Médiatisation d’un litige : un risque à considérer

Les enjeux reliés à la protection de marques de commerce à l’international sont nombreux, et tout grand manufacturier sait que la route s’avère souvent pavée d’embûches. L’obtention de protection dans son marché local n’est pas garante qu’il en sera de même dans le pays voisin. Chaque juridiction compte ses propres particularités, incluant notamment les droits antérieurs de petits commerçants locaux.  

Un problème souvent insoupçonné dans le cadre de l’élaboration de stratégies pour maximiser la protection des marques phares d’une entreprise est le risque réputationnel découlant de la médiatisation des procédures judiciaires. Il est bien connu que les médias raffolent des histoires à la David contre Goliath, ce qui risque d’entraîner plusieurs conséquences sur la suite du litige.

Hyundai Motor Company (« Hyundai ») a récemment été confronté à cet enjeu à la suite de la publication, le 7 février dernier, de l’article de Chris Hannay dans The Globe and Mail intitulé « Toronto menswear shop holds firm in legal battle with Hyundai ».

La protection de la marque GENESIS, dédiée aux modèles de luxe de Hyundai, est établie au Canada depuis au moins 2007. Hyundai compte depuis ce temps plusieurs enregistrements de marque de commerce en lien avec ses activités principales, les produits motorisés. L’enjeu soulevé par The Globe and Mail en l’espèce a débuté en 2016 alors que Hyundai mettait en place sa stratégie de protection des articles accessoires liés à la marque GENESIS. Pour ce faire, Hyundai a notamment produit une demande d’enregistrement pour la marque GENESIS en lien avec des produits vestimentaires.

En janvier 2017, le registraire des marques de commerce a formulé une objection à la demande d’enregistrement produite par Hyundai sur la base de la confusion possible avec la marque enregistrée GENESIS détenue par Dimatt Investments inc., faisant affaire sous le nom Genesis (« Genesis Menswear »).

Depuis une cinquantaine d’années et encore à ce jour, Genesis Menswear exploite un magasin ayant pignon sur rue à Toronto spécialisé dans la vente de vêtements importés d’Italie. En 1988, elle obtient l’enregistrement pour la marque qui bloque la demande de Hyundai.

En réponse à cette objection du registraire, Hyundai a produit une demande de radiation sommaire contre l’enregistrement de Genesis Menswear, obligeant ainsi cette dernière à produire au registraire la preuve d’usage de la marque. Faute de produire une telle preuve, l’enregistrement de Genesis Menswear est passible de radiation.

Il s’agit en l’espèce d’une stratégie plutôt commune dans ce genre de dossier, puisque si le propriétaire de l’enregistrement fait défaut de produire la preuve requise, l’instigateur de la procédure peut se débarrasser à peu de frais d’une objection autrement encombrante. Encore faut-il que la marque ne soit plus utilisée ou que le requérant commette des impairs dans la preuve soumise pour que la stratégie ait des chances de succès.

L’enjeu ayant mené à l’article du Globe and Mail : Genesis Menswear a produit la preuve en réponse à la demande de radiation sommaire, et la procédure s’étire depuis sur plusieurs années, faisant nécessairement engager des frais importants à Genesis Menswear pour défendre sa marque de commerce enregistrée.

Notamment, en janvier 2021, le registraire rend sa décision et maintient l’enregistrement de Genesis, à la suite de quoi Hyundai interjette appel en Cour fédérale.

L’ampleur et la longueur des procédures n’ont pas manqué d’attirer l’attention médiatique.

Chris Hannay rapporte dans son article que les propriétaires de Genesis Menswear allèguent que Hyundai a manifesté une volonté de régler le dossier à l’amiable peu de temps après que The Globe and Mail a tenté de joindre Hyundai pour commentaires à propos de ce litige. Il appert d’ailleurs du plumitif de la Cour fédérale que les parties ont depuis réglé le dossier hors cour.

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