La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail entre en vigueur : ce qu’il faut absolument savoir

Le projet de loi no 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (le « projet de loi ») a été adopté le 30 septembre dernier et sanctionné le 6 octobre. Il s’agit de la première révision majeure dans le domaine depuis des décennies. Cette loi apporte des modifications importantes, tant à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q, ch. S-2.1) qu’à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (ci-après, la « LATMP ») (L.R.Q, ch. A-3.001).

Certaines dispositions de la Loi entreront en vigueur dès sa sanction, alors que d’autres dispositions entreront en vigueur jusqu’à six mois après sa sanction et même, pour certaines, après plus d’un an. Pour cette occasion, notre équipe spécialisée en droit de la santé et de la sécurité du travail a identifié les nouveautés et les modifications étant les plus susceptibles d’affecter les employeurs dans le traitement et la gestion de leurs dossiers de santé et sécurité du travail.

Table des matières

Certaines modifications applicables dès la sanction de la Loi (6 octobre 2021)

Modifications applicables un an après la sanction de la Loi (6 octobre 2022)

Modification applicable à compter du 6 avril 2023

Conclusion

 

Certaines modifications applicables dès la sanction de la Loi (6 octobre 2021)

Maladies professionnelles

En fait, un des points tournants de cette réforme consiste en l’adoption du nouveau Règlement sur les maladies professionnelles, lequel prévoit en annexe la liste des maladies bénéficiant d’une présomption d’admissibilité en vertu de l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La LATMP contenait déjà une annexe prévoyant cinq sections identifiant, par type, certaines maladies comme étant des maladies professionnelles. Le règlement prévoit maintenant huit sections et ajoute notamment, aux catégories de maladie bénéficiant de la présomption, les maladies oncologiques et les troubles mentaux. Les maladies oncologiques et cancers ajoutés touchent principalement les pompiers ayant été exposés à des gaz et fumées d’incendie. Sont aussi ajoutés à la liste le syndrome de stress post-traumatique, en certaines circonstances, et la maladie de Parkinson pour les travailleurs agricoles.

De plus, alors que le projet de loi initial prévoyait, à même l’annexe, des critères spécifiques d’admissibilité pour les maladies professionnelles causées par le bruit, la Loi, telle qu’adoptée, prévoit une formulation identique à celle qui prévalait auparavant tout en prévoyant, cependant, le pouvoir de la Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité du travail (« CNESST ») de déterminer, par règlement, lesdits critères d’admissibilité pour de telles maladies professionnelles.

 

Les nouveaux comités

La Loi a créé également de nouveaux comités. D’abord, le tout récent Comité scientifique sur les maladies professionnelles effectuera une vigie et une analyse des recherches et études scientifiques, ceci afin d’analyser les relations causales entres les risques particuliers et les maladies professionnelles, dans le but d’en informer le ministre et la CNESST et de faciliter la mise à jour du nouveau règlement sur les maladies professionnelles.

Les articles encadrant ce comité entreront en vigueur le jour de la nomination de l’ensemble de ses membres.

De plus, à l’instar du Comité des maladies professionnelles pulmonaires, le Comité des maladies professionnelles oncologiques aura comme mission, dans le cas de maladies non spécifiquement prévues à l’annexe du Règlement sur les maladies professionnelles, de déterminer si un travailleur est atteint d’une maladie oncologique. La CNESST sera dès lors liée par l’avis du Comité.

De ce côté, les articles mettant en place le Comité entreront en vigueur soixante jours suivant la nomination de l’ensemble des membres qui le composent.

Une nouveauté devant aussi être tenue en compte concerne le comité des maladies pulmonaires. Celui-ci bénéficiera d’une plus grande marge de manœuvre, en ce qui lui est maintenant permis, dans certaines circonstances de rendre son opinion sur simple analyse du dossier, sans évaluation du travailleur.

