Les responsabilités respectives du fournisseur et du client dans un projet d’implantation d’une solution informatique

Personnes-ressources : Charles Lapointe, Yann Canneva et Antoine Hamel Rancourt

Voici ce que vous devez savoir — Que vous soyez fournisseur ou client, la portée et l’intensité de vos obligations peuvent varier en fonction du type de projet et des termes du contrat encadrant l’implantation d’une solution informatique, comme un progiciel, ou la migration vers une solution infonuagique :

  1. Si la tâche du fournisseur est précise et bien définie, l’obligation pourra en être une de résultat, c’est-à-dire que le fournisseur ne pourra être excusé de l’inexécution que par la preuve d’une force majeure.
  2. Si la tâche est sujette à certains aléas (comme c’est souvent le cas), l’obligation du fournisseur en sera une de moyens, c’est-à-dire d’agir avec prudence et diligence. Plus le mandat est général, vague et vise un objectif global à atteindre, plus l’obligation est alors assujettie à certains aléas et susceptible d’être considérée par les tribunaux comme une simple obligation de moyens.
  3. Si le projet d’implantation doit être réalisé conjointement, comme c’est souvent le cas, il s’agit alors d’un véritable partenariat, ce qui signifie que le client aura également des obligations envers le fournisseur. Il s’agira essentiellement de déployer des efforts et des ressources aux fins d’assurer le bon déroulement de l’implantation, en fonction de ce qui est commercialement raisonnable.

Il est donc important de souligner que les projets d’implantation de solutions informatiques comportent non seulement des défis propres aux technologies de l’information, mais soulèvent également des enjeux qui peuvent affecter directement les activités et la performance organisationnelle.

Ainsi, il faut non seulement s’attarder aux conditions d’utilisation ou droits de licences qui gouvernent l’utilisation de la solution, mais également aux modalités qui définissent les responsabilités respectives du fournisseur, qu’il soit désigné comme consultant ou intégrateur, et du client. Il importe donc de considérer le tout lors de la rédaction de l’appel de propositions et la négociation des ententes applicables et de consulter ses conseillers juridiques.

Informatique Côté Coulombe inc. c. Produits chimiques Magnus ltée1 Cette affaire offre un bon exemple. En octobre 2006, les parties concluent diverses ententes, notamment pour la vente et l’installation d’un progiciel de gestion intégrée, y compris les mises à jour et les services d’entretien et d’assistance technique.

La cliente, défenderesse en l’instance, éprouve ensuite des difficultés. Elle reproche au fournisseur (la demanderesse) d’avoir échoué dans l’implantation et d’être incapable de résoudre les nombreux problèmes. Impayé, le fournisseur dépose une demande en justice, soutenant qu’il s’agit plutôt de problèmes d’utilisation ou de formation liés à une mauvaise gestion interne du projet d’implantation de la part de la cliente.

Le tribunal accueille la demande du fournisseur en se fondant essentiellement sur les conclusions suivantes :

  • Les parties ont convenu d’un partenariat aux fins de l’implantation du logiciel. La cliente avait un rôle important à jouer dans le succès du déploiement, car si le fournisseur avait l’obligation de fournir le logiciel et le savoir-faire lié au projet, la défenderesse devait quant à elle déployer les ressources humaines nécessaires.
  • Le fournisseur avait une obligation de moyens et non de résultat. Il ne s’agissait pas d’un contrat à forfait ou d’un projet clés en main et l’échec de l’implantation du logiciel ne résulte pas d’un manquement de la part du fournisseur.

Les conclusions du tribunal sont fondées sur le libellé du contrat ainsi que sur les représentations faites par le fournisseur et la correspondance entre les parties. De l’ensemble de la preuve se dégagent divers éléments importants, dont :

  • l’établissement d’une banque d’heures pour l’implantation et d’une banque d’heures pour la personnalisation du progiciel;
  • l’importance du rôle du chef de projet de la cliente et de la disponibilité des personnes des départements impliqués;
  • le fait que la cliente soit désignée comme maître d’œuvre du projet et que les ressources du fournisseur soient utilisées comme support au déploiement; et
  • le fait que l’implantation du logiciel requière que la cliente accepte et mette en place des changements significatifs dans ses activités, ce qui demande un investissement majeur de temps.

Le tribunal conclut finalement que les différents modules de la solution informatique étaient fonctionnels et que l’échec de leur implantation et personnalisation est attribuable à une gestion déficiente du projet par la cliente. Le tribunal souligne notamment que cette dernière aurait omis de fournir certaines informations clés relativement à ses processus d’affaires.

Ainsi, le tribunal ordonne le paiement des factures du fournisseur malgré l’échec de l’implantation.

 Cet article n’est pas un avis juridique. Il emprunte par ailleurs certaines formulations du jugement précité afin d’être le plus fidèle possible au discours du tribunal. Pour plus d’information, nous vous recommandons de consulter le jugement rendu dans l’affaire en question, lequel est disponible en ligne.2
 

 


1 2018 QCCS 1494
2 http://canlii.ca/t/hrh90

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