Introduction
Le projet de loi n° 68, intitulé Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins (la « Loi »), qui avait comme principal objectif la réduction du nombre de rendez-vous médicaux à valeur non ajoutée, a reçu la sanction du lieutenant-gouverneur le 9 octobre dernier.
La Loi prévoit des ajouts à la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée ainsi que des modifications à la Loi sur les normes du travail (la « L.n.t. »), lesquels constituent des changements notables dans la gestion de l’absentéisme et de l’invalidité d’une personne, tant par son employeur que son assureur.
Certaines de ces dispositions seront applicables dès le 1er janvier 2025, alors que d’autres entreront en vigueur à une date qui reste à déterminer. Cet article présente un survol des principaux changements apportés par la Loi.
Les changements affectant principalement les assureurs et les administrateurs de régimes d’avantages sociaux
Dans le présent contexte, le terme « assureur » s’entend d’un assureur autorisé au sens de la Loi sur les assureurs. L’expression « régime d’avantages sociaux », définie dans la Loi, s’entend d’un régime d’avantages sociaux non assurés, doté ou non d’un fonds, et qui accorde à l’égard d’un risque une protection qui pourrait être autrement obtenue en souscrivant une assurance de personnes.
A. INTERDICTION D'EXIGER LA RÉCEPTION D'UN SERVICE MÉDICAL POUR L'OBTENTION DE CERTAINS REMBOURSEMENTS
La Loi prévoit notamment que, sauf dans les cas et aux conditions qui seront déterminés par règlement du gouvernement, un assureur ou un administrateur de régime d’avantages sociaux ne pourra plus, même indirectement, exiger qu’un assuré, un adhérent ou un bénéficiaire reçoive un service médical pour obtenir :
- le remboursement ou le paiement du coût des services d’un intervenant du domaine de la santé ou des services sociaux;
- le remboursement ou le paiement du coût d’une aide technique.
La date d’entrée en vigueur de ces nouvelles normes n’est pas encore déterminée, mais il est prévu dans la Loi qu’elles entreront en vigueur à la même date que le premier règlement pris en vertu de l’article 29.1 de cette loi.
La Loi ne définit pas la notion de « service médical », le législateur souhaitant qu’elle soit interprétée de façon large et libérale afin d’inclure notamment les services de diagnostic, de prévention et de traitement.
Quant aux termes « intervenant du domaine de la santé ou des services sociaux », ils ont été préférés aux termes « professionnels de la santé » afin de ne pas restreindre cette disposition uniquement aux services des professionnels visés par le Code des professions. Ainsi, à titre d’exemple, les kinésiologues et les massothérapeutes seraient visés par cette disposition.
Finalement, la notion d’« aide technique » inclurait notamment les cannes, les bas de contention, les lunettes et les béquilles.
B. INTERDICTION DE DICTER LA FRÉQUENCE DES RENDEZ-VOUS MÉDICAUX
La Loi précise qu’aux fins du maintien du versement des prestations d’invalidité, un assureur ou un administrateur de régimes d’avantages sociaux ne pourra plus, même indirectement, exiger qu’un assuré, un adhérent ou un bénéficiaire reçoive un service médical à une fréquence prédéterminée différente de celle jugée appropriée par le médecin traitant de celui-ci. En d’autres termes, le médecin sera maître de la fréquence des suivis médicaux.
La Loi précise néanmoins qu’un règlement du gouvernement pourra déterminer les cas et les conditions auxquels il pourra être fait exception à cette règle.
Par ailleurs, cette obligation entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, lesquelles ne sont pas encore déterminées et ne pourront être antérieures au 9 avril 2025.
C. SANCTIONS PÉCUNIAIRES CONSIDÉRABLES EN CAS DE CONTRAVENTION À LA LOI
La Loi prévoit des sanctions administratives pécuniaires ainsi que des amendes pouvant aller jusqu’à 1 M$ dans le cas où l’assureur ou l’administrateur du régime d’avantages sociaux exigerait un service médical en contravention de ces nouvelles exigences.