 

Protection accordée aux travailleurs en matière de violence physique et psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel

La Loi ajoute, aux devoirs généraux de l’employeur prévus à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »), l’obligation de prendre les mesures pour assurer la sécurité et l’intégrité psychique des travailleurs, en plus de protéger leur santé physique. L’employeur doit, de plus, assurer sur les lieux du travail la protection de tout travailleur exposé à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale.

L’identification des risques propres aux différents milieux de travail et les mesures de prévention à élaborer devront donc, de toute évidence maintenant, tenir compte autant de l’enjeu de la santé physique que de ceux propres à la santé psychique.

La notion d’intégrité psychique devra également être considérée lors de l’établissement d’une assignation temporaire de travail pour les travailleurs accidentés.

 

Télétravail

Un amendement venant bonifier le projet de loi initial prévoit désormais que l’endroit où l’employé effectue du télétravail soit considéré comme un lieu de travail au sens de la LSST.

Ceci vient moderniser la Loi pour la rendre fidèle à la réalité actuelle du marché du travail. Toutefois, cet élargissement, lorsque mis en relation avec la nouvelle obligation précédemment mentionnée, qui est d’assurer la protection de tout travailleur touché par une situation de violence physique ou psychologique incluant la violence conjugale ou familiale, vient augmenter considérablement le fardeau des employeurs.

Ceux-ci devront donc rester vigilants et proactifs lors de la mise en place et l’application de leur politique de travail. Il sera intéressant de rester à l’affût des développements jurisprudentiels quant à cette question, notamment en ce qui concerne l’étendue des devoirs des employeurs en regard des résidences privées des travailleurs, mais également de tout autre lieu d’où peut s’effectuer le télétravail.

Alors que la LSST permet aux inspecteurs de la CNESST de pénétrer dans les lieux de travail afin d’exécuter les pouvoirs qui leur sont dévolus, une exception existe en matière de télétravail lorsque le lieu est une maison d’habitation. Cependant, un juge de la Cour du Québec peut autoriser un tel inspecteur à pénétrer dans une résidence privée s’il a des motifs raisonnables de croire que le travailleur ou une personne se trouvant à cet endroit est exposé à un danger mettant sa vie, sa santé ou sa sécurité en péril.

 

Volet pénal et amendes

Les modifications aux dispositions pénales encadrant les possibles dérogations et infractions à la LATMP entrent en vigueur dès la sanction du 6 octobre 2021. Les amendes minimales et maximales sont, pour la plupart, doublées, voire augmentées davantage. Les amendes prévues aux articles 236 et 237 de la LSST ne sont toutefois pas modifiées.

 

Imputation et financement

Alors que le projet de loi prévoyait des changements majeurs au niveau des mécanismes disponibles pour les employeurs, afin de réduire l’impact des coûts des dossiers d’accidents du travail, les représentations des parties patronales semblent avoir permis d’obtenir le retrait de ces modifications et le maintien de ces acquis.

Ainsi, le partage d’imputation octroyé en raison d’un handicap préexistant reste tel quel et les autres modifications, qui venaient restreindre les possibilités de partage et de transfert de l’imputation du coût des prestations, notamment dans les cas où un employeur est obéré injustement, n’ont également pas été adoptées.

Toutefois, la Loi prévoit spécifiquement la possibilité d’obtenir un transfert d’imputation si la lésion est survenue uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur. Dans cette situation, et dans le cas d’une lésion survenue à l’occasion des soins ou de leur omission, le transfert ne pourra être accordé que lorsque la décision finale sera rendue.

 

Modifications applicables un an après la sanction de la Loi (6 octobre 2022)

Formulaire obligatoire d’assignation temporaire

À partir du 6 octobre 2022, l’employeur et tous les autres intervenants devront obligatoirement recourir au formulaire prescrit par la CNESST pour assigner temporairement un travailleur. Cette disposition permettra d’uniformiser les demandes d’assignation temporaire, mais pourrait également avoir pour effet de retarder le traitement de certains dossiers, notamment lorsqu’un intervenant omet de remplir ledit formulaire ou tarde à le faire.

