La Cour supérieure décide de l’ordre de priorité des fiducies réputées en matière de régimes de retraite

Une décision tant attendue de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Timminco a décidé de l’ordre de priorité des fiducies réputées en matière de régimes de retraite. En effet, le 24 janvier dernier, le juge Robert Mongeon a finalement rendu un jugement de 54 pages sur le sujet1. Le dossier a été piloté par Me Tina Hobday, avec le soutien de Me Guy de Blois et Me Jessica Syms. 

D’abord, le juge Mongeon reconsidère sa décision antérieure dans l’affaire White Birch2 où il avait décidé que l’article 49 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite3 (ci-après la « LRCR ») ne créait pas de fiducie réputée. Suite à une analyse approfondie des articles 1260, 1261 et 1262 du Code civil du Québec (ci-après le « Code civil ») et des dispositions pertinentes de la LRCR, il conclut en effet dans Timminco que l’article 49 LRCR établit une fiducie réputée valide à l’égard des cotisations, incluant les cotisations d’équilibre non versées. 

Ceci étant dit, le juge Mongeon est néanmoins d’avis qu’une fiducie réputée valide, sans plus, n’a toutefois pas priorité de rang sur l’hypothèque mobilière universelle en faveur du créancier (Investissement Québec dans la présente affaire). Cependant, suite à une analyse de l’article 264 LRCR et de la jurisprudence concernant les principes généraux applicables en la matière, il conclut qu’en vertu de cet article les cotisations à être versées sont clairement incessibles et insaisissables. 

Ainsi, selon lui, l’effet combiné des articles 49 et 264 LRCR fait en sorte que les cotisations non versées sont exclues du patrimoine de la compagnie et ne peuvent donc pas être utilisées afin de rembourser la créance hypothécaire. 

Qui plus est, malgré que certaines provinces au Canada possèdent des lois sur les sûretés mobilières qui stipulent spécifiquement qu’une fiducie réputée a préséance sur certaines sûretés, le juge Mongeon remarque que le Québec ne possède aucune disposition législative semblable. Il conclut toutefois que l’article 264 LRCR a, par analogie, sensiblement le même effet que l’article 30(7) de la Loi sur les sûretés mobilières de l’Ontario4

De plus, le juge Mongeon conclut que le raisonnement de la Cour suprême dans l’arrêt Sparrow5 ne peut s’appliquer en l’espèce. Il est intéressant de noter que dans l’affaire Aveos6, où une question similaire a été décidée en vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension7, le juge Schrager se fonde sur l’arrêt Sparrow et refuse de reconnaître la priorité de la fiducie réputée sur la créance hypothécaire. 

Faisant référence aux paragraphes 51 et 52 de l’opinion de la juge Deschamps dans l’affaire Indalex8, le juge Mongeon conclut que les priorités sont définies par la législation provinciale et qu’elles continuent de s’appliquer dans les instances relevant de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies9, sous réserve de la doctrine de la prépondérance fédérale. Dans la présente affaire (contrairement à White Birch et Indalex), la prépondérance ne s’applique pas puisque le créancier garanti n’est pas le prêteur DIP. 

Finalement, en ce qui concerne la question du déficit actuariel, le juge Mongeon conclut que l’article 49 de la LRCR créant la fiducie réputée doit faire l’objet d’une interprétation restrictive et qu’on ne peut donc pas en étendre l’application aux déficits actuariels. Selon lui, il n’y a aucune disposition législative qui pourrait être interprétée de façon à inclure le déficit actuariel dans la fiducie réputée de l’article 49 LRCR, d’autant plus que l’article 228 LRCR qualifie le déficit comme étant une simple dette. 

Il est important de noter que l’affaire Timminco est encore loin d’être terminée. En effet, les montants à être remboursés aux caisses de retraite par Investissement Québec restent encore à être déterminés. De plus, les parties devront décider si elles iront en appel de la décision tout juste rendue par le juge Mongeon.


1 Timminco Ltée (arrangement relatif à), (24 janvier 2014) Montréal 500-11-043844-121 (QCCS).
2White Birch Paper Holding Company (Arrangement relatif à), 2012 QCCS 1679.
3 L.R.Q. c R-15.1.
4 L.R.O. 1990, c P.10.
5Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1977] 1 R.C.S. 411.
6Aveos Fleet Performance (Arrangement relatif à), 2013 QCCS 5762.
7 L.R.C. 1985, c 32 (2e suppl).
8Sun Indalex Finance, LLC c. Syndicat des Métallos, 2013 CSC 6.
9  L.R.C. 1985, c C-36.

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