En cas de sinistre, le syndicat de copropriété peut-il poursuivre le copropriétaire responsable?

21 janvier 2020

Le présent article constitue une version modifiée d’un commentaire initialement paru aux Éditions Yvon Blais en décembre 2019 (EYB2019REP2875). 

La mise en demeure constitue l’ultime chance du débiteur de remédier à son défaut. L’omission du créancier de mettre en demeure son débiteur peut entraîner de lourdes conséquences, allant jusqu’au rejet de son action. 

Outre les principes généraux qui régissent la recevabilité d’une action en justice, certaines obligations particulières telles que la présentation préalable d’une réclamation à l’assureur incombent au syndicat de copropriété qui souhaite intenter une action en justice contre l’un de ses copropriétaires. 

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Dans l’arrêt Syndicat des copropriétaires du condominium Verrières VI c. Maddalon1, le Syndicat de copropriété n’avait pas mis les défendeurs en demeure en temps opportun et aucune réclamation n’avait été effectuée à l’assureur de l’immeuble. 

Le syndicat réclamait aux copropriétaires une réparation des suites d’une fuite d’eau survenue dans la salle de bain de leur unité causant ainsi un sinistre affectant plusieurs autres unités du Condominium Verrières VI. 

En première instance, la Cour supérieure a considéré que la connaissance du sinistre par les défendeurs ne libérait pas le Syndicat de son obligation de leur envoyer une mise en demeure et que le manque de diligence du Syndicat à le faire avait privé ceux-ci d’une défense pleine et entière. 

Le tribunal a retenu également que le Syndicat aurait dû faire valoir ses droits à l’égard de l’assureur de l’immeuble. En omettant de le faire, il avait privé les défendeurs du bénéfice de la clause de renonciation à la subrogation contenue dans la police d’assurance souscrite par le Syndicat. Pour le juge, cette clause constituait un engagement implicite des copropriétaires à ne pas se poursuivre entre eux. 

La Cour d’appel conclut que le Syndicat ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et maintient la décision du juge de première instance. 

Commentaire : Cette décision survient près d’un an après l’entrée en vigueur des amendements apportés au régime du Code civil du Québec2 relatif aux immeubles détenus en copropriété divise. La Cour d’appel ne se penche pas sur l’interprétation des nouvelles dispositions, celles-ci n’étant pas en vigueur au moment des faits. Cet arrêt illustre néanmoins que les changements législatifs récemment apportés constituent, dans une large mesure, une codification de la jurisprudence préexistante. 

Au fil du temps, les tribunaux n’ont pas été unanimes quant à la possibilité de poursuivre un copropriétaire à l’origine d’un sinistre survenu dans l’immeuble qu’il habite. Un premier courant a permis au Syndicat de copropriété ou à son assureur de poursuivre le copropriétaire fautif3. Dans d’autres cas, on a jugé que les dispositions de la déclaration de copropriété devaient être interprétées comme excluant l’exercice d’un recours contre tout copropriétaire4

Cette situation est désormais régie par le deuxième alinéa du nouvel article 1074.1 C.c.Q., qui prévoit notamment que le syndicat qui ne se prévaut pas d’une assurance ne peut poursuivre [un copropriétaire] pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé.

De plus, les sommes engagées par le Syndicat pour le paiement de la franchise et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels le Syndicat a un intérêt assurable ne peuvent être récupérées auprès du copropriétaire que si ce dernier a commis une faute5.

Les nouvelles dispositions clarifient la situation en évitant aux tribunaux de devoir interpréter les dispositions particulières à chaque déclaration de copropriété pour déterminer si un recours à l’encontre des copropriétaires est possible. L’une des répercussions de la réforme sera certainement d’uniformiser la jurisprudence sur la question.

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Dans l’énoncé de ses motifs, le juge de première instance reproche au Syndicat de ne pas avoir contesté le refus d’indemniser de l’assureur, qu’il considère abusif et sommaire6. Si l’on suit ce raisonnement, ce n’est qu’au terme d’un jugement final confirmant l’absence de couverture d’assurance que le Syndicat aurait pu faire valoir ses droits à l’encontre des Maddalon-Molson.

Nous pouvons nous interroger à savoir si de telles démarches sont nécessaires lorsque la décision de l’assureur apparaît manifestement raisonnable et justifiée. Il appartiendra aux tribunaux d’établir les critères d’analyse qui permettront de déterminer si le Syndicat a agi avec diligence dans sa réclamation à son assureur.


* Les auteurs souhaitent remercier Kevin Anglehart, étudiant en droit, pour sa contribution.

1 2019 QCCA 1737, EYB 2019-321342.
2 Principalement l’ajout des articles 1074.1, 1074.2 et 1075.1 C.c.Q., adoptés le 13 juin 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi 141 intitulé Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières.
3 Vignoble (Condo) c. Gaudreau, 2019 QCCQ 7007, par. 31 (référant à Syndicat des copropriétaires des terrasses Lulli c. Fortin, REJB 2001-25554; Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire condo, phase III c. Gentex, EYB 2005-122896; Assurances générales des caisses Desjardins inc. c. Labelle, EYB 2003-40825; Montanarini c. Syndicat Le Bourg-le-Ponsardin, EYB 2005-92131).
4 Compagnie d’assurances Missisquoi c. Aviva Canada inc., 2018 QCCS 2760, EYB 2018-295918; Allianz Global Risks US Insurance Company c. Hemani, 2019 QCCQ 2656, EYB 2019-311729; GCAN Compagnie d'assurances c. Khalifeh, 2008 QCCQ 8518, EYB 2008-148608.
5 Ce principe est désormais codifié à l’article 1074.2 C.c.Q.
6 Syndicat des copropriétaires du condominium Verrières VI c. Maddalon, 2018 QCCS 2312, EYB 2018-294863, par. 82 et 93.