Le devoir d’assistance du Conseil de discipline auprès d’une partie non représentée

L’absence de représentation par avocat d’une partie intimée ou d’un témoin, dans le cadre d’un litige disciplinaire, amène parfois plusieurs interrogations pour la partie adverse ou encore, pour le Conseil de discipline (« Conseil ») quant au devoir d’assister cette partie non représentée.

Dans l’affaire Attara c. Dentistes (Ordre professionnel des)1, le Tribunal des professions a fait la lumière sur cette problématique de plus en plus récurrente.

Faits

M. Attara, intimé, porte en appel de la décision sur culpabilité l’ayant reconnu coupable des neuf (9) chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire, lui reprochant principalement de ne pas avoir agi selon les normes scientifiques généralement reconnues dans la profession.

En première instance, la partie plaignante avait produit trois rapports d’expertise et fait entendre deux experts. De son côté, l’intimé avait fait entendre un enquêteur du Fonds d’assurance responsabilité de l’Ordre des dentistes qui avait analysé son dossier et produit un rapport favorable à sa cause dans une autre instance, soit dans le cadre d’un litige civil dans lequel il réclamait des honoraires impayés à un client. Devant le Conseil, l’intimé a présenté la même preuve qu’en Cour du Québec, puisque les chefs d’infraction contenus à la plainte sont liés aux mêmes événements.

L’enquêteur du Fonds d’assurance a donc témoigné pour l’intimé à titre de témoin ordinaire, après que le Conseil ait rendu une décision l’autorisant à déposer son rapport. Toutefois, le Conseil a rejeté sa qualité d’expert.

Toujours dans le cadre de sa preuve devant le Conseil, l’intimé a témoigné pour contester les opinions des experts présentés par le syndic. Plusieurs objections ont été retenues pour lui rappeler qu’il ne pouvait agir comme expert dans son propre dossier.

Dans le cadre de son appel, M. Attara prétend ne pas avoir eu droit à une audience juste et équitable parce que le Conseil n’aurait pas assumé adéquatement son rôle d’assistance à un professionnel non représenté par avocat.

La principale question en litige est donc de savoir si le Conseil a satisfait aux exigences de son devoir d’assistance à un professionnel non représenté par avocat.

Analyse

Tout d’abord, le Tribunal des professions rappelle que le devoir d’assistance à un professionnel non représenté par avocat revient au Conseil et non à la partie plaignante2. Il s’agit d’une composante de la règle audi alteram partem permettant à une partie non représentée de comprendre et de saisir les enjeux de la procédure dans laquelle elle s’engage.

L’étendue de ce devoir d’assistance est laissée à la discrétion du Conseil. En effet, l’assistance que celui-ci devra apporter à un intimé non représenté varie d’une situation à l’autre. Toutefois, le Conseil ne doit pas devenir le conseiller juridique de la partie qui se représente seule.

Dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal des professions (« Tribunal ») constate que la présidente du Conseil a manifesté un souci de répondre au devoir d’assistance qui lui incombait, notamment en faisant preuve d’une grande patience auprès de l’intimé et en ordonnant au syndic de transmettre un cahier de sources à M. Attara afin de l’informer des enjeux applicables à son dossier. Toutefois, le Tribunal affirme que le Conseil n’a pas informé M. Attara des avantages de consulter un avocat, ni expliqué les différences entre un témoin expert et un témoin ordinaire, ni les conséquences de ne pas contester adéquatement la preuve d’expert présentée par le syndic. Ainsi, l’intimé n’était pas en mesure de comprendre les enjeux réels de son dossier et de contester adéquatement la preuve de la partie plaignante. De surcroît, le Conseil n’a pas analysé avec l’intimé les éléments de la plainte pour lui indiquer les chefs demandant une preuve d’expert.

Les seules interventions du Conseil se sont limitées à mentionner à l’intimé qu’il ne pouvait pas rendre un témoignage d’opinion alors que celui-ci avait tenté de contester la preuve du syndic pendant deux jours.

Le Tribunal conclut que le manque d’informations transmises par le Conseil constitue des lacunes majeures qui ont eu pour effet de vicier l’équité du procès. Pour ces raisons, il annule la décision sur culpabilité et ordonne la tenue d’une nouvelle audition sur culpabilité devant un nouveau banc.

Commentaires

Le devoir d’assistance d’un Conseil est fondamental. Selon les circonstances de chaque affaire, il lui revient d’apprécier l’ampleur de l’assistance à apporter à une partie non représentée. Toute partie devrait être informée de son droit de consulter un avocat. Il appert également que le devoir d’assistance du Conseil devrait être plus marqué que minimal et ce, afin de préserver et de respecter les droits fondamentaux d’une partie et d’éviter des conséquences sérieuses, telle la reprise d’un procès.

Cette décision fait actuellement l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec3 et il sera intéressant de suivre cette décision.


1 2019 QCTP 123.
2 Ménard c. Gardner, 2012 QCCA 1546.
3 2019-12-17 (C.S.) 500-17-110868-190.