L’affaire Heritage Handoff Holdings, LLC v. Ronald Fontanella ‒ L’importance des déclarations et garanties fondamentales en matière de fusions et acquisitions

Dans le cadre de la vente d’une entreprise, que ce soit par le biais d’une vente d’actions ou d’actifs, plusieurs mécanismes contractuels, dont notamment les déclarations et garanties, permettent l’allocation entre le vendeur et l’acquéreur des divers risques y étant associés. 

De manière générale, un acquéreur aura habituellement intérêt à ce que le nombre et la portée des déclarations et garanties du vendeur soient les plus élevés possible afin de minimiser le risque que des enjeux existants avant la clôture soient découverts suivant la transaction. L’inverse est généralement applicable au vendeur qui cherchera à minimiser son exposition à toute procédure d’indemnisation ainsi que le risque que sa responsabilité soit retenue suivant la clôture. 

Il est par ailleurs usuel pour les parties de répartir une partie des risques associés à la transaction en prévoyant un traitement particulier pour un nombre limité de déclarations et garanties, qui revêtent une plus grande importance pour la transaction, soit, en pratique, des déclarations et garanties dites « fondamentales ». 

Déclarations et garanties « fondamentales » en droit civil québécois 

Malgré l’importance qu’elles occupent dans le processus de négociation d’achat-vente d’entreprises, la jurisprudence québécoise ne semble pas, à ce jour, s’être prononcée sur les caractéristiques et la portée juridique applicables aux déclarations et garanties fondamentales. Or, il est possible de constater que, comparativement aux déclarations et garanties standards, les déclarations et garanties fondamentales se caractérisent généralement par un ou une combinaison des éléments suivants : (i) une période de survie plus longue, voire parfois indéfinie; (ii) l’exclusion d’un panier d’indemnisation le cas échéant; et (iii) l’exclusion d’un plafond d’indemnisation le cas échéant. Notons par ailleurs que l’absence de définition législative pour ce concept implique qu’il revient aux parties à la transaction de définir les paramètres applicables à ces déclarations et garanties. 

Selon certaines publications recensant les paramètres applicables aux transactions survenues au cours des dernières années en matière de fusions et acquisitions, les déclarations et garanties suivantes sont généralement qualifiées de « fondamentales » : 

  • autorité et capacité du vendeur de conclure la transaction;
  • organisation juridique du vendeur et de l’entreprise cible;
  • caractère exécutoire des obligations souscrites par le vendeur; et
  • capitalisation de l’entreprise cible. 

Plusieurs facteurs militent, cependant, en faveur de la qualification de déclarations et garanties additionnelles à titre déclarations et garanties fondamentales dans un contrat d’achat-vente d’entreprise. Parmi ceux-ci, notons la portée et la nature de la transaction, le contexte commercial, la nature de l’entreprise cible et la tolérance aux risques des parties. Cette détermination demeure ultimement un enjeu de négociation entre les parties. À l’instar des déclarations et garanties standards, le vendeur aura, contrairement à l’acquéreur, intérêt à limiter le nombre et la portée de ses déclarations et garanties fondamentales. 

Finalement, il importe de souligner l’impact potentiel que pourrait avoir la qualification d’une déclaration et garantie comme étant « fondamentale » sur la détermination que la conduite de la partie ayant fait une déclaration et garantie inexacte ou fausse est dolosive ou vicie le consentement de la partie lésée. Notons qu’en droit civil québécois, le fait pour une partie de provoquer volontairement une erreur dans l’esprit de l’autre partie pour le pousser à conclure un contrat ou à le conclure à des conditions différentes s’apparente à un dol1. S’il est déterminé que l’inexactitude d’une déclaration et garantie fondamentale ferait échec à la transaction, il pourrait alors y avoir une possibilité qu’il soit déterminé qu’une partie n’aurait pas adhéré au contrat, n’eût été du dol ou de l’inexactitude d’une déclaration et garantie fondamentale2

L’affaire Fontanella 

Malgré l’absence de jurisprudence québécoise sur le sujet, une décision récente de la United States District Court for the District of Delaware est venue illustrer l’importance des déclarations et garanties fondamentales dans le cadre de la vente d’une entreprise. En effet, dans l’affaire Heritage Handoff Holdings, LLC v. Ronald Fontanella3 (l’ « Affaire Fontanella »), la Cour a pris en considération le fait pour M. Ronald Fontanella (le « Vendeur ») de faire une déclaration et garantie fondamentale sur la relation avec les principaux clients de l’entreprise cible dans sa détermination que le Vendeur avait notamment contrevenu aux dispositions du contrat d’achat d’actions intervenu avec Heritage Handoff Holdings, LLC (l’« Acquéreur ») et de la Securities Exchange Act. 

Dans cette affaire, le Vendeur et l’Acquéreur sont intervenus à un contrat d’achat d’actions relativement à l’acquisition de la société Rex Forge pour un montant de 12 000 000 $. Le contrat contenait une déclaration et garantie fondamentale prévoyant que dans les 12 derniers mois précédant la clôture aucun client de l’entreprise n’avait mis fin, diminué de manière importante ou autrement modifié sa relation avec Rex Forge4

Cependant, au cours de la période de vérification diligente, le Vendeur a notamment omis d’informer l’Acquéreur de la perte de plusieurs contrats importants avec certains des principaux clients de Rex Forge. En raison du fait que les parties avaient qualifié de « fondamentale » cette déclaration et garantie, la Cour a déterminé que le Vendeur connaissait l’importance pour l’Acquéreur des relations entre Rex Forge et ses clients et que son omission d’informer l’Acquéreur de cette information aurait été motivée par la volonté d’éviter une diminution du prix d’achat. 

Nous notons également les faits importants suivants en lien avec cette décision : 

  • la Cour offre une définition du caractère « fondamental » d’une déclaration et garantie en soulignant que l’importance d’une déclaration et garantie fondamentale est telle qu’une inexactitude de celle-ci ferait échec à la transaction5; et
  • le recours a été intenté plus d’un an suivant la clôture de la transaction. Or, cela a notamment été possible en raison du fait que la déclaration et garantie visée était « fondamentale » et que sa période de survie était plus longue que la période de 6 mois applicable aux autres déclarations et garanties prévues dans le contrat. 

Conclusion 

En conclusion, nous soulignons, suivant cette décision, l’importance pour les parties à une transaction de porter une attention particulière au nombre, à la portée et à l’objet des déclarations et garanties fondamentales prévues dans un contrat d’achat-vente d’entreprise. Une bonne gestion des risques associés à la transaction est souvent tributaire d’une bonne négociation de ces déclarations et garanties entre les parties.


1 Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 6e éd. Par P.-G. JOBIN avec la collab. de Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, paragr. 233.
2 Voir notamment l’article 1407 Code civil du Québec.
3 Heritage Handoff Holdings, LLC v. Ronald Fontanella, voir le Memorandum of Opinion rendu par la United States District Court for the District of Delaware le 6 mars 2019.
4 « Section 2.13(a) of the Shareholder Disclosure Schedules sets forth a complete and accurate list of the ten (10) largest customers of the Company for the most recent fiscal year. No such customer has within the last twelve (12) months (i) cancelled, materially decreased or otherwise modified, or to the Shareholder’s Knowledge, threatened to cancel, materially decrease or otherwise modify its relationship with the Company… or (iii) notified the Shareholder or the Company of any dispute of any nature. »
5 « A failure of a “core rep” is so serious that it causes a deal to fall apart. » Heritage Handoff Holdings, LLC v. Ronald Fontanella à la p. 13.

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