Le médecin qui a la charge du travailleur devra indiquer, sur ce formulaire, ses constatations quant aux limitations fonctionnelles temporaires du travailleur. Ces dernières constatations ne pourront toutefois donner ouverture à la procédure d’évaluation médicale.

 

Modifications des mesures de réadaptation

Les mesures de réadaptation s’étendront à davantage de travailleurs et pourront désormais débuter plus tôt. Alors que le droit à la réadaptation naissait auparavant, lorsqu’il était acquis que le travailleur conserverait une atteinte permanente en raison de sa lésion professionnelle, il sera maintenant possible pour la CNESST d’accorder ce bénéfice dès qu’une lésion est acceptée, et ce, même avant que celle-ci ne soit consolidée.

 

Obligation d’accommodement raisonnable

Il est déjà reconnu que l’employeur dispose d’une obligation d’accommodement raisonnable à l’égard des travailleurs qui ont subi une lésion professionnelle. À cet égard, la Loi permet à la CNESST, si la période d’absence ou la situation d’un travailleur le justifie, de prévoir son retour au travail afin de faciliter sa réintégration chez son employeur. Elle prévoit également un pouvoir accru de celle-ci dans le processus de détermination d’un emploi convenable, et ce, indépendamment de l’expiration du délai pour exercer le droit d’un travailleur au retour au travail. C’est la CNESST qui déterminera si un accommodement est nécessaire pour permettre au travailleur d’exercer un emploi chez son employeur, sous réserve évidemment de la démonstration par l’employeur de la contrainte excessive que lui imposerait cet accommodement.

À cet effet, la LATMP prévoit maintenant le pouvoir de la CNESST d’imposer une sanction administrative pécuniaire, équivalente au coût des prestations pour une période donnée, à tout employeur qui refuse de collaborer au processus d’accommodement ou encore qui refuse de réintégrer un travailleur suivant une décision établissant la capacité de ce dernier à occuper son emploi, ou un emploi équivalent ou convenable, avant l’expiration du droit de retour au travail.

 

Pouvoirs du Bureau d’évaluation médicale (« BEM »)

Lorsqu’il se prononce sur la date de consolidation d’une lésion professionnelle, le membre du BEM devra dorénavant le faire sur l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur ainsi que sur l’existence et l’évaluation des limitations fonctionnelles. S’il ne peut se prononcer, celui-ci devra exposer les raisons qui l’en empêchent. Le membre du BEM pourra également, s’il considère que la lésion ne nécessite plus de soins ni de traitements, se prononcer sur la date de consolidation de la lésion.

 

Modification applicable à compter du 6 avril 2023

Optimisation des recours et révision des décisions de la CNESST

À compter du 6 avril 2023, les décisions rendues par la CNESST portant sur des questions de nature médicale ou concernant le financement du régime de santé et sécurité du travail pourront, au choix de celui qui en fait la demande, faire l’objet d’une révision par la CNESST dans les trente jours suivant sa notification ou être contestées directement devant le Tribunal administratif du travail dans les soixante jours suivant sa notification. De plus, à compter de cette date, le délai de contestation de toute décision de la révision administrative sera de soixante jours au lieu de quarante-cinq jours.

 

Conclusion 

Le présent article avait pour objectif de vous faire part des modifications phares apportées au régime de santé et sécurité du travail étant susceptibles d’affecter, au quotidien, la gestion des dossiers de lésions professionnelles dans votre milieu de travail. Il constitue un aperçu de quelques-uns des nombreux changements apportés par l’entrée en vigueur de la Loi. La portée de ces changements ainsi que leurs conséquences peuvent varier en fonction du secteur dans lequel vous œuvrez. En ce sens, nous vous invitons à communiquer avec les membres de notre équipe de santé et sécurité du travail pour toute question précise à ce sujet.

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