Prévention en milieu de travail : comment se préparer au régime intérimaire

La mise en place des changements et des nouveautés en matière de santé et de sécurité du travail, qui a débuté suivant l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et sécurité du travail1 (la « Loi ») le 6 octobre 2021, se fera de manière graduelle au cours des prochaines années. Elle s’établira définitivement au plus tard le 6 octobre 2025.

Pendant cette période, différentes dispositions de la Loi entreront en vigueur périodiquement, obligeant les employeurs et les autres acteurs de ce secteur à s’adapter constamment aux nouvelles obligations faisant maintenant partie intégrante des milieux de travail québécois.

Une date charnière sera le 6 avril 2022. Elle marquera l’implantation d’un régime intérimaire portant sur les mécanismes de prévention et de participation des travailleuses et des travailleurs. À compter de cette date, des changements majeurs devront avoir été apportés par une multitude d’employeurs provenant de secteurs d’activité jusqu’alors exempts de ces obligations. Nous vous proposons dans cet article un tour d’horizon des éléments primordiaux à considérer et à implanter avant le 6 avril 2022.

 

Mécanismes de prévention 

Programme de prévention

Alors que l’obligation de créer et d’appliquer un programme de prévention en entreprise incombait uniquement aux employeurs appartenant aux groupes prioritaires I, II et III2, elle sera bientôt étendue à l’ensemble des employeurs dont l’établissement compte 20 travailleurs et plus au cours d’une même année, incluant la main-d’œuvre prêtée ou louée. D’ici à ce que les dispositions réglementaires entourant la mise en place d’un programme de prévention entrent en vigueur, le législateur a prévu différentes mesures afin d’assurer une prise en charge rapide de cette obligation, tout en permettant une période de transition.

Ainsi, les établissements qui ont déjà l’obligation d’avoir un programme de prévention en place devront le conserver et le maintenir jusqu’à l’implantation finale du nouveau régime. Cependant, tous les autres employeurs dont un établissement compte au moins 20 travailleurs, quel que soit le groupe dont ils font partie, devront, d’ici le 6 avril 2022, consigner par écrit l’identification des risques présents dans leur milieu de travail et susceptibles d’affecter la santé et la sécurité de leurs travailleurs. Ils devront ensuite procéder à l’analyse de ces risques, c’est-à-dire évaluer leur importance et leur gravité, tout en considérant la probabilité de leur survenance, dans le but ultime de les prioriser et d’assurer un suivi adéquat.

Ces risques peuvent prendre différentes formes et varieront selon le secteur d’activité et le type d’entreprise. On peut toutefois les regrouper en six grandes catégories, soit les risques 1) chimiques, 2) biologiques, 3) physiques, 4) ergonomiques, 5) psychosociaux et 6) les risques liés à la sécurité. Notons particulièrement les risques psychosociaux qui constituent également une nouveauté dans la Loi et qui devront vraisemblablement être étudiés par l’ensemble des employeurs.

Plan d’action

Pour les employeurs dont l’établissement compte moins de 20 travailleurs, cette mesure prend plutôt la forme d’un « plan d’action ». L’étendue de l’obligation est moins importante, mais on doit consigner l’identification des risques. Pour l’instant, l’analyse de ceux-ci n’est pas requise, bien que rien n’empêche un employeur de l’effectuer.

 

Mécanismes de participation

Pour ce qui est des mécanismes de participation, c’est-à-dire les mesures permettant de favoriser l’implication et la collaboration des travailleurs dans l’élaboration et la gestion des mécanismes de prévention, seuls les employeurs des groupes prioritaires I et II devaient auparavant obligatoirement en tenir compte. Toutefois, lors de l’entrée en vigueur des dispositions législatives à cet effet, les employeurs québécois dans leur ensemble devront composer avec cette réalité, et ce, en fonction du nombre de travailleurs présents dans leur milieu de travail.

Comité de santé et de sécurité

Tous les employeurs dont un établissement compte au moins 20 travailleurs devront former un comité de santé et de sécurité, en plus de créer un programme de prévention. Le régime intérimaire applicable dès le 6 avril 2022 prévoit également cette obligation, dans une version allégée, avant l’entrée en vigueur du régime définitif.

L’objectif de ce comité, du moins pendant la période intérimaire, sera de participer à l’identification et à l’analyse des risques, en plus de faire des recommandations à l’employeur. Le rôle du comité ira donc de pair avec l’élaboration du programme de prévention, tel que précédemment mentionné.

Ce comité se veut paritaire et comporte un nombre égal de représentants de l’employeur et des travailleurs. Le nombre de travailleurs peut être déterminé par entente entre les parties ou à défaut, selon le nombre prédéterminé par la Loi, soit de deux (2) à six (6) représentants, et ce, en fonction du nombre total de travailleurs présents dans l’établissement.

Les rencontres du comité peuvent se tenir à une fréquence qui sera convenue entre l’employeur et les travailleurs. En cas de désaccord, les rencontres devront se tenir au minimum tous les trois (3) mois.

