Le 15 mai 2023, la Chambre des communes adoptait le projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles, modifiant diverses lois fédérales, dont la Loi sur les langues officielles, et créant de nouveaux droits aux communautés francophones à travers le pays. Cet important projet de loi modernise la Loi sur les langues officielles, dont la dernière grande réforme remonte à plus de trente ans, et introduit la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.
Tous les partis représentés à la Chambre des communes s’étaient engagés, lors de la dernière campagne électorale, à moderniser la Loi sur les langues officielles, mais des dissidences au sein du gouvernement avaient remis en doute l’issue du vote. Contre toute attente, le projet de loi C-13 fut adopté à la quasi-majorité (300 votes favorables, 1 vote contre). De fortes pressions, notamment du gouvernement du Québec, ont incité le Sénat à adopter la pièce législative de manière expéditive avant l’ajournement de la session parlementaire. C’est ainsi que le projet de loi C-13 fut adopté par le Sénat, sans amendement, le 15 juin 2023. La sanction royale fut reçue le 20 juin 2023.
Loi sur les langues officielles
La Loi sur les langues officielles vise notamment à assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, à appuyer leur développement dans les communautés où elles sont minoritaires et à favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage de ces langues au sein de la société canadienne. Cette loi s’applique aux institutions fédérales, qui incluent notamment les institutions du Parlement, les tribunaux fédéraux, les ministères fédéraux, les sociétés d’État fédérales ainsi que divers autres organismes, et prévoit que ces institutions doivent être en mesure de fournir des services aux Canadiens – anglophones ou francophones – dans la langue de leur choix.
Les modifications apportées à la Loi sur les langues officielles par le projet de loi C-13 permettront notamment aux institutions fédérales de mettre en œuvre certaines mesures afin de promouvoir et d’appuyer l’apprentissage du français et de l’anglais au Canada, et d’assurer la présence d’institutions fortes qui desservent les minorités francophones et anglophones à travers le pays. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sera notamment tenu d’adopter une politique en matière d’immigration francophone. Parmi les changements adoptés, le gouvernement fédéral s’ajoute également une obligation de tenir compte de l’importance de l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles au moment de nommer les juges des cours supérieures, et prévoit désormais que la magistrature de la Cour suprême du Canada doit être en mesure de comprendre l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète. La loi permettra également au commissaire aux langues officielles d’infliger des sanctions administratives pécuniaires à certaines entreprises qui contreviennent à la partie IV de la loi, relative aux communications avec le public et la prestation de services.
Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale
Le projet de loi C-13 introduit également la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Cette loi prévoit notamment des droits et des obligations concernant l’usage du français en tant que langue de service et langue de travail relativement aux entreprises privées de compétence fédérale au Québec. Rappelons qu’en mars 2023, le gouvernement Trudeau avait conclu une entente avec le ministre de la Langue française du Québec selon laquelle Ottawa créera une loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, plutôt que d’appliquer la Charte de la langue française (la « Loi 101 ») à ces entreprises. Le projet de loi C-13 prévoit ainsi qu’une entreprise privée de compétence fédérale aura le choix de s’assujettir volontairement à la Loi 101 ou, à défaut, d’être régie par la loi fédérale. En pratique toutefois, la vaste majorité des dispositions contenues dans ces deux lois, relatives à la langue du travail, ne diffèrent que très peu.
En vertu de cette nouvelle loi fédérale, les employés d’une entreprise privée de compétence fédérale auront notamment le droit d’effectuer leur travail et d’être supervisés en français et de recevoir toute communication et toute documentation de l’entreprise en français (offres d’emploi, contrats de travail, documents de formation, etc.). Il est toutefois entendu que l’entreprise peut communiquer ou fournir de la documentation également en anglais ou dans toute langue autre que le français, pourvu que l’usage du français dans toute communication à large diffusion ou toute documentation soit au moins équivalent à celui de la langue autre que le français. La Loi 101, quant à elle, prévoit que l’entreprise provinciale ne peut communiquer par écrit avec un employé dans une autre langue que le français que lorsque ce dernier lui en a fait la demande.
Parmi les autres mesures instaurées par la loi fédérale, l’entreprise y étant assujettie sera tenue de démontrer que le fait d’exiger d’un employé la connaissance d’une langue autre que le français s’impose objectivement en raison de la nature du travail. Elle devra également établir un comité ayant pour mandat d’appuyer la haute direction dans la promotion et l’usage du français au sein de l’entreprise. Notons à cet égard que la loi fédérale rend ce comité obligatoire indistinctement de la taille de l’entreprise, tandis que la Loi 101 ne rend un tel comité obligatoire qu’aux entreprises employant cent personnes ou plus, à moins d’une ordonnance de l’Office québécois de la langue française.
Enfin, une distinction importante réside dans le fait que la loi fédérale, contrairement à la Loi 101, accorde un droit acquis à l’employé qui n’a pas une connaissance suffisante du français au moment de l’entrée en vigueur de la loi, et protège ce dernier de tout traitement défavorable.
Certains droits et obligations édictés par la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale s’appliqueront également, à une date ultérieure, dans des « régions à forte présence francophone », une notion qui sera éventuellement définie par règlement.
Conclusion
Notons que l’adoption du projet de loi C-13 ne constitue qu’une partie de la réforme du régime des langues officielles au Canada. Tout indique que le gouvernement mettra en branle le processus de prise de règlements servant à la mise en œuvre de certaines mesures phares. Parmi ceux-ci, un règlement viendra encadrer le nouveau régime applicable aux entreprises privées de compétence fédérale et un autre règlement est prévu pour baliser le nouveau pouvoir du commissaire aux langues officielles en ce qui a trait aux sanctions administratives pécuniaires.
Enfin, bien que le Sénat ait adopté le projet de loi sans amendement, son comité permanent sur les langues officielles a tout de même formulé des « observations ». Parmi celles-ci, soulignons que le comité invite la ministre des Langues officielles, la présidente du Conseil du Trésor et le commissaire aux langues officielles à surveiller de près les effets du projet de loi C-13, en accordant une attention particulière aux développements qui touchent les communautés anglophones du Québec, et à en faire rapport régulièrement, sans attendre l’examen de la loi prévu dans dix ans.
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