Responsabilité pénale de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail

Publié par notre équipe de droit du travail et de l’emploi.

Depuis le 1er juillet 2010, les employeurs reconnus coupables d’infractions en vertu des articles 236 et 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), peuvent se voir imposer d’importantes amendes, celles-ci ayant été multipliées jusqu’à six (6) fois! En effet, depuis janvier 2011, l’amende maximale pour une infraction à l’article 237 LSST est de 300 000 $.

Heureusement, la CSST a depuis apporté certaines modifications à ses façons d’agir, notamment en appliquant son nouveau cadre d’intervention en matière de prévention et d’inspection. Bien que l’impact soit parfois subtil comparativement aux pratiques passées, ce cadre a eu un certain impact sur les manières de faire de la CSST.

L’un des principaux objectifs de la CSST est de protéger la vie, la santé et l’intégrité physique des travailleurs. En établissant son nouveau cadre d’intervention, la CSST a tenté de revoir la manière dont les inspections sont conduites et les facteurs considérés afin de déterminer la pertinence de donner un constat d’infraction et le montant de l’amende réclamé.

Le cadre d’émission des constats d’infraction

Ce cadre est la pièce maîtresse des modifications apportées par la CSST en 2012. Elle avait aussi comme objectif, plus ou moins avoué, de rassurer les associations d’employeurs quant à l’approche que la CSST allait adopter dans l’utilisation d’amendes aussi sévères.

Cette politique – car il s’agit bien d’une politique et non d’un règlement ou d’une loi – définit le rôle des divers intervenants de la CSST. Par exemple, si le procureur de la CSST doit décider si la preuve est suffisante pour intenter une poursuite pénale, le directeur régional (aussi appelé le poursuivant) doit décider s’il est opportun de l’intenter. Une fois la poursuite intentée, en application des critères de la politique, c’est aussi le directeur régional, qui, dans le cadre de négociation entre les parties, doit décider de maintenir la poursuite ou non.

Pour exercer ce rôle, le directeur régional de la CSST doit considérer la preuve et les faits pertinents portés à son attention. Plusieurs critères sont retenus pour l’analyser :

  • la gravité de l’infraction;
  • les circonstances particulières d’une infraction;
  • l’historique du défendeur sur le plan des accidents du travail;
  • l’historique du défendeur en matière d’intervention des inspecteurs;
  • ses antécédents judiciaires;
  • la collaboration du défendeur;
  • la qualité de la gestion en santé et sécurité du travail avant l’infraction et l’intervention de la CSST;
  • la prise de mesures supplémentaires par le défendeur depuis l’infraction;

Les facteurs considérés par la CSST et la valeur qu’il accorde à chacun varient selon les circonstances de chaque cas, ce qui fait malheureusement dire à plusieurs que la CSST invoque souvent les critères qu’elle veut bien afin de rejeter une offre de règlement et de maintenir une accusation ou un montant d’amende réclamé.

Cette politique d’opportunité s’applique autant aux infractions commises sur les chantiers de construction qu’en établissement. 

Les moyens de défense

Évidemment, si la CSST juge nécessaire la poursuite pénale, l’entreprise doit décider si elle plaide coupable ou non coupable. Et tous les moyens de défense en matière pénale, notamment les arguments de chartes, peuvent être invoqués. En voici quelques-uns. 

  1. Invoquer l’absence de preuve que l’accusé est véritablement le maître d’œuvre, l’employeur ou un travailleur (lien d’emploi); 
  2. La présence d’un danger n’a pas été prouvée hors de tout doute raisonnable; 
  3. Démontrer que l’entreprise a rempli ses trois devoirs en matière de SST :
    • le devoir de prévoyance, à savoir l’identification des risques spécifiques à l’entreprise et de l’industrie dans laquelle elle évolue;
    • le devoir d’efficacité, qui consiste à mettre en place des mesures concrètes et efficaces de sécurité pour diminuer les risques et éliminer les dangers à la source. Ce devoir implique aussi de surveiller leur application par les travailleurs; 
    • le devoir d’autorité qui nécessite l’intervention immédiate de l’employeur lorsqu’il y a non-respect des règles de sécurité. Ce devoir implique l’imposition de mesures disciplinaires, si nécessaires. 
  4. Démontrer que la conduite du travailleur était tout à fait imprévisible, malgré les mesures prises; 
  5. Établir l’erreur de fait c’est-à-dire une situation qui, si elle avait vraiment existé, aurait rendu l’omission ou l’acte reproché innocent; 
  6. Démontrer un cas de force majeure ou d’impossibilité d’agir; 
  7. Invoquer l’erreur induite par un agent de l’État, tel un inspecteur de la CSST; 
  8. Invoquer des moyens procéduraux : le respect des délais jugés normaux en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, l’omission de la CSST de divulguer une preuve disculpatoire, etc.

Il reviendra à un juge de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, de décider de la culpabilité de l’entreprise et du montant de l’amende. 

Conclusion

Bien que le montant des amendes puisse représenter une difficulté supplémentaire pour les employeurs confrontés à des plaintes pénales liées à la prévention des accidents du travail, certaines avenues nouvelles sont maintenant disponibles afin d’éviter les rigueurs de la procédure pénale.

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