D. PRÉSOMPTION DE CONTRAVENTION À LA LOI DANS CERTAINS CAS
En vertu de la Loi, si le contrat d’assurance, l’attestation d’assurance ou le régime d’avantages sociaux contient une clause permettant à l’assureur ou à l’administrateur de régime d’avantages sociaux d’exiger d’un assuré, d’un adhérent ou d’un bénéficiaire qu’il reçoive un service médical en contravention des nouvelles dispositions, cet assureur ou cet administrateur sera réputé avoir exigé un tel service.
La date d’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition n’est pas encore déterminée, mais ne pourra être antérieure au 9 octobre 2027, dans le but de permettre aux assureurs et aux administrateurs de régimes d’avantages sociaux de modifier les clauses contractuelles pertinentes et de les rendre conformes aux nouvelles normes.
E. UNIFORMISATION ET SIMPLIFICATION DES FORMULAIRES
Un règlement pourra être adopté afin de prévoir des restrictions quant aux renseignements de santé et de services sociaux qui pourront être demandés à un médecin par un tiers n’ayant pas reçu de service médical de sa part, ce qui inclurait à la fois les assureurs, les administrateurs de régimes d’avantages sociaux et les employeurs.
Ce règlement pourra également forcer l’utilisation d’un formulaire prédéfini.
Les changements affectant principalement les employeurs
Les modifications apportées à la L.n.t. viennent restreindre le droit des employeurs d’exiger, dans certaines situations, un document attestant des motifs de l’absence d’un salarié. Ces modifications législatives entreront en vigueur le 1er janvier 2025.
A. SALARIÉ ABSENT DURANT TROIS JOURS OU MOINS
La L.n.t. prévoit actuellement qu’un salarié doit aviser son employeur de son absence et des motifs de celle-ci, et ce, le plus tôt possible. L’employeur peut alors demander au salarié, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence ou au caractère répétitif de celle-ci, de lui fournir un document attestant ces motifs.
Toutefois, à compter du 1er janvier 2025, un employeur ne pourra plus demander ce document à un salarié, et ce, pour les trois premières périodes d’absence d’une durée de trois jours consécutifs ou moins, prises par période de 12 mois. Notons que le calcul de ces absences débute à compter de la première absence au cours d’une année, et non à compter du 1er janvier de chaque année.
B. SALARIÉ ABSENT POUR DES RAISONS PARENTALES OU FAMILIALES
La L.n.t. précise également qu’un salarié peut s’absenter du travail 10 jours par année pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé d’un membre de la famille ou d’une personne pour laquelle la personne salariée agit comme proche aidant.
Dans une telle situation, l’employeur peut demander au salarié, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence.
Cependant, à compter du 1er janvier 2025, l’employeur ne pourra plus exiger du salarié qu’il lui fournisse un certificat médical en guise de document attestant des motifs de son absence, et ce, indépendamment de la durée de l’absence.
Conclusion
L’entrée en vigueur des dispositions de la Loi aura des conséquences pratiques pour la gestion de l’absentéisme et des dossiers d’invalidité, tant par les employeurs que par les assureurs et les administrateurs de régimes d’avantages sociaux.
L’utilisation future d’un formulaire simplifié et uniformisé que les médecins seront appelés à remplir est à prévoir.
Par ailleurs, les employeurs devront ajuster leurs exigences relatives à la justification des absences de leurs salariés, et ce, afin d’éviter de contrevenir aux dispositions de la L.n.t.
Les assureurs et les administrateurs de régimes d’avantages sociaux devront, quant à eux, revoir leurs pratiques à l’égard des suivis médicaux qu’ils exigent de leurs assurés, adhérents et bénéficiaires. Au surplus, il sera impératif de revoir le contenu des clauses contractuelles pertinentes et de prévoir les modifications nécessaires afin d’éviter toute contravention aux nouvelles exigences en cette matière.