De plus, différentes dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail3 continueront de s’appliquer pendant le régime intérimaire, notamment en ce qui a trait au mode de désignation des travailleurs membres du comité, lesquels doivent être nommés par les autres travailleurs ou leur syndicat.

Les employeurs déjà soumis à l’obligation de former un comité de santé et de sécurité doivent en assurer le maintien selon les dispositions qui s’appliquaient auparavant, et ce, jusqu’à l’entrée en vigueur des modifications finales. Pour les autres employeurs ne comptant pas le minimum de 20 travailleurs dans leur établissement, cette mesure n’est pas obligatoire.

Représentant ou représentante en santé et sécurité

D’autres changements prévus à la Loi concernent le représentant ou la représentante en santé et sécurité. Cette fonction, auparavant désignée par le titre « représentant à la prévention », était obligatoire pour les établissements des groupes prioritaires I et II. Selon la Loi, tous les employeurs comptant 20 travailleurs et plus devront maintenant s’y conformer, peu importe leur groupe prioritaire.

Cette personne, qui doit être un travailleur ou une travailleuse, devra, dans le cadre du régime intérimaire, être désignée par les autres travailleurs d’ici le 6 avril 2022 conformément aux dispositions en vigueur. Elle aura la responsabilité de procéder à l’inspection des lieux de travail et de faire des recommandations au comité de santé et de sécurité, en plus d’avoir la possibilité de déposer des plaintes à la CNESST ou d’assister ses collègues à cet effet.

Le représentant ou la représentante pourra s’absenter du travail, afin d’exercer ses fonctions, selon le temps déterminé par entente des membres du comité de santé et de sécurité. Si les membres ne peuvent pas s’entendre à ce sujet, il ou elle pourra s’absenter, chaque trimestre, conformément à la fourchette de temps minimal prévue à la Loi, soit de 9 h 45 à 68 h 15, voire plus selon le cas, et ce, en fonction du nombre de travailleurs présents dans l’établissement.

Agent ou agente de liaison

Dans le cas des établissements comptant moins de 20 travailleurs et qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité de santé et de sécurité, et incidemment de nommer un représentant ou une représentante en santé et sécurité, les établissements visés doivent tout de même désigner un agent ou une agente de liaison.

L’agent ou l’agente de liaison doit coopérer avec l’employeur afin de faciliter, entre ce dernier et les travailleurs, la communication de l’information en matière de santé et de sécurité. Il ou elle doit également adresser par écrit des recommandations à l’employeur en matière d’identification des risques dans le milieu de travail.

Sa nomination se fait de manière similaire au représentant ou à la représentante en santé et sécurité, c’est-à-dire par les autres travailleurs, et ce, de la façon dont ceux-ci ou leur association accréditée le détermineront. 

 

Établissements multiples

Finalement, les employeurs qui possèdent plusieurs établissements pourront, si les activités qu’on y retrouve sont de même nature, favoriser une approche globale qui s’appliquerait à l’ensemble ou à une partie de ses établissements.

Ainsi, il serait possible, si les activités étaient similaires pour tous les sites, de créer un seul programme de prévention, de former un seul comité de santé et de sécurité ainsi que de désigner un seul représentant ou une seule représentante en santé et sécurité. Dans un tel cas, le programme de prévention devra tenir compte de l’identification et de l’analyse de l’ensemble des risques présents dans tous les établissements.

Toutefois, en plus du critère essentiel permettant de mettre en place cette approche globale, à savoir que les activités sont de même nature pour l’ensemble des établissements, une autre condition s’ajoute. La Loi exige que les activités du comité de santé et de sécurité et du représentant ou de la représentante en santé et sécurité puissent être exercées adéquatement, notamment en regard de la distance entre les établissements. Ainsi, un employeur exploitant plusieurs établissements dont les activités sont de même nature, mais qui sont trop nombreux ou géographiquement trop éloignés les uns des autres pour que les responsabilités du comité ou du représentant ou de la représentante puissent être exercées convenablement, ne pourrait recourir à une telle option.

 

Conclusion

Les modifications apportées par la Loi constituent une avancée importante en matière de prévention dans les milieux de travail. Toutefois, leur implantation pourrait s’avérer ardue et les employeurs devront s’assurer d’être en conformité avec les exigences minimales de la Loi d’ici le 6 avril prochain.

L’équipe de Langlois Avocats, qui est spécialisée dans les secteurs de la santé et de la sécurité du travail, pourra vous appuyer dans la mise en œuvre de ces mesures.

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1 2021, chapitre 27.
2 Les entreprises québécoises sont classées en 33 secteurs d’activité économique par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), lesquels sont ensuite divisés en six groupes prioritaires. Ces groupes prioritaires sont formés d’entreprises provenant de secteurs économiques similaires en matière de risques pour la santé et la sécurité du travail.
3 Chapitre S-2.1.

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