L’autorisation du Tribunal devra être obtenue avant d’émettre un avis de cotisation après une faillite

Le 21 octobre 2014, la Cour d’appel a rendu un arrêt d’importance en matière d’insolvabilité qui aura un impact déterminant dans le traitement des dossiers impliquant l’Agence du revenu du Québec (« ARQ ») et l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») dans l’affaire de la faillite de Sylvain Girard (500-09-024077-133).

En effet, la Cour d’appel a confirmé la décision du juge de première instance, laquelle a pour impact d’obliger l’ARC à obtenir l’autorisation du tribunal en vertu du paragraphe 69.4 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI ») avant de procéder à l’émission d’un nouvel avis de cotisation ou d’un avis de cotisation amendé après la date de la faillite.

Les faits de ce dossier sont relativement simples.

Le 15 mai 2009, M. Sylvain Girard a fait faillite et déclare dans son bilan des dettes totalisant 1 742 198,60 $.

Le 16 juillet 2009, l’ARC dépose une preuve de réclamation de 89 225,43 $ auprès du syndic à titre de créancière garantie.

Le 22 janvier 2010, l’ARC produit une réclamation amendée d’un montant de 731 774,46 $ qui s’ajoute à la réclamation précédente mais à titre de réclamation non garantie et émet quelques jours plus tard, le 25 janvier 2010, de nouveaux avis de cotisation.

Le 26 novembre 2012, le syndic rejette la preuve de réclamation de l’ARC en indiquant, notamment, que celle-ci devait obtenir l’autorisation préalable de la Cour supérieure en vertu des dispositions du paragraphe 69.4 LFI.

Le juge de la Cour supérieure rejette l’appel de l’ARC à l’encontre de la décision du syndic. Mentionnant que le Législateur est présumé être cohérent et logique, le juge de première instance considère que l’ARC n’est pas exemptée de l’application de l’article 69 LFI et qu’elle doit obtenir une autorisation de la Cour de faillite avant d’émettre un nouvel avis de cotisation qui constitue le point de départ de la procédure de contestation d’une cotisation fiscale.

La Cour d’appel vient confirmer la décision du premier juge à l’effet que l’ARC devait obtenir l’autorisation du tribunal en vertu du paragraphe 69.4 LFI puisque l’émission d’un avis de cotisation est l’équivalent d’une procédure introductive d’instance.

Elle indique que l’objectif principal des instances en matière d’insolvabilité était de créer un modèle de procédure unique visant à éviter qu’un créancier plus combatif obtienne le paiement de sa créance au détriment des autres créanciers.

La Cour d’appel rejette également l’argument de l’ARC voulant que l’émission d’un avis de cotisation constitue une mesure administrative en ce qu’elle ne permet pas à elle seule de recouvrir sa créance. Elle confirme que l’avis de cotisation constitue le point de départ d’un processus visant le recouvrement d’une créance fiscale.

Finalement, la Cour d’appel met fin à une controverse jurisprudentielle en écartant la décision St-Pierre, syndic de, dans laquelle la Cour supérieure avait affirmé que le syndic était lié par les avis de cotisation et la procédure d’appel prévue par les lois fiscales.

Bien que la Cour d’appel ne se prononce pas sur la question à savoir si seule la Cour canadienne de l’impôt est compétente pour établir le quantum d’une réclamation, elle confirme que tant que la suspension de procédure ne sera pas levée, l’avis de cotisation ne bénéficiera pas de la présomption de validité et le délai de 90 jours pour le contester ne commencera pas à courir.

À cet égard, la Cour d’appel souligne qu’un syndic n’a pas toute l’information nécessaire afin de s’opposer dans le court délai de 90 jours prévu par la Loi sur l’impôt sur le revenu, ce qui pousserait les syndics à s’opposer systématiquement, quitte à retirer leur opposition plus tard, ce qui peut se révéler inutile, inefficace et onéreux.

En d’autres termes, tant que l’ARC n’aura pas obtenu la permission du Tribunal afin de lever la suspension des procédures, il ne bénéficiera pas d’une cotisation présumée valide et ne pourra pas profiter d’un pourcentage de votes à titre de créancier ordinaire équivalant au montant de sa réclamation. Dans les faits, l’ARC et l’ARQ ne pourront plus selon leur gré modifier leur avis de cotisation et voter selon la valeur de leur nouvel avis de cotisation.

L’objectif de la LFI est de liquider et distribuer efficacement et rapidement les actifs de la faillite sans devoir risquer que le produit de réalisation soit entièrement consacré aux frais, notamment pour contester un avis de cotisation.

La Cour d’appel conclut comme suit :

« En conclusion, si l’ARC transmet une réclamation au syndic, elle peut la faire suivre d’un avis de cotisation. Cependant, comme cet avis de cotisation constitue une procédure en vue du recouvrement d’une réclamation prouvable, il n’aura pas les effets juridiques que lui confère la LIR, à moins que l’ARC obtienne l’autorisation du tribunal. En d’autres termes, si l’ARC désire que la procédure de contestation de l’avis de cotisation prévue à la LIR s’applique, notamment en ce qui a trait au délai pour le contester, elle doit s’adresser au tribunal et obtenir son consentement conformément au paragraphe 69.4 LFI. »

Nous croyons que cet arrêt s’appliquera aux cas d’avis d’intention et de proposition puisque les dispositions concernant la suspension des procédures sont similaires au paragraphe 69.3 LFI applicable en cas de faillite.

La décision ayant été rendue le 21 octobre 2014, il sera intéressant de surveiller si le Procureur général du Canada portera cette cause devant la Cour suprême. Entre-temps, cet arrêt de la Cour d’appel viendra modifier largement les relations avec les agences du revenu dans le cadre des dossiers d’insolvabilité et modifiera, dans certains cas, le rapport de force que pouvaient s’octroyer celles-ci dans le cadre de certains dossiers de faillite.

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