Les régimes de retraite interentreprises sont transformés par le Projet de loi n34

Présenté à l’Assemblée nationale le 18 février 2015 par le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le Projet de loi n34 – Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite relativement au financement et à la restructuration de certains régimes de retraite interentreprises (« Projet de loi 34 ») a complètement transformé les dispositions législatives relatives aux régimes de retraite interentreprises.

Les parties d’opposition ayant appuyé ce projet de loi, le gouvernement a accéléré le processus législatif afin de rendre la législation québécoise similaire aux lois sur les régimes interentreprises applicables dans plusieurs autres provinces canadiennes, le plus rapidement possible. Le Projet de loi 34 a été adopté le 2 avril dernier, mais a effet depuis le 31 décembre 2014.

Le présent texte fait état des modifications importantes apportées à la législation québécoise.

1.

Les règles de financement et la restructuration

 

 a. Principes généraux

Le Projet de loi 34 offre la possibilité de réduire de façon rétroactive les droits des participants actifs et des retraités pour tenir compte de la situation déficitaire d’un régime. Ce changement législatif est essentiel dans le contexte économique actuel pour éviter que les employeurs se retirent des régimes de retraite et que certains de ces régimes interentreprises se terminent.

Les règles de financement suivantes sont établies par le Projet de loi 34, assurant ainsi la pérennité de ces régimes :

  • le financement des régimes de retraite interentreprises se fera uniquement selon l’approche de capitalisation;
  • le déficit de solvabilité n’aura plus à être financé; et
  • le déficit de capitalisation devra être amorti sur une période de 12 ans plutôt que 15.

De plus, selon le Projet de loi 34, lorsque le rapport d’évaluation actuarielle constate une insuffisance de cotisations, il faut procéder à une restructuration du régime, conduisant généralement à des modifications aux conventions collectives. Un plan de redressement devra alors proposer des mesures permettant d’assurer un financement du régime conforme à la loi. Ces mesures pourront notamment consister en une augmentation des cotisations patronales ou salariales ou une modification réductrice portant sur les services passés ou futurs.

De plus, un plan de redressement devra normalement suivre un processus de consultation et ne pourra être adopté que si moins de 30 % des participants et bénéficiaires s’y opposent. Cependant, cette consultation ne sera pas requise lorsque le texte du régime enregistré auprès d’un organisme réglementaire hors Québec comporte une disposition permettant la réduction des droits et des prestations des participants et bénéficiaires.

 

b. Délais impartis pour les étapes charnières

Le rapport actuariel au 31 décembre 2014 (par exemple) devra être transmis à la Régie des rentes avant le 31 octobre 2015, soit dans les 6 mois calculés à partir du dernier jour du mois de la sanction du Projet de loi 34 (soit le 30 avril 2015). Par la suite, ce délai de 6 mois sera calculé à partir de la date de l’évaluation actuarielle.

Si un plan de redressement est requis, il devra être transmis à la Régie des rentes avant le 31 octobre 2016, soit dans les 18 mois suivant le 30 avril 2015. Par la suite, ce délai de 18 mois sera calculé à partir de la date de l’évaluation actuarielle ayant constaté l’insuffisance des cotisations.

La demande d’enregistrement des modifications au texte du régime servant à mettre en œuvre le plan de redressement devra être présentée à la Régie des rentes avant le 30 avril 2017, soit dans les 24 mois suivant le 30 avril 2015. Par la suite, ce délai de 24 mois sera calculé à partir de la date de l’évaluation actuarielle ayant constaté l’insuffisance des cotisations. 

Malgré ces dates charnières ainsi que les pénalités en cas de non-respect, il faut surtout retenir que si tout n’est pas transmis à la Régie des rentes avant le 31 décembre 2019, soit dans les 60 mois de la date de l’évaluation actuarielle ayant constaté l’insuffisance des cotisations, le régime doit être terminé.

2.

Le retrait d’employeurs, les orphelins et l’acquittement des droits

Afin d’assurer le financement des régimes interentreprises pour l’avenir, le Projet de loi 34 établit de nouvelles règles applicables au retrait d’un employeur, aux participants orphelins et à l’acquittement des droits.

D’abord, si un employeur est forcé de se retirer du régime (advenant la survenance d’une situation prévue au Projet de loi 34), les droits des participants rattachés à cet employeur seront acquittés en proportion du degré de solvabilité du régime établi lors de la dernière évaluation actuarielle dont le rapport a été transmis à la Régie (pouvant être de plus ou moins 100 %). Cette nouvelle règle est une modification significative.

Par contre, si un employeur décide de se retirer du régime, les droits des participants liés à cet employeur seront acquittés en proportion du degré de solvabilité du régime. Afin d’éviter que des employeurs profitent indûment de cette situation, le Projet de loi 34 stipule cependant que ces derniers ne pourront se prévaloir de ces nouvelles dispositions pour les cinq prochaines années.

Selon les dispositions transitoires du Projet de loi 34, un employeur devra de plus se retirer du régime au 31 décembre 2014 si, à cette date (ou durant une période d’au moins 12 mois pour un employeur dont les employés sont temporaires), il ne compte plus de participants actifs à son service. De plus, tout participant qui, le 31 décembre 2014, n’est rattaché à aucun employeur partie au régime, pourra demander que ses droits demeurent dans le régime.

À l’avenir, les employeurs devront cependant se retirer du régime dès qu’ils ne compteront plus de participants actifs à leur service (ou après une période d’au moins 12 mois pour un employeur dont les employés sont temporaires). Dans ce cas, les droits des participants rattachés à cet employeur seront acquittés en proportion du degré de solvabilité du régime. De plus, à l’avenir, dès qu’un participant ne sera plus rattaché à un employeur partie au régime, les droits de ce participant seront acquittés en proportion du degré de solvabilité du régime.

Le mot de la fin

Le Projet de loi 34 rend la législation québécoise similaire aux lois sur les régimes interentreprises applicables dans plusieurs autres provinces canadiennes, contribuant ainsi à assurer la pérennité de ces régimes.

Le Projet de loi 34 contient une panoplie de règles détaillées, d’exceptions et de dispositions transitoires, dont certaines ont été abordées ici.  Les administrateurs de tous les régimes interentreprises au Canada (qu’ils soient enregistrés au Québec ou ailleurs) devront analyser attentivement les dispositions du Projet de loi 34 afin de déterminer si elles s’appliquent à la situation spécifique de leur régime et d’en évaluer l’impact.

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