTA 40; Unifor, section locale 728 et Paccar du Canada ltée, arbitre Nathalie Faucher, 2020 QCTA 117; Unifor, section locale 299 c. Lauzon-planchers de bois exclusifs inc. (site de St-Norbert), arbitre Yves Saint-André, 2020 QCTA